nouveau rapport du giec

Tour d’horizon des faits saillants à la suite de la publication du nouveau rapport du GIEC

Nouveau rapport du GIEC

Les bonnes actions ne suffisent plus, dit le ministre Guilbeault

Ottawa se dit prêt à augmenter la cadence et appelle les provinces à en faire autant pour lutter contre la crise climatique et se préparer à affronter ses répercussions.

La nouvelle alerte des experts mondiaux du climat conforte Ottawa dans son intention d’en faire plus pour lutter contre le réchauffement climatique et se préparer à en affronter les conséquences.

Le rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) publié lundi « ne fait que renforcer la volonté de notre gouvernement », a déclaré le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, dans une entrevue avec La Presse.

L’heure n’est plus qu’aux bonnes actions comme les investissements en transport collectif, en énergies renouvelables ou en technologies propres, dit-il, il faut aussi éliminer tour à tour le charbon, le pétrole et le gaz.

« Pendant longtemps, on a pensé collectivement qu’on pouvait lutter contre les changements climatiques en faisant plus de bonnes choses, [mais en] ne s’attaquant pas à la source du problème. »

— Steven Guilbeault, ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique

Projet pétrolier Bay du Nord

Cette volonté d’en faire plus pour le climat est-elle annonciatrice du sort qui attend le projet Bay du Nord ?

Ottawa doit annoncer d’ici dimanche s’il autorise ou non la construction au large de Terre-Neuve-et-Labrador de cette plateforme flottante d’extraction de pétrole et de gaz projetée par l’entreprise norvégienne Equinor.

L’action climatique du Canada ne se résume pas à cette seule décision, répond le ministre Guilbeault, évoquant la tarification sur le carbone, la réduction des émissions de méthane ou encore le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’industrie pétrolière et gazière.

Le gouvernement canadien publiera à la fin du mois de mars son premier plan de réduction des émissions et lancera à l’automne la première Stratégie nationale d’adaptation du Canada ; entre-temps, il consacre des centaines de millions de dollars à des mesures d’adaptation aux catastrophes.

Ottawa a aussi rehaussé sa cible de réduction d’émissions de GES deux fois en moins de deux ans, souligne le ministre, écorchant au passage les gouvernements provinciaux. « Ce serait le fun qu’il n’y ait pas juste le fédéral qui fasse ça au pays ! », lance-t-il.

Le gouvernement Legault critiqué

Après avoir d’abord indiqué qu’il ne réagirait pas dans la journée au rapport du GIEC, le gouvernement québécois s’est ravisé.

« Je retiens particulièrement les passages montrant que les changements climatiques affectent de manière disproportionnée les populations moins nanties », a affirmé le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, dans une déclaration transmise par son cabinet en soirée à La Presse.

« C’est pourquoi le gouvernement du Québec a récemment contribué pour 10 millions de dollars au Fonds pour l’adaptation [de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques] avec lequel il entend être un partenaire à long terme. »

— Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Les partis de l’opposition ont, quant à eux, dénoncé l’action climatique du gouvernement caquiste, que la libérale Isabelle Melançon a qualifiée de « demi-plan pour l’économie verte, puisque celui-ci ne répond qu’à 50 % [des] objectifs ».

Le gouvernement Legault doit augmenter « de façon importante les sommes consacrées à l’adaptation aux changements climatiques », a déclaré le péquiste Sylvain Gaudreault.

La solidaire Manon Massé a, quant à elle, écrit une lettre au ministre Charette, lui demandant une « rencontre d’urgence » pour voir à ce que Québec présente « le budget le plus vert de [son] histoire ».

« Je pense à nos jeunes qui regardent les dégâts causés par notre système économique et qui demandent de vraies solutions, maintenant », écrit-elle, appelant Québec à abandonner le projet de troisième lien entre Lévis et Québec et à renoncer à indemniser les entreprises pétrolières et gazières pour la fin de leurs activités.

À Montréal, la mairesse Valérie Plante a qualifié le rapport du GIEC de « criant rappel à l’ordre » et réitéré la volonté de son administration de réussir la transition écologique, ce qui nécessite des « gestes forts pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles ».

Les menaces qui pèsent sur le Canada

Les impacts de la crise climatique en Amérique du Nord « devraient s’intensifier rapidement d’ici le milieu du siècle », prévient le rapport du GIEC, qui donne un aperçu des menaces qui pèsent sur le Canada.

Incendies de forêt

L’importance des incendies de forêt a déjà augmenté et continuera de le faire sous l’influence des changements climatiques, dans les prochaines décennies, en raison de l’allongement des saisons des incendies, des températures plus chaudes et de l’augmentation de la fréquence de la foudre, prévient le rapport. Les coûts de la lutte contre ces incendies devraient ainsi doubler pour atteindre 1 milliard de dollars annuellement au Canada seulement, selon une étude de 2016, une somme à débourser qui deviendra récurrente.

Hausse du niveau de la mer

La côte atlantique du Canada est particulièrement vulnérable à la hausse du niveau de la mer, où la fréquence et l’amplitude des « niveaux d’eau extrêmes » sont appelées à augmenter, explique le rapport. La communauté micmaque de Lennox Island, à l’Île-du-Prince-Édouard, prépare d’ailleurs son déménagement en raison de la menace. L’augmentation des précipitations, qui pourrait atteindre 20 % si les émissions de gaz à effet de serre (GES) se poursuivent, contribuera par ailleurs à l’augmentation et à l’aggravation des inondations, notamment dans le nord du pays.

