COVID-19

Au tour du gouvernement de fournir sa part d’efforts

François Legault est un politicien doué. En effet, le ton paternaliste du premier ministre, que les Québécois semblent bien aimer, combiné à sa prétention d’être totalement transparent, semble lui réussir… jusqu’à maintenant.

Toutefois, de 10 % en avril 2020, 39 % de la population se dit maintenant « peu ou pas satisfaite » de la réponse du gouvernement face à la COVID-19. Les débats sur d’autres façons de gérer la pandémie se multiplient dans l’espace public mondial et la transparence du gouvernement est maintenant remise en question. Ajoutez à cela un brin d’arrogance de la part d’un gouvernement qui démontre clairement des signes d’irritation et d’impatience vis-à-vis de l’opposition et certains détracteurs de mesures jugées excessives, et vous avez un plat de moins en moins digestible pour les Québécois.

Ce débat est tout à fait sain et légitime dans une démocratie qui se respecte. Il n’a rien à voir avec les théories complotistes pas plus qu’avec des appels à la désobéissance civile. Les statistiques sur les décès des personnes plus âgées sont cruelles et infiniment tristes. Cela dit, les énoncer et suggérer d’en tenir compte dans une approche mieux ciblée et moins périlleuse pour l’ensemble des citoyens ne peut être interprétée comme une banalisation des personnes mortes ou endeuillées.

Mais si ce débat est légitime, ce qui ne l’est pas, c’est de priver les citoyens d’explications claires et limpides auxquels ils ont droit.

Depuis le début de la pandémie, le gouvernement impose de sévères restrictions à la population. Quotidiennement ou presque, des prêches portent sur des leçons d’hygiène et de bienséance. Jour après jour, le bulletin de la population est présenté en nombre de cas, d’hospitalisations et de morts.

Si les morts sont nombreuses, on dira que ce sont les citoyens qui ne « comprennent » pas. À mots couverts, la vice-première ministre Geneviève Guilbault parle même de « désinvolture » de la population et lui fait porter le poids de possibles ruptures de services.

Ces conférences de presse ne sont pas des exercices de transparence. Curieusement, nous en sommes venus à ce que ces rendez-vous portent davantage sur le comportement des citoyens que sur la gestion de la pandémie par le gouvernement. De fait, le gouvernement a habilement masqué ses propres déboires et transféré à la population la responsabilité de sa propre gestion.

Un exercice de transparence serait que le gouvernement rende des comptes à la population et non l’inverse.

Où en est le gouvernement en matière de dépistage rapide ? De traçage ? Quels sont les indicateurs à la base des décisions ? Quelqu’un sait comment une région passe du jaune à l’orange, ou l’inverse ? Où sont les éclosions ? Une éclosion de deux cas, c’est une éclosion ? Combien de ces éclosions sont dans les milieux de soins gérés par le gouvernement lui-même ?

Le premier ministre Legault soutient que son gouvernement est d’une transparence totale. Mais comment faire confiance à une cellule de crise aussi opaque et essentiellement composée de spécialistes en communication et de personnel politique ? Peut-on vraiment croire, par exemple, que cette cellule politique entend bien les préoccupations des PME du Québec qui pourtant génèrent 92 % des emplois ?

Certains s’offusquent en prenant la défense du gouvernement et rappellent que c’est la COVID-19 qui cause des dommages et non les politiques de confinement. Désolée, mais chaque hiver, lorsqu’on rappelle au gouvernement le mauvais déneigement, il ne vient pas à l’idée de dire que c’est parce qu’il y a de la neige.

Ainsi, lorsque les mesures sanitaires sont exagérément restrictives à cause d’un système de santé qui provoque et transmet lui-même la maladie, est-il au moins légitime de reconnaître que la responsabilité n’est pas celle du malade ni du citoyen docile qui respecte les consignes, mais bien celle, au moins en partie, du gestionnaire du régime de santé ? Comment comprendre, par exemple, que tout près de 15 personnes sont mortes de la COVID-19 à l’Hôtel-Dieu de Lévis alors qu’elles n’étaient pas porteuses du virus au moment de leur arrivée dans l’établissement ?

Une nouvelle maladie mortelle s’est introduite chez l’espèce humaine. Rien n’indique si et quand on pourra l’éradiquer, et tout porte à croire qu’elle bouleversera nos vies encore plusieurs mois. Attendre le vaccin n’est pas une stratégie et espérer atteindre zéro mort ne l’est pas non plus.

Malgré cela, le défi 28 jours d’octobre a produit le résultat attendu, soit celui d’avoir cassé la vague. Une très grande majorité de la population respecte les consignes sanitaires et fournit sa part d’efforts. Ce dont on a besoin maintenant, c’est d’un gouvernement qui fasse la sienne, qui rende des comptes et respecte le contrat moral et social qui le lie à l’ensemble des Québécois. Une extraordinaire occasion s’offre au gouvernement de remodeler ce qui accapare 50 % du budget du Québec pour amoindrir le choc. Gaspiller cette crise serait impardonnable.

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