Mon clin d’œil

« Est-ce que Martin St-Louis pourrait s’occuper de notre équipe ? »

— Le Parti québécois

Aide médicale à mourir