Dégel du pergélisol

Routes, pistes d’atterrissage, édifices, oléoducs et autres infrastructures dans le nord du pays subiront des dommages en raison du dégel du pergélisol. « Les routes de glace sont devenues moins sécuritaires en raison du réchauffement de la température », souligne le rapport. Le dégel du pergélisol a également déjà entraîné des interruptions de services dans des écoles, des aéroports et dans des réseaux d’aqueduc et d’égout de communautés du Yukon et du Nunavut.

Baisse de la production alimentaire

Les captures de crabe des neiges pourraient chuter de 16 % et celles de homard de 42 à 54 %, selon des études citées dans le rapport, qui prévient que l’acidification des océans provoquée par le réchauffement planétaire portera atteinte à d’autres ressources halieutiques, comme la morue du Pacifique et le flétan de l’Atlantique. Au sol, certaines cultures pourraient aussi écoper en raison de l’augmentation des épisodes de sécheresse et de pluies abondantes, ainsi que de la multiplication des maladies et des prédateurs.

Les Premières Nations vulnérables

Le dérèglement du climat affectera particulièrement les Premières Nations, au Canada comme partout dans le monde, notamment en matière de nutrition. La diminution des espèces traditionnellement pêchées par les communautés autochtones côtières de l’Ouest canadien entraînera une diminution de leur apport nutritionnel, et de façon plus marquée pour les hommes et les aînés, constate une étude citée dans le rapport. Leur remplacement par des aliments non traditionnels comme le thon en conserve ou le poulet ne compenserait pas cette perte.

Répercussions des impacts ailleurs dans le monde

Le Canada subira les contrecoups des effets des changements climatiques survenant ailleurs dans le monde, avertit le rapport. Les dommages causés à des infrastructures ou des productions alimentaires pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement et déstabiliser l’économie, comme les inondations de 2011 en Thaïlande l’avaient fait en affectant la production de semi-conducteurs, ce qui avait propulsé à la hausse les prix de certains biens qui en contiennent. D’éventuelles pénuries pourraient affecter particulièrement les gens les plus pauvres et causer des tensions sociales.

Nouveau rapport du GIEC

La désinformation fait mal en Amérique du Nord

Un peu partout dans le monde, ce sont plus ou moins les mêmes facteurs qui expliquent la lenteur des différents gouvernements à déployer des mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques. En Amérique du Nord, il faut aussi compter sur la désinformation qui mine depuis des décennies le débat public.

« La résistance à la science du changement climatique persiste dans le domaine public en Amérique du Nord, en dépit d’un consensus scientifique d’experts », signale le rapport dévoilé lundi. On indique que la « rhétorique et [les efforts de] sape de la science » ont contribué à l’incertitude et ont mené à « un soutien public polarisé, retardant les mesures d’atténuation et d’adaptation ».

Dans le plus récent rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), c’est une section complète qui aborde la désinformation et le clivage dans le document consacré à l’Amérique du Nord.

« Il était à peu près temps qu’on reconnaisse ce problème [dans les rapports du GIEC]. Surtout que ça ne date pas d’hier », réagit Érick Lachapelle, professeur au département de science politique à l’Université de Montréal. Ce spécialiste de l’opinion publique et des politiques environnementales croit que ç’a été « une erreur stratégique » de négliger le phénomène.

« On a pensé pendant longtemps que c’était [les changements climatiques] une question purement scientifique. Mais on se rend compte que les faits ne sont plus suffisants. Il faut aussi parler au public en fonction de leurs valeurs. »

— Érick Lachapelle, professeur au département de science politique à l’Université de Montréal

Le rapport du GIEC fait notamment référence à ExxonMobil et à son double discours. Comme d’autres grandes sociétés pétrolières, l’entreprise savait que les changements climatiques étaient causés par l’homme. Mais ExxonMobil a contribué à semer le doute dans le débat public pendant plusieurs décennies.

Affiliation politique

Le document souligne que « la rhétorique sur le changement climatique et l’affaiblissement de la science ont contribué à des perceptions erronées du consensus scientifique ». Ce clivage est particulièrement présent aux États-Unis, mais le Canada n’y échappe pas non plus, notamment dans les Prairies et en Alberta.

C’est d’ailleurs aux États-Unis que les doutes à l’endroit des changements climatiques sont les plus importants, selon une étude réalisée en 2018.

« L’affiliation politique et la partisanerie contribuent à la polarisation sur les causes et l’état du changement climatique, notamment aux États-Unis. »

— Extrait du rapport du GIEC

Mais la situation pourrait changer. Selon le rapport, la génération des millénariaux est beaucoup moins affectée par le clivage, du moins en ce qui concerne les changements climatiques. « Ils montrent des niveaux relativement plus élevés de préoccupation et d’acceptation de la science du changement climatique que des groupes plus âgés. L’affiliation politique n’a pas un effet aussi fort sur leurs croyances en matière de changement climatique. »

Le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique à part

Par ailleurs, c’est au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique que la population est la plus convaincue de l’existence des changements climatiques. Aucun État américain, même démocrate, ne présente une telle adhésion à l’endroit du réchauffement de la planète.

Au Canada et au Mexique, les changements climatiques figurent au premier rang des « menaces planétaires », rappelle le GIEC, tandis qu’ils pointent au troisième rang aux États-Unis.

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