Pénurie de sauveteurs

Faute de recrutement, l’accès à la baignade sera limité

Si vous ne possédez pas de piscine à la maison, il se pourrait bien que vous peiniez à trouver un endroit où vous baigner cet été.

L’interruption des formations de sauveteurs durant la pandémie continue de bouleverser les milieux de baignade. Faute de pouvoir recruter des sauveteurs, des établissements craignent de devoir limiter leurs heures d’ouverture, ou même retirer la baignade surveillée.

« On ne mettra certainement pas à risque la sécurité. Ce qui va se passer, ce n’est pas la sécurité qui va écoper, c’est le service aux citoyens », explique la directrice générale de l’Association des responsables aquatiques du Québec (ARAQ), Geneviève Barrière.

Déjà, la SEPAQ prévoit de retirer la baignade surveillée dans quatre parcs nationaux. Depuis 2019, trois établissements ont retiré le service, et la SEPAQ craint que le parc national de la Pointe-Taillon au lac Saint-Jean s’ajoute à la liste cet été.

« Quand c’est retiré, ça ne revient pas l’année suivante. C’est retiré parce qu’on n’est pas en mesure d’attirer des sauveteurs en quantité suffisante dans ces établissements. »

– Simon Boivin, responsable aux communications de la Société des établissements de plein air du Québec

Outre le salaire, les établissements sont aux prises avec une compétitivité des conditions de travail pour attirer les surveillants-sauveteurs. « Il faut devenir concurrentiel. Il faut se comparer pour aller chercher le bassin de sauveteurs qui va nous permettre d’offrir le service à 100 % », affirme Geneviève Barrière, de l’ARAQ.

Arnaud Hardy s’est efforcé de recruter son équipe de sauveteurs pour le camp d’été Le P’tit Bonheur dans les Laurentides.

Le responsable-chef sauveteur du camp a épuisé toutes ses ressources pour monter son équipe de six sauveteurs. « C’est alléchant de se faire proposer un été dans le Nord, logé et nourri. » Ce n’est pas le cas dans tous les secteurs, ajoute-t-il.

Des piscines municipales touchées

L’Association des camps du Québec appréhende un accès limité à la baignade dans la province en raison de la pénurie des sauveteurs. Les camps ont tendance à fréquenter les espaces de baignade publique, reste à voir ce que les municipalités vont prioriser en cas de réduction des heures d’ouverture.

De leur côté, les municipalités ont lancé plusieurs campagnes de recrutement pour pourvoir les postes de sauveteurs à l’approche de l’été. La Ville de Laval a trouvé suffisamment de candidats pour que l’ensemble des établissements aquatiques soit ouvert, tout comme Sherbrooke et Longueuil.

La campagne de recrutement se poursuit toutefois à Montréal, où il reste encore des postes à pourvoir dans certains arrondissements.

C’est en Mauricie que la pénurie de sauveteurs se fait beaucoup ressentir. Il manque à l’heure actuelle la moitié des sauveteurs nécessaires pour couvrir les besoins des piscines extérieures à Trois-Rivières. Sur les dix piscines extérieures de la ville, quatre pourraient fermer durant l’été.

L’effet domino

La certification de sauveteurs comprend 96 heures de formation, et c’est à partir de 13 ans que les jeunes peuvent entamer le premier niveau, la médaille de bronze.

À 16 ans, ils obtiennent le brevet de Sauveteur national, une fois les niveaux précédents réussis, la Croix de bronze et la formation de Premiers soins.

Le trou créé par l’interruption de certifications en 2020 se fait toujours ressentir, relève Raynald Hawkins, directeur général de la Société des sauveteurs. « Je forme moins à l’origine, ça a un effet domino », explique-t-il.

En 2019, 5400 candidats ont été médaillés de bronze alors qu’il y en a eu seulement 2400 en 2020 et 4400 en 2021.

« En deux ans, j’ai perdu une année complète.  »

– Raynald Hawkins, directeur général de la Société des sauveteurs

Le taux de rétention des sauveteurs est variable, ajoute Raynald Hawkins. Comme il s’agit essentiellement d’étudiants, le nombre de sauveteurs disponibles dépend beaucoup des périodes de chômage. Aujourd’hui, nombre d’entre eux quittent leur poste pour travailler dans leur domaine d’études et ne renouvellent pas leur accréditation.

Plan de relance

Parmi les solutions, l’âge pour obtenir le brevet de Sauveteur national a été abaissé à 15 ans. La Régie du bâtiment, qui contrôle les codes de sécurité des installations publiques, autorise les jeunes de 16 ans certifiés à être surveillant-sauveteur quand il est question d’une pénurie de main-d’œuvre.

La Société de sauvetage incite aussi les établissements à embaucher plus d’apprentis sauveteurs afin de relancer l’embauche des sauveteurs.

L’organisme encourage les personnes à la retraite à venir se former.

La Société de sauvetage rappelle qu’en la présence de surveillants-sauveteurs, les risques de noyade s’abaissent à moins de 1 %. Bien que la masse de sauveteurs au Québec reste modeste, Raynald Hawkins confirme une recrudescence de formations et d’inscriptions en 2022. Avec 20 centres de requalification et 26 cours de sauveteur national en fonction, l’offre de service retrouve un équilibre.

Il n’en reste pas moins que les heures d’ouverture des piscines publiques pourraient être réduites cet été, et que certains plans d’eau naturels seront laissés sans surveillance.

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