Aide financière aux étudiants

La fausse bonne idée des prêts sans intérêt

Dans sa récente mise à jour budgétaire, le gouvernement fédéral a annoncé l’élimination des intérêts portant sur les prêts étudiants fédéraux. Il évoquait la hausse du coût de la vie en guise de justification. Il est peut-être utile de rappeler que cette mesure ne s’appliquera pas aux étudiants du Québec et que dans les autres provinces où cela s’applique, son principal effet sera d’inciter à ralentir le remboursement des prêts.

Dans une majorité de provinces canadiennes, les programmes fédéraux d’aide financière aux étudiants côtoient un ou plusieurs programmes provinciaux similaires. Le Québec fait partie des exceptions, où seul un programme provincial existe. La province s’est retirée du programme fédéral et bénéficie d’une pleine compensation.

Ce faisant, il n’y a pas de condition à ce que le gouvernement du Québec utilise les fonds pour une « mesure équivalente », ni même d’obligation de bonifier le programme fédéral pour recevoir un transfert. Ainsi, l’annonce n’a a priori aucun impact pour les ex-étudiants québécois (à moins que le programme québécois ne décide de faire la même chose que le programme fédéral).

À la suite de l’annonce, il ne serait pas surprenant que les associations étudiantes du Québec demandent que les fonds transférés à Québec servent à financer une autre dimension du programme québécois d’aide financière aux études. Certainement, la déclinaison québécoise liée à l’usage des fonds additionnels ne se décidera pas à Ottawa. Une question subséquente consiste donc à se demander si Québec devrait emboîter le pas à la décision fédérale.

Sur le plan des effets, retirer l’intérêt à payer sur les prêts étudiants élimine une incitation importante à ce qu’ils soient remboursés (sans compter le crédit d’impôt déjà existant qui est associé aux intérêts sur les prêts étudiants).

Au Québec, cela se traduirait par des incitations à ce que les banques et les étudiants conviennent de remboursements de prêts plus longs, générant ainsi des passifs d’ex-étudiants qui s’étireraient plus longtemps… et davantage de transferts gouvernementaux aux banques. Pourquoi prioriser le remboursement de prêts étudiants si c’est le gouvernement qui paie ?

Impact négligeable sur les inscriptions

Inversement, l’impact de la mesure risque d’être négligeable sur la décision de s’inscrire ou non dans un programme d’enseignement supérieur. Les prêts étudiants ont, à eux seuls, un effet relativement faible sur la décision de participation aux études. Leur principal avantage est d’offrir des liquidités aux étudiants tout en coûtant peu en fonds publics. En considérant que la subvention est accordée après les études et qu’elle ne porte que sur les intérêts payés, l’effet sur la participation sera très faible.

Si on est pour subventionner les ex-étudiants, il serait peut-être plus approprié de réduire les dettes du montant équivalent au coût de la mesure annoncée.

L’incitation à rembourser demeurerait et la dette des ex-étudiants serait plus faible. Si on songe à améliorer l’accès aux études, une mesure qui est davantage centrée sur la période de décision d’inscription, soit avant les études, serait plus appropriée. Une bourse d’admission serait un bon exemple.

Si l’idée de passer par le programme de prêts et bourses vise à renforcer les objectifs d’accessibilité financière, il serait mieux de centrer les incitations financières au moment où elles ont le plus d’impact, soit au moment de décider de faire ses études. Et même si on vise à soulager la hausse du coût de la vie de ces personnes, il serait mieux de cibler la période où elles ont le moins d’argent, soit pendant leurs études. En bref, il n’est pas très difficile de concevoir un meilleur usage des fonds que celui annoncé par le gouvernement fédéral.

* Les travaux de Pier-André Bouchard St-Amant traitent de taxation ou de politiques de financement en enseignement supérieur.

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