Souffrez-vous de « fatigue pandémique » ?

Ressentez-vous de l’épuisement ou une baisse de motivation à cause de la crise sanitaire ? Adhérez-vous moins aux mesures recommandées ? Si oui, vous souffrez peut-être de « fatigue pandémique ». Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue clinicienne et professeure à l’Université du Québec à Montréal, nous éclaire sur ce phénomène. Entrevue.

Qu’est-ce que la fatigue pandémique ?

C’est un syndrome causé par la peur de la pandémie, mais aussi par les contraintes sociales causées par les mesures. C’est un symptôme caractérisé par une lassitude et une démotivation qui sont dues à la maladie comme telle, mais aussi à l’absence de vie sociale et à la privation de liberté. À la longue, ces facteurs viennent nous user, nous épuiser. Plus la pandémie perdure, plus cette fatigue vient s’insérer à travers chacun de nous.

Quels en sont les symptômes ?

Ce qu’on remarque principalement, c’est une fatigue physique et psychologique. Certaines personnes auront de la difficulté à se lever et à fonctionner. Pour d’autres, ça peut être une perte d’intérêt pour des choses qui les auraient normalement intéressées. On peut être démotivé, que ce soit au travail ou aux études. On va davantage se replier sur soi et on peut avoir des difficultés de concentration, des troubles du sommeil et de la difficulté à prendre des décisions.

Depuis le début de juin, l’adhésion aux mesures recommandées a diminué dans la province, selon les données de l’Institut national de santé publique du Québec. La fatigue pandémique peut-elle se traduire par un non-respect des règles sanitaires ?

Oui. Ça fait partie des symptômes de cette fatigue importante. Certaines personnes qui suivent les recommandations depuis longtemps avaient bon espoir de retrouver leur liberté, mais font maintenant face à des taux de vaccination qui ne sont pas suffisants, donc ça devient très frustrant. Ces personnes qui se sont privées pendant aussi longtemps peuvent avoir tendance à moins respecter les mesures.

Certaines personnes sont-elles plus à risque de subir une fatigue pandémique ?

Tout le monde peut développer une fatigue pandémique, mais certaines personnes ont en effet plus de risques. C’est le cas des personnes plus isolées ou qui vivent seules. Les personnes âgées, les enfants, les étudiants et les individus ayant des antécédents psychologiques en font également partie. Les personnes qui sont en télétravail depuis un an et demi et qui ont peu de réunions et de contacts sont aussi particulièrement à risque.

Quelles sont les conséquences de la fatigue pandémique ?

Pour certains, ça peut mener à plus d’anxiété. D’autres vont être dans un état un peu plus dépressif. Les personnes risquent de s’isoler de plus en plus. À long terme, ça vient affecter notre quotidien, notre efficacité, nos relations avec les autres. Ça a beaucoup d’impacts sur d’autres sphères de notre vie. Ça peut affecter le couple et les enfants. Ça peut aussi affecter comment on prend soin de nous. Si on est plus fatigué et démoralisé, on a peut-être moins la motivation de bien manger et d’aller s’entraîner. Ça peut alors changer notre perception corporelle.

Comment vaincre cette fatigue pandémique ?

On doit parler et mettre en mots ce qu’on ressent. Si on garde ça en soi et qu’on n’y porte pas attention, ça s’accumule et peut nous rendre plus impulsif, colérique et triste. Il faut en parler à ses proches et si ce n’est pas possible, on peut écrire nos émotions ou aller consulter. Il faut aussi essayer de briser l’isolement autant qu’on peut. Quand on est dans une fatigue pandémique, on a moins d’énergie pour planifier des activités, mais c’est important de mettre à l’horaire des activités, sans se surcharger. On peut aussi prévoir de petits projets.

Le gouvernement a-t-il un rôle à jouer ?

Oui. Le gouvernement doit reconnaître la fatigue pandémique et offrir les ressources nécessaires. Il doit aussi être cohérent dans ce qu’il annonce et être transparent. C’est normal qu’il y ait des changements de cap, mais lorsque ça arrive, il faut les expliquer et rendre le tout plus transparent. Il ne faut pas donner de faux espoirs, parce que le retour, après, est deux fois plus difficile. On ne doit pas assouplir les mesures si on n’est pas certain que ça va pouvoir durer suffisamment longtemps.

Les questions et les réponses ont été éditées par souci de concision et de clarté.

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