Stratégies

Elran se lance dans le meuble non inclinable

Elran ajoute une corde à son arc. Reconnue depuis toujours pour ses fauteuils inclinables, l’entreprise montréalaise se lance dans la confection de meubles… non inclinables. Une première dans son histoire, qui remonte à 1967.

C’est en 2018 qu’Elran lancera sa nouvelle gamme de meubles « stationnaires, contemporains, avec beaucoup de cuir et très design », confie le coprésident Eric Abécassis, en nous faisant visiter ses vastes installations sur l’autoroute Transcanadienne, à Pointe-Claire.

La gamme ne portera pas le nom Elran, mais sera baptisée Beldivani, qui signifie beaux divans en italien.

« Ce n’est pas un changement, mais un ajout », précise le dirigeant. Un ajout aux avantages évidents : le mobilier stationnaire est plus facile à fabriquer, puisqu’il ne requiert pas de mécanisme. De plus, « 70 % du marché est stationnaire », ce qui devrait permettre à l’entreprise de prendre de l’expansion et d’accroître ses ventes.

De plus, ce nouveau créneau permettra à Elran de réaliser des économies d’échelle sur les matériaux, prévoit Eric Abécassis. Officiellement, le gestionnaire est vice-président exécutif, mais dans les faits, il codirige l’entreprise avec son beau-frère Sheldon Lubin (frère de son épouse et fils du fondateur Irving Lubin).

Les deux hommes travaillent également avec leurs fils, qui doivent prendre le relais « quand le timing sera bon ».

Image et collection rajeunies

Tandis que la relève se prépare, Elran rajeunit son image. Son logo vient d’être redessiné (exit les tons de beige) et des modèles plus jeunes, plus petits et plus colorés (turquoise, orange) côtoient les valeurs sûres. « Quand tu vas au resto, il y a toujours des patates pilées au menu. Nous, il faut avoir des fauteuils de matantes dans un certain tissu. Mais il nous faut aussi du super design et du cuir italien. »

En mai, le 50e anniversaire de l’entreprise sera souligné sur Facebook et Instagram (au moyen de publicités). Il s’agira de la toute première présence du fabricant de meubles sur les réseaux sociaux.

Pour Eric Abécassis, le web est un enjeu complexe. Il ne peut pas mettre son catalogue en ligne, explique-t-il, parce que chaque détaillant vend ses propres modèles, en fonction de sa clientèle cible. Il refuse donc de les mettre en concurrence.

« Je préfère rester neutre, rester clean. » Il convient que cette approche empêche les clients potentiels de faire du prémagasinage, mais pour l’instant, il n’a pas trouvé de solution miracle.

Des meubles « personnalisés, en gros volume »

L’usine d’Elran, qui fonctionne huit heures par jour, fabrique des centaines de meubles (fauteuils, causeuses, sofas et sectionnels) quotidiennement. C’est toute une gymnastique puisqu’il y a 4800 combinaisons possibles.

« Tout ce qu’on fabrique est déjà vendu. On ne fait rien d’avance. Pour réussir à répondre à la demande aussi rapidement [quelques jours], il faut toujours avoir tout en stock », dit Eric Abécassis en nous montrant des centaines de couleurs de tissus et de cuirs.

« On fait des meubles personnalisés en gros volume. […] C’est la niche qui nous protège [de la concurrence asiatique] car personne ne peut produire autant de modèles en si peu de temps. »

Trouver des bras pour travailler dans une usine de meubles n’est pas une mince affaire. Mais ça demeure « le deuxième plus gros défi, après la concurrence asiatique ».

Le pire est passé

De 2008 à 2014, le marché a été inondé de meubles venus d’Orient vendus de 20 à 40 % moins cher que ceux du Canada. Parfois très bien faits. « Des fois, je regarde des meubles et je me demande si c’est les miens, tellement c’est bien copié », relate Eric Abécassis, 54 ans.

Pendant cette dure période, les ventes d’Elran ont baissé de 12 %. « On a manœuvré en faisant de nouveaux produits, en misant davantage sur le marché américain. Des fois, on fermait plus tôt le vendredi après-midi pour se garder des meubles à faire le lundi. »

Comble de l’ironie : Elran a fait de l’argent en réparant des meubles chinois à la demande de certains détaillants !

Heureusement, le pire est passé : en 2016, les ventes d’Elran ont bondi de 11 % et cette année, une hausse de 6 à 7 % est prévue. « Les gens reviennent au Canada parce qu’ils se sont fait livrer des meubles non conformes. » La faiblesse du huard favorise aussi l’achat local.

Et la concurrence du géant américain La-Z-Boy ? « Sur certains bons de commande que je reçois, c’est écrit La-Z-Boy Elran ! Ça ne me dérange pas, un La-Z-Boy, c’est comme un Kleenex. Et on se défend bien contre eux ! », lance M. Abécassis en riant.

Elran en bref

• Fondation en 1967, par Irving Lubin

• Le nom Elran vient d’Ellen et Randy, les deux enfants du fondateur

• Employés : 525, dont 55 dans les bureaux

• Ventes : 69 % au Canada, 20 % aux États-Unis, 11 % en Europe et en Israël

• Distribution : près de 400 marchands au Canada, une centaine en Europe, des distributeurs en Europe et en Israël, ainsi que les CHSLD (fauteuils auto-souleveurs)

• Un catalogue de 375 modèles personnalisables

• Prix de détail : entre 700 et 9000 $

Forces

• La qualité du service offert aux détaillants et aux consommateurs

• La flexibilité, la capacité d’adaptation aux besoins des marchands de meubles

• La rapidité d’exécution des commandes sur mesure (quelques jours)

Faiblesses

• L’entreprise a mis du temps à changer son style pour s’adapter aux goûts de la jeune génération.

• Le site web, qui ne permet pas de voir le catalogue, de prémagasiner

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