Une version québécoise du gâteau basque qui fait jaser
« Quand le Pays basque fait rêver Montréal : le gâteau basque vanille et bleuets », décrit cette mère de quatre enfants en marge des photos présentant sa réalisation alléchante, concoctée pendant le confinement. Le lendemain, elle publiait des images de son petit frère, une version à la crème chocolat.
Bien que cette amatrice de desserts réalise des œuvres pâtissières plutôt spectaculaires et bellement photographiées, seule une poignée d’abonnés à son compte Instagram peut s’en régaler. Pour être exact, 167, au moment d’écrire ces lignes. Mais cette fois-ci, les gâteaux ont tapé dans l’œil de leur berceau d’origine – un petit coin de pays juché entre la France et l’Espagne, où la culture traditionnelle locale est très prégnante – aussitôt qu’ils ont été relayés par PaysBasque.net, une plateforme d’information sur la culture basque comptant près de 63 000 abonnés sur Instagram et suivie par plus de 130 000 personnes sur Facebook.
Conséquence : de pleines fournées de mentions « J’aime » et de commentaires n’ont pas tardé à saupoudrer les publications, la plupart émettant d’élogieuses remarques au sujet des appétissantes pâtisseries. Mais pas seulement. Car il faut savoir une chose : la recette du gâteau basque est un sujet presque aussi sensible que la question de l’indépendance de la région, et une guerre de clochers fait déjà rage entre les adeptes de la version à la crème et les défenseurs de la mouture à la cerise noire pour savoir laquelle est l’« originale ».
Alors quand le Québec vient introduire ses bleuets là-dedans, ça fait saliver bien des gens, mais aussi grincer des dents. « Jamais de la vie, le gâteau basque reste à la crème », « Ça doit être extra, mais il ne faut pas l’appeler gâteau basque », « Au chocolat ? ? ? Ça me brise le cœur », ronchonnent les internautes les plus puristes.
« Ce n’est pas un gâteau basque s’il est au chocolat ou autre. […] Tout ce qui ne respecte pas la recette n’a en aucun cas le droit de s’appeler gâteau basque. Le respect des valeurs avant tout », s’offusque un pâtissier de la ville de Bayonne.
Mais s’ils tiennent tant à se priver de dessert, laissons donc les grincheux bouder dans leur coin, et allons plutôt questionner Mme Grandchamp sur sa belle interprétation.
Un hommage à manger
En fait, sa petite famille passe la plupart de ses vacances au Pays basque. Condamnés au confinement, ce sont les enfants qui ont réclamé un gâteau basque à Garance Grandchamp, qui n’en avait jamais préparé. Pour les non-initiés, ce dessert traditionnel se compose d’une pâte du genre sablé et d’une garniture à la crème pâtissière ou à la cerise.
« Ce n’est pas un gâteau très technique ni très long à faire, mais il peut être raté si on ne fait pas les choses dans l’ordre. C’est très beau à voir et très bon », souligne Mme Grandchamp, qui a cherché à faire une savoureuse rencontre basco-québécoise, en employant des bleuets sauvages de l’Abitibi qu’elle achète dans les marchés avant de les congeler. « Il y a une tradition bien établie avec la crème et la cerise noire, mais il faut plutôt prendre cela comme un hommage, du fait qu’on s’autorise à le revisiter ou à le mélanger à d’autres traditions », lance-t-elle, rappelant que certaines institutions basques bien établies s’aventurent déjà dans ces innovations, comme la très réputée Maison Adam, sise à Saint-Jean-de-Luz.
La Montréalaise, qui est en train d’échafauder un blogue en marge de son compte Instagram – son emploi de juriste et ses responsabilités de mère lui dévorant déjà pas mal de temps –, songe déjà à d’autres expérimentations sur le thème, considérant un mariage crème et pistache ou une garniture aux cerises de l’île d’Orléans. Oh ! À entendre ces projets, des babines vont se retrousser. Mais seules nous importent celles qui se pourlécheront. Et maintenant, les Basques, la pelote est dans votre camp : régalez-nous avec un mets traditionnel québécois tourné à votre sauce. Un pouding chômeur au piment d’Espelette ? Une poutine au jambon de Bayonne ? Une chose est sûre : personne n’y trouvera rien à redire, sauf peut-être « Je vais me resservir ! »