COVID-19

Aérer, aérer, aérer !

L’expression du brouillard de guerre qui est attribuée à Carl von Clausewitz dans son traité de stratégie militaire De la guerre fait référence au nuage d’incertitude lié au manque d’information. L’armée ne comprend pas tout à fait la menace de l’ennemi ni sa capacité à le combattre. Les actions doivent dans une certaine mesure être planifiées avec une certaine zone d’ombre qui, comme l’effet d’un brouillard, donne aux choses des dimensions exagérées et non naturelles.

Lorsque le virus du SARS-CoV-2 est apparu sur les radars, un épais brouillard entourait la maladie de la COVID-19. En seulement quelques mois, le coronavirus s’était répandu comme une traînée de poudre partout sur la planète, laissant les pays lutter contre une redoutable infection qui causait chez plusieurs une pneumonie atypique.

De nombreux experts s’étaient rangés au consensus de l’époque que des particules virales étaient propagées par des gouttelettes lorsque les personnes respiraient, parlaient, toussaient et éternuaient. Et que ces gouttelettes tombaient au sol sur une certaine distance. Ceci menant à la règle du deux mètres de distance physique. Néanmoins, pas tous les scientifiques étaient d’accord avec ce postulat. Tandis que les grosses gouttelettes peuvent tomber au sol, de plus petits aérosols contenant le virus peuvent voyager sur de longues distances plus longtemps, comme de la fumée secondaire.

Linsey Marr, ingénieure en environnement à Virginia Tech, disait dans un entretien qu’avant la COVID-19, les scientifiques avaient de la difficulté à collecter des virus vivants dans l’air et à mesurer ce qui restait aérien. Pour Marr, le pistolet fumant est l’étude où des chercheurs ont pu isoler le virus dans l’air d’une chambre d’hôpital à des distances de 2,1 à 4,8 mètres, brisant ainsi le mythe du deux mètres sécuritaires.

Avec les nombreux évènements de superpropagation et de transmission via des personnes asymptomatiques, il est devenu évident que le virus ne se transmettait pas seulement par des gouttelettes, mais aussi par des aérosols qui restent en suspens dans des espaces confinés ayant peu de ventilation.

Briser le siège

Dans des temps normaux, les patients infectés par un quelconque pathogène sont traités dans des ailes spécialisées pour des infections contagieuses. Des équipements de protection individuels adéquats aident à limiter la propagation de la COVID-19 à l’intérieur des murs des hôpitaux. Et des chambres individuelles avec une ventilation appropriée empêchent l’accumulation du virus et sa transmission.

Toutefois, le nombre de patients hospitalisés à la COVID-19 a complètement surchargé la capacité de certaines unités d’isolement. Durant la pandémie, de nombreux travailleurs de la santé ont attrapé le virus et des patients ont été infectés lors de leur séjour à l’hôpital.

La très grande quantité d’hospitalisations de personnes atteintes de la COVID-19 a mené les administrations des hôpitaux a réaménagé des unités pour soigner les patients.

Pour réduire le risque de transmission du virus dans les salles des hôpitaux, des chercheurs de l’Université de Cambridge ont mené une recherche sur la présence des aérosols dans certaines unités de soins. L’équipe a voulu savoir si de simples unités portatives de filtration d’air utilisant des filtres HEPA 13 et de la lumière UV étaient en mesure de réduire la transmission aérienne du coronavirus.

Pour ce faire, deux salles de l’hôpital ont été réquisitionnées. Une première chambre a été réaménagée pour accueillir des patients atteints de la COVID-19 et une deuxième salle pour les soins intensifs à des patients qui ont besoin ou pas de support respiratoire invasif. Les machines étaient placées à des positions fixes et mises en marche de façon continue filtrant le volume d’air dans chaque salle de 5 à 10 fois par heure.

Dans la salle COVID-19, avant l’activation du filtreur, les chercheurs ont été en mesure de recouvrer sans problème des échantillons du virus. Mais dès que le filtreur d’air était en marche, l’équipe a été incapable de trouver d’échantillons du virus durant les cinq jours de fonctionnement de l’appareil.

À l’arrêt du filtreur, la qualité de l’air était quasi revenue à la condition de départ.

Dans l’autre unité de soins intensifs, les chercheurs ont été surpris de trouver peu de coronavirus dans l’air au début de l’expérience. Certains supposent que, malgré leur piètre état, les patients étaient à un stade de l’infection où ils expiraient moins de virus.

L’étude a des limites et d’autres recherches similaires seraient souhaitables. Toutefois, d’ores et déjà, elle démontre l’importance d’améliorer la ventilation pour que les salles soient plus sécuritaires aux patients hospitalisés.

Les leçons de Florence

Au XIXe siècle, la Grande-Bretagne était régulièrement aux prises avec des épidémies, et les taux de décès dans les hôpitaux étaient très élevés. Il a fallu une personne comme l’infirmière Florence Nightingale pour changer la donne. Florence Nightingale a été témoin des hôpitaux militaires où étaient entassés de nombreux soldats blessés au combat durant la guerre de Crimée. Des soldats qui mouraient non pas de leur blessure, mais des infections qu’ils avaient contractées dans ces lieux hautement contaminés.

Sur recommandation de Nightingale, les hôpitaux devaient donner une plus grande attention aux conditions sanitaires, à la ventilation et au flot d’air.

Des pavillons conçus avec des fenêtres qui devaient rester ouvertes en tout temps pour favoriser la circulation d’air. Bien entendu, pas tous les pathogènes se propagent via des aérosols, mais au XIXe siècle, cette stratégie pour dissiper le brouillard avait du sens.

Comme le mentionne Joseph G. Allen, professeur à l’École de santé publique de l’Université Harvard, dans un texte du Washington Post, beaucoup de choses devraient être faites pour améliorer la qualité de l’air à l’intérieur des bâtiments. Des initiatives combinant la ventilation de l’air extérieur et la recirculation de l’air filtré.

En améliorant l’air à l’intérieur, on réduit les risques d’infection au coronavirus dans les hôpitaux, on sécurise un peu plus les milieux de travail et on se rapproche d’un retour à la normalité.

Mon petit doigt me dit que Florence Nightingale nous le rappellerait.

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