Moïse Bombito

Une ascension surprise

Du semi-pro québécois à cochambreurs avec le Canada. Le parcours de Moïse Bombito a beau avoir été très différent – et un peu plus long – que celui d’Ismaël Koné, le destin des deux anciens du CS Saint-Laurent les a ramenés ensemble.

« C’est une belle histoire, ça, c’est sûr », affirme le défenseur québécois de 24 ans devant La Presse. Nous le rencontrons dans l’hôtel de l’équipe canadienne à Atlanta, à deux jours de son affrontement contre l’Argentine en lever de rideau de la Copa América, jeudi soir.

« Lui comme moi, on a des rêves dans notre carrière qu’on est en train de réaliser en ce moment. Ce sont des choses qu’on veut faire : jouer dans de grands stades, avec de grandes foules, contre de grandes équipes. »

C’est ce qui va se passer, jeudi. Cette rencontre face aux vedettes de l’Argentine aura lieu dans le Mercedes-Benz Stadium, magnifique enceinte pouvant accueillir 71 000 partisans.

« On est super excités, ajoute Bombito. On n’a qu’une chose en tête, c’est d’avoir un bon résultat contre l’Argentine. »

Une « prise de risque » payante

L’ascension de Bombito avec le Canada est très récente. Il avait eu son premier rappel l’été dernier, certes. Mais c’est sous Jesse Marsch, en ce mois de juin, qu’il a pris sa place en tant que titulaire en défense centrale. Jusqu’à s’offrir un duel contre Kylian Mbappé dans le match contre la France, le 9 juin. Nous y reviendrons.

Parce que même si Koné et Bombito se connaissaient de Saint-Laurent, tout le monde à qui on a parlé s’entend pour dire que le joueur évoluant aujourd’hui avec les Rapids du Colorado, en MLS, n’était pas pressenti pour devenir l’une des vedettes montantes du soccer canadien.

Il n’était même pas une vedette dans le semi-pro québécois.

« Quand il était avec nous, c’était toujours un bon joueur, mais ce n’était pas une étoile », nous a lancé Rocco Placentino, directeur technique chez le CSSL, au bout du fil, lundi.

Placentino le qualifie de « late bloomer », soit un joueur qui s’est développé sur le tard. Le principal intéressé ne s’en cache pas du tout. Au contraire.

« Tu peux même demander à Ismaël, dit-il en souriant. Quand on était plus jeunes et qu’on jouait à Saint-Laurent, je n’étais pas celui qu’on venait regarder ! »

« La seule différence qui fait en sorte que je suis ici en ce moment, c’est la prise de risque. »

— Moïse Bombito

Il a essuyé le refus de l’Académie de l’Impact, puis d’équipes de la Première Ligue canadienne. Après deux belles saisons avec le CS Saint-Hubert, toujours dans le circuit québécois, il décide en 2022 de « ne pas s’asseoir sur [ses] lauriers » et de tenter sa chance dans le réseau collégial américain. Le voilà en Iowa, puis au New Hampshire. Il y obtient une belle visibilité qui le mènera à une sélection au troisième rang du repêchage de la MLS par les Rapids, en 2023.

Un parcours sinueux, que l’on disait. Pas mal plus compliqué que celui d’Ismaël Koné, embauché professionnellement par le CF Montréal du CSSL, avant de partir un an plus tard vers l’Europe.

« C’est beau à voir, nous dit Mathieu Choinière, que l’on rencontre quelques minutes après notre discussion avec Bombito. Chacun a son parcours. Tu peux réussir à n’importe quel âge. Il n’est pas vieux non plus, à 24 ans. C’est inspirant, et il a un gros potentiel. »

Cornelius-Bombito, un duo complémentaire

Choinière louange « l’athlétisme » du défenseur. C’est aussi la facette de son jeu qui le rend le plus fier. Et probablement ce qui lui vaut ces belles minutes sous Marsch, avec son style de jeu axé sur la pression et la vitesse en transition.

Pour les curieux, amusez-vous à aller voir quelques-uns de ses faits saillants avec les Rapids : vif comme un lièvre en repli défensif, Bombito retire beaucoup de plaisir à venir soutirer le ballon d’un attaquant qui se pense libre en contre-attaque.

« J’aime beaucoup défendre vers l’arrière, dit-il. Quand je dois faire un repli défensif, j’aime beaucoup profiter de ce que j’ai athlétiquement. »

Ces qualités viennent complémenter celles de son nouveau partenaire aux remparts canadiens, Derek Cornelius. « Plus agressif » que Bombito, compare ce dernier, Cornelius aime se projeter vers l’avant « quand il en a l’opportunité ».

« J’ai une très belle relation avec Derek, explique le Québécois. Après chaque entraînement, Isma, Jo David, Derek et moi, on fait un jeu de touches. C’est là qu’on est à l’aise, confortables, on rigole un peu. C’est là qu’on se crée une chimie en tant que défenseurs centraux. »

« Chaque détail compte »

Ils en ont eu besoin face à la France, qu’ils ont tenue en échec à 0-0 il y a moins de deux semaines – avec l’aide d’un Maxime Crépeau brillant devant le filet.

Pour Bombito, on se rappellera surtout ce duel en toute fin de match contre Mbappé. Bon, il l’a perdue, cette confrontation. Mais Crépeau a sauvé les meubles – et le match – juste derrière.

