Bilan de fin de saison du Canadien

De nouvelles visées pour l’an prochain

Kent Hughes évoque une participation aux séries éliminatoires dès 2024

Au tournoi de golf du Canadien, en septembre dernier, Joel Edmundson a plus ou moins passé pour un hurluberlu en affirmant que son équipe souhaitait accéder aux séries éliminatoires dès ce printemps.

De l’avis général, le Tricolore n’avait tout simplement pas les munitions pour y arriver, surtout pas dans la division la plus forte de la LNH.

Si le vétéran défenseur réitère sa prédiction à la rentrée, il semblera moins seul de son camp. Au bilan de fin de saison, vendredi, le directeur général Kent Hughes a dit s’attendre à ce que sa formation fasse une « poussée » vers les séries l’an prochain.

Cela ne constituera pas son seul critère d’évaluation. Et il n’impose pas ce défi comme un impératif. Mais il prononce quand même le mot qui commence par la lettre S pour, à notre connaissance, la première fois depuis qu’il a été nommé directeur général en janvier 2022.

« Nos attentes changent. Je ne sais pas si on atteindra les séries, mais on veut pousser pour les faire. Si on ne les fait pas, c’est correct si on a vu un bel effort, si les individus ont progressé. Mais on n’arrivera pas en disant qu’on prévoit être exclus des séries. »

— Kent Hughes, directeur général du Canadien

Le mot d’ordre de la saison qui vient de se conclure était le développement. Celui de l’organisation et de sa « culture », mais également celui des joueurs. Hughes croit avoir atteint la cible dans les deux cas. Pendant la majorité de la campagne, il a vu sa troupe tenir tête à des clubs qui lui étaient supérieurs. L’ambiance n’est plus « lourde » comme elle l’était à son arrivée. Sur le plan individuel, les jeunes joueurs ont été plus nombreux que prévu à voir de l’action, résultat notamment de l’épidémie de blessures qui a affecté son vestiaire. Ils ont tous acquis un précieux bagage d’expérience.

À l’évidence, on n’était pas dans une optique de résultats. La fiche de 31-45-6 a certes constitué une amélioration par rapport à 2021-2022 (22-49-11), mais elle a néanmoins valu au Canadien le 28e rang du classement général, ce qui le place dans une position avantageuse pour obtenir l’un des cinq premiers choix au prochain repêchage.

Pour passer à la prochaine étape, Kent Hughes lance à ses joueurs le défi de la responsabilisation [ownership, en anglais].

Il veut voir ses jeunes joueurs non seulement confirmer leur capacité d’évoluer à ce niveau, mais aussi prouver qu’ils peuvent « aider l’équipe à gagner ». De ses vétérans, il s’attend à les voir « travailler à aider tout le monde ».

Pas de raccourcis

Si « les attentes changent », la direction prend quand même soin de modérer celles du public. En jonglant entre optimisme et prudence.

Jeff Gorton, vice-président aux opérations hockey, a rappelé qu’il ne souhaitait pas définir un échéancier précis pour la reconstruction en cours.

« Prendre des raccourcis et poser des gestes juste pour atteindre les séries, je ne pense pas que ce soit la bonne direction à emprunter. Construire et développer de manière organique est la chose à faire. On croit tous à ça. »

— Jeff Gorton, vice-président aux opérations hockey du Canadien

Kent Hughes a d’ailleurs parlé d’un « équilibre » à trouver entre appliquer une pression additionnelle sur ses joueurs et ne pas « compromettre leur développement ».

Le gestionnaire, néanmoins, a assuré qu’il ne se gênerait pas, s’il en a l’occasion, pour poser des gestes susceptibles d’aider son équipe immédiatement. L’équipe possède plusieurs atouts pour conclure des transactions d’ici au repêchage, dont le premier tour est prévu le 28 juin prochain. Jeff Gorton s’attend à ce que son DG soit « actif » pour « pousser le plus possible », comme il l’avait fait l’an dernier en sacrifiant Alexander Romanov contre un choix de premier tour dont il s’est illico servi pour acquérir Kirby Dach.

Hughes a aussi indiqué qu’il souhaitait se servir de sa « flexibilité » salariale à son « avantage ». L’arrivée à échéance des contrats de Jonathan Drouin, Sean Monahan, Paul Byron et Chris Tierney effacera 16 millions en salaires. On pourrait même ajouter les 2,9 millions de Denis Gurianov qui, s’il est de retour, gagnera probablement moins d’argent.

Cette flexibilité donne un avantage compétitif au Tricolore, qui pourrait accepter un contrat onéreux d’une autre équipe, comme il l’a fait avec celui de Monahan l’été dernier, ce qui avait aussi valu au CH un choix de premier tour des Flames de Calgary. Or, cette manœuvre est généralement déployée par les équipes qui ne cherchent pas à s’améliorer à court terme. Hughes a d’ailleurs insisté sur ce point : aucune des possibilités qu’il est prêt à « explorer » ne pourra affecter son budget « à long terme ».

Son modus operandi reste d’ailleurs le même : « Si on trouve le moyen d’améliorer notre équipe, on va toujours le faire, mais sans sacrifier le futur. Un échange pour nous améliorer seulement pour l’an prochain n’est pas dans les cartes. »

Impatience

En somme, Kent Hughes souhaite que son équipe soit dans le coup la saison prochaine, sans changer pour autant son plan à long terme.

On sent chez les joueurs un appui à cette philosophie. Réapprendre à gagner, « ce n’est pas un sprint, c’est un marathon », a sagement rappelé Joel Edmundson.

Des vétérans, toutefois, commencent subtilement à taper du pied. Edmundson, même s’il est solidaire de la démarche de l’organisation, avoue que l’accumulation des défaites pèse parfois lourd.

« Certains des gars ici sont au sommet de leur carrière ; c’est difficile, pour eux, de faire partie d’une reconstruction. Certains soirs, c’est frustrant. Mais il faut prendre un pas de recul et regarder le portrait global. »

— Joel Edmundson

Résolument optimiste, il croit qu’une « bonne saison », peut-être dès l’an prochain, pourrait « accélérer le processus ».

Si cette prophétie se réalisait, ce n’est pas Josh Anderson qui s’en plaindrait. Pour lui, « finir au bas du classement » n’est pas synonyme de « succès ».

Cette saison a été « difficile », a-t-il concédé, même s’il affirme en avoir tiré « beaucoup de bonnes choses », notamment des acquis individuels.

Il n’empêche que, blessures ou pas, « on doit être meilleurs », a-t-il renchéri.

« On doit venir ici pour gagner. Tôt ou tard, ce processus devra commencer. »

On interprétera cette affirmation davantage comme une confirmation de l’esprit de compétition d’Anderson que comme une fronde à l’endroit de la direction. Il y a néanmoins là un rappel qu’une reconstruction vient au prix de sacrifices. Et que si la patience des partisans n’est pas infinie, celle des joueurs ne l’est probablement pas non plus.

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