Dans l’atelier de… Pierre Leblanc

L’arbre au cœur

Il est un des derniers grands sculpteurs québécois de la génération des Armand Vaillancourt, André Fournelle et René Derouin. Pierre Leblanc taille dans le métal avec élégance et passion, évoquant l’homme, la nature et la poésie. Nous avons rencontré cet artiste attachant, vrai et talentueux dans son atelier de Val-David.

Dans l’atelier de… Pierre Leblanc

L’artiste-poète

Pierre Leblanc est né en 1949 dans le quartier ouvrier montréalais de Côte-Saint-Paul. Dans une maison de la rue Roberval où il a vécu avec sa famille jusqu’à ce qu’elle soit démolie en 1959 pour créer l’échangeur Turcot. En 1992, il a d’ailleurs réalisé Souvenir de 1955 ou 2026 Roberval, une sculpture en souvenir de son quartier qui a été installée dans un parc de Lachine.

C’est le frère Rosaire, des Frères du Sacré-Cœur, à Verdun, qui l’a mis sur la voie artistique à l’âge de 8 ans. Il avait été fasciné par la murale des plongeurs d’Armand Filion, située en façade de la piscine Gadbois. Mais c’est entre 1968 et 1972, à la Fonderie expérimentale de Pierrefonds, avec ses amis André Fournelle et Armand Vaillancourt, qu’il a appris à maîtriser la sculpture.

Bien de ses œuvres célèbrent l’arbre. Il le doit à son père devenu bûcheron dans sa jeunesse. Et à son ami et mentor Gaston Miron, dont les poèmes ont inspiré cet artiste qui fait « à sa tête de travers », comme dirait Miron ! En 1995, il avait exposé avec Miron et René Derouin au Centre d’exposition de Val-David, « une aventure à trois » intitulée Les territoires rapaillés.

Travaillant surtout l’alu – dont il apprécie la luminosité et le travail de finition propre et aisé –, Pierre Leblanc se sert pour sculpter du découpage au jet d’eau, à très haute pression. Ses œuvres se trouvent dans une quinzaine de collections muséales.

Dans l’atelier de… Pierre Leblanc

Art public

L’art public est devenu son activité principale. Il a obtenu plus de 60 projets d’art public en 20 ans. Très demandé, il avait trois œuvres à installer au début de cette année, dont une à la Maison des aînés de Baie-Comeau. Des épinettes noires de 14 pi découpées dans l’alu. Des épinettes, ces « chicots mal-aimés » comme disait l’anthropologue Serge Bouchard, symboles de la résilience des Nord-Côtiers.

« J’ai créé ces épinettes, car ça rappelle à ces aînés la nature qu’ils ont connue », dit-il, avant d’ajouter que cette œuvre résonne fort pour lui puisque son père avait débarqué dans le coin de Baie-Comeau comme bûcheron, après avoir quitté ses Îles-de-la-Madeleine.

Pierre Leblanc œuvre aussi avec le privé. L’an dernier, il a inauguré chez Oldcastle Infrastructure, à Candiac, l’œuvre d’art industriel L’idée du chiendent et autres jardins suspendus, inspirée du poème Tête de caboche, de Miron. Une sculpture de 8 m de circonférence et 26 m de hauteur en inox et alu brossé.

Pierre Leblanc vend des modèles réduits de ses œuvres sur sa page Facebook, car malgré ses nombreux projets d’art public, il ne roule pas sur l’or. « Le prix des tirages dépend souvent des bills que j’ai à payer ! C’est de même que je vis. Comme m’a déjà dit Vaillancourt, quand tu as du cash, prépare la suite ! Donc je le place pour créer de nouveau. »

Dans l’atelier de… Pierre Leblanc

L’atelier

L’« atelier » de Pierre Leblanc, il est dehors ! Il travaille la plupart du temps à l’extérieur de sa maison. Son jardin est un stationnement d’œuvres d’art, anciennes ou en cours de création. À l’intérieur, sa demeure est jonchée d’échantillons et de modèles réduits de ses sculptures.

Pierre Leblanc se consacre totalement à son art. « Ça occupe ma tête tout le temps, dit-il. Il y a des nuits, je rêve que j’installe des œuvres ! » Quand sa sculpture a été pensée puis dessinée, il est prêt à la réalisation finale. Pour cela, il fait couper ses œuvres métalliques chez son ami Gilbert Guèvremont, à Boucherville.

Dans l’atelier de… Pierre Leblanc

Projets

Ne parlez pas de retraite à Pierre Leblanc. « M’a mourir su’ la job, dit-il. Avec Vaillancourt, Fournelle et Derouin, on joue la game pour vrai ! On lâche pas ! » Mais depuis un petit incident, l’automne dernier, le sculpteur a quelques petits problèmes musculaires qui l’empêchent de forcer avec ses bras. Mais il veut malgré ça encore créer, s’exprimer avec le métal, sculpter les valeurs humaines auxquelles il tient. « J’aime vivre ! J’ai du fun ! »

Et il va continuer à conter ses histoires sur sa page Facebook. De véritables romans écrits dans sa langue fleurie et créative. « Je tiens ça de mon père qui était conteur, dit-il. Et raconter, comme ça, ça provoque des œuvres ! » Quand on lui parle de création avec l’intelligence artificielle, il s’emporte. « Ça m’énerve, dit-il. L’intelligence, là, c’est les petites cellules grises, that’s all ! La création, c’est le délire d’un être humain. C’est un rêve qui se réalise. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.