Le Québec qui se démarque
Ténèbre, Paul Kawczak
L’année littéraire québécoise a commencé en force avec ce premier roman magistral de Paul Kawczak, inspiré par les romans d’aventures et traversé de mysticisme, d’érotisme et de sorcellerie. On suit la funeste destinée de Pierre Claes, jeune géomètre belge embarqué dans une mission dans le nord du Congo au XIXe siècle ; il sera confronté à un enfer colonial taché de sang et à un homme blanc à la voracité sanguinaire sans limites. Un roman au souffle puissant, un récit hallucinant aux multiples ramifications, finaliste (entre autres) au Prix des libraires.
La Peuplade, 320 pages
Faire les sucres, Fanny Britt
Fanny Britt ne déçoit pas avec ce nouveau roman, son deuxième. Se déployant autour d’un couple de « bobos », ce roman choral continue de creuser les obsessions de l’autrice, avec au premier plan les paradoxes qui nous habitent, grâce au personnage de Celia, une jeune fille issue d’un milieu modeste, qui sert de contrepoint au récit. La question des privilèges mais aussi celle des illusions que nous entretenons et qui finissent par nous noyer de l’intérieur traversent ce roman qui se lit d’une traite.
Le Cheval d’août, 272 pages
Burgundy, Mélanie Michaud
Cette autofiction nous transporte dans les années 80, dans le quartier pauvre et malfamé de la Petite-Bourgogne, dit « Burgundy » par Mélanie Michaud, qui propose ici son premier roman, à l’écriture très « punchée » et à l’humour grinçant. Elle y décrit le monde brutal et violent, carencé en vitamines et en amour, de son enfance, et le désespoir d’une petite fille qui rêve d’échapper à sa condition. Mais peut-on vraiment tourner le dos à nos origines ?
La Mèche, 198 pages
Le lièvre d’Amérique, Mireille Gagné
Ce court récit absolument fascinant est l’œuvre de Mireille Gagné, qui avait déjà publié des recueils de poésie et de nouvelles, mais dont c’est le premier roman. On y suit la « transformation » de Diane, qui a subi une étrange opération qui lui fait prendre peu à peu une apparence autre, le tout en alternance avec des plongées dans le passé, relatant son enfance à l’Île-aux-Grues. Fable animalière admirablement bien structurée, ce roman touche au réalisme magique, et aborde des sujets comme le transhumanisme, l’anxiété de performance et le workaholisme.
La Peuplade, 160 pages
Fais de beaux rêves, Virginie Chaloux-Gendron
Avec ce premier roman, cette jeune autrice vient mettre le doigt sur ce qui grouille dans l’ombre, mais qu’on n’ose généralement nommer. La narratrice du roman, en dissociation avec elle-même, nous entraîne dans les méandres de son esprit, où réalité et fantasmes morbides, particulièrement une obsession maladive autour de la mort de son enfant, se mélangent jusqu’à ne plus se distinguer. Un récit troublant, porté par une plume brûlante et tourbillonnante, qui aborde le sujet délicat des fardeaux que l’on porte, et des traces indélébiles qu’on laisse sur nos enfants.
Boréal, 216 pages
La bouche pleine, Elisabeth Massicolli
Dans ce premier roman au ton mordant, Elisabeth Massicolli trace avec autodérision et sensibilité le portrait d’une génération, la sienne : allumée, parfois égoïste, mais aussi aux prises avec une anxiété paralysante, comme c’est le cas de Camille, protagoniste de ce récit. Elle offre un instantané réussi, porté par une langue vivante et décomplexée, de ce que signifie être une jeune femme en 2020, entre les apps de rencontre, les dates décevantes et l’angoisse devant un avenir qui reste à construire.
Québec Amérique, 176 pages
Métamorphoses, Charles-Étienne Ferland
Nous avons littéralement dévoré ce roman de l’auteur Charles-Étienne Ferland, la suite annoncée de son premier roman, Dévorés (mais qui se lit très bien seul). Ce récit de science-fiction bien ficelé et haletant nous transporte un an après le premier, alors que des guêpes anthropophages ont décimé l’humanité et qu’une nouvelle menace, possiblement encore plus effroyable, la guette. On y suit Jack, qui poursuit sa quête de retrouver ses parents, aux prises avec ses propres démons. Une excellente lecture, absolument captivante.
L’Interligne, 192 pages
La femme qui rit, Brigitte Pilote
Avec ce roman, son troisième, Brigitte Pilote rejoint le club sélect des écrivains québécois publiés par une maison d’édition française. Il y a quelque chose qui tient de la fable dans ce récit gravitant autour d’un trio de personnages : un veuf, son fils et une servante. L’arrivée de ce personnage mystérieux, silencieux et stoïque sur la terre familiale bouleversera l’ordre des choses et ouvrira des brèches difficiles à colmater. Une plongée très intimiste dans l’intériorité de personnages pris entre leurs désirs et le poids des traditions.
Éditions du Seuil, 160 pages
Les falaises, Virginie DeChamplain
Ce premier roman est porté par un souffle romanesque puissant comme les vents fous qui soufflent sur les récifs gaspésiens. Après la mort de sa mère, V. se rend dans la maison familiale en Gaspésie. Plongeant en elle-même et son passé houleux, elle ravivera les souvenirs de sa mère et de sa grand-mère – trois générations de femmes portées par le même vertige devant l’existence et l’envie folle d’une liberté qui balaie tout sur son passage. Un voyage intérieur entre la Gaspésie et l’Islande, magnifié par les forces indomptables de la nature.
La Peuplade, 224 pages
Les rosemonteries, Sébastien Ste-Croix Dubé
Sébastien Ste-Croix Dubé raconte dans ce premier roman l’histoire d’Adam, qu’on suit lors d’une journée caniculaire de la Saint-Jean. Carburant à la bière et autres substances pour mieux faire taire des blessures qu’il refuse de voir, Adam se retrouve pris, malgré lui, dans une succession de revirements absurdes qui l’amèneront aux quatre coins du quartier Rosemont, que l’auteur sait évoquer avec vivacité, à la rencontre de marginaux et figures emblématiques du coin. Un chemin de croix aux allures psychédéliques, un récit divertissant qui comporte aussi sa part de poésie.
Triptyque, 126 pages