Opinion : Aide à mourir

Jamais plus loin de la famille et des proches !

Monsieur le premier ministre Justin Trudeau,

Mon fils Sébastien avait presque votre âge, 43 ans, au moment de son décès. Il a quitté la vie après avoir mené une longue et rude bataille contre la sclérose en plaques qui a peu à peu dévasté son corps tout en lui conservant un esprit lucide et un jugement critique inaltérés. Pour terminer sa vie en douceur, librement et dignement, il fut obligé d’aller mourir en Suisse le 10 mars dernier.

C’est moi, sa mère, qui ai dû, à sa demande, faire pour lui toutes les démarches nécessaires à l’obtention du « feu vert » pour un suicide assisté ainsi que l’organisation du voyage, des soins et du séjour en Suisse, tout en sachant qu’à la fin je le perdrais pour toujours. Permettez-moi de vous signaler que tout fut compliqué par le fait qu’il s’agissait d’une personne lourdement handicapée.

Avec sa fille Emmanuelle, je l’ai accompagné en Suisse jusqu’à sa toute fin.

Je vous invite, dimanche prochain, à venir marcher avec moi, vous et votre famille, vous et mon député Jean-Yves Duclos, vous et autres députés. Cette marche se tient en marge de la marche de l’espoir annuelle organisée par la Société canadienne de la sclérose en plaques. Nous la ferons à la mémoire de Sébastien et en hommage à son courage exceptionnel. Nous marcherons pour que tous les « Sébastien » souffrant d’une maladie dégénérative incurable du Canada, pour que toutes leurs mères et tous leurs pères canadiens n’aient plus à se rendre à l’étranger pour une fin de vie librement décidée et digne. Jamais plus loin de la famille, des proches et des amis ! Croyez-moi, il serait cruel, voire inhumain qu’une telle situation se reproduise dans un foyer canadien.

Nous savons vous et moi que la Cour suprême du Canada, dans son jugement unanime du 6 février 2015, permettait à mon fils Sébastien de mourir dans son pays le Canada, de mourir au Québec auprès des siens*. Il aurait pu bénéficier de l’expertise médicale existante pour une aide à mourir dignement et être accompagné par des soignants compréhensifs et bienveillants.

De la maltraitance

À mon humble avis et forte de l’expérience déchirante que je viens de vivre, j’estime que priver des personnes comme mon fils de l’aide médicale à mourir et prolonger indûment leurs souffrances relève de la maltraitance. Je tiens toutefois à ce que vous sachiez, monsieur le premier ministre, que ma démarche ne vise aucunement à faire la promotion de l’aide médicale à mourir et du suicide assisté. Comme promis à Sébastien avant sa mort volontaire, je veux simplement contribuer à ce que la loi canadienne sur l’aide médicale à mourir soit revue et corrigée sans délai, en accord avec le jugement Carter qui plaçait la personne au centre des décisions concernant sa fin de vie.

Tout en marchant, nous en reparlerons. Avec sérénité et avec espoir. Je vous connais très ouvert de cœur, d’esprit et de compassion.

* La Cour suprême a fixé des balises qui sont beaucoup plus larges que celles incluses dans la loi fédérale sur l’aide médicale à mourir — juin 2016

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