Cette performance en France a même « surpris positivement » Placentino. « Il a joué comme s’il avait joué dans la première division depuis cinq ans ! Il n’avait pas peur, il avait une grande présence physique. »

Après Bordeaux, le Québécois est revenu à Montréal pour trois jours avant de s’envoler vers Atlanta. Sa bataille contre Mbappé est tout ce dont on lui a parlé pendant son séjour chez lui.

« C’était un gros, gros, gros débat quand je suis rentré ! lâche-t-il en riant. Ils m’ont tous demandé c’était comment, le un contre un contre Mbappé. Je dis : “Les gars, c’est très, très, très fort !” Ce n’est pas la même chose que de défendre contre quelqu’un d’autre en MLS. »

Bombito a joué les 90 minutes contre la France et contre les Pays-Bas (défaite de 4-0). Deux matchs de préparation, qui ont eu l’effet escompté sur l’apprentissage des joueurs.

« Chaque détail compte [à ce niveau], remarque le joueur. […] Il va falloir défendre d’une certaine façon, être patients, ne pas être naïfs sur certaines occasions défensives. »

Il parle ici bien sûr de son affrontement contre Messi et l’Argentine, jeudi. Et même si le meilleur joueur de tous les temps a déjà joué et marqué contre les Rapids en avril dernier, sa fébrilité avant de l’affronter reste la même.

« Ça reste incroyable, assure le fan du FC Barcelone qu’est Bombito. C’est un joueur qui a marqué le football. Il m’a même rendu émotionnel par moments. […] Il m’a fait rêver. C’est un joueur que je respecte énormément, et je suis impatient de l’affronter encore une fois. »

Rocco Placentino est content pour son ancien poulain. Et rappelle, en une phrase, le chemin qu’il a parcouru.

« Dans le passé, la seule façon qu’il avait de jouer contre Messi, c’était à la PlayStation ! »

Et maintenant, l’Europe ?

De son propre aveu, avant son éclosion en club et en sélection dans la dernière année, Moïse Bombito ne pouvait pas même concevoir de prendre la route de l’Europe un jour. « Conscient de ses capacités footballistiques », son but était surtout de rejoindre la MLS. « Avec la saison que j’ai en ce moment au Colorado, je pense que ça confirme que oui, je peux aller jouer dans les top ligues en Europe, nous dit-il. Mais si j’y arrive, il faudra prouver, et ne pas juste faire une apparition et revenir en MLS. » Au moins, là-dessus, il a l’encouragement de son sélectionneur. « Son but devrait être de se diriger vers l’Europe, nous disait Jesse Marsch, à Bordeaux. Il a le talent, l’intelligence et l’habileté. Je suppose que ce ne sera qu’une question de temps avant que le Colorado ne reçoive des offres pour lui. »

Carte postale

La frénésie Messi, encore

Il est 16 h 30, au centre-ville d’Atlanta. On revient en taxi de notre affectation à l’hôtel de l’équipe canadienne quand tout à coup, on passe devant une foule amassée aux abords d’un grand Westin.

On remarque ensuite rapidement les nombreux maillots de l’Argentine et de l’Inter Miami, pressés autour de deux autocars. Pas de doute, les joueurs de l’Albiceleste, dont Lionel Messi, sont en voie de faire leur apparition.

L’hôtel est situé rue Peachtree – de circonstance, dans l’État de la pêche. Tout juste en face d’un Hooters. Et à côté d’un Hard Rock Café. Des employées de la succursale du centre-ville d’Atlanta sont venues assister à la scène. En bons badauds, tous entassés que nous sommes dans l’attente des joueurs, on ne peut faire autrement que d’entendre leur discussion : la populaire franchise de restaurants a concocté un menu pour enfants à thématique Messi, et les serveuses aimeraient bien que la Pulga vienne y faire un tour. Le restaurant n’est qu’à un coin de rue, après tout. Bonne chance.

Il fait chaud, mais peut-être même moins qu’à Montréal en cette période caniculaire. Ce qui n’empêche pas un homme de vivre sa vie torse nu.

Autour de nous, des gens attendent depuis une trentaine de minutes. On remarque qu’entre les clôtures, ça commence à s’activer. Ce qui fait en sorte que ça s’active à l’extérieur de celles-ci, aussi. Il doit y avoir une bonne centaine de personnes, toutes prêtes à filmer leur moment Messi. Il y en a un qui grimpe sur un lampadaire. Un autre, très maladroitement, monte sur la structure de l’édifice. On se tient prêt à l’attraper, si jamais.

Des membres du personnel de l’Argentine sortent de l’hôtel et se dirigent vers les cars. Chez les partisans, les bras et les téléphones se lèvent. Comme dans un concert lorsque le mélomane d’en avant se met à filmer la chanson au complet, on se rend compte rapidement qu’on ne verra rien de la prestation de ces vedettes franchissant la courte distance entre le hall et leur confortable siège.

On tente notre chance de l’autre côté, parce que ça nous prend ce cliché à vous montrer, chers lecteurs. Pas de chance là non plus : les caméras de différentes chaînes de télévision ne bougeront pas. Même des personnes installées dans la caisse de chargement d’une camionnette se plaignent, amusées, de ne rien voir.

Entre les bras et les têtes, on aperçoit quelques joueurs, sans pouvoir les reconnaître. On confirme que ce sont des Argentins, cela dit : ils avaient, pour la plupart, leur maté à la main.

Tout le monde est à bord, puis la procession se met en marche. Le klaxon de l’un des autocars donne le signal à la foule de se disperser après ce nouveau moment de frénésie pour Lionel Messi et son équipe.

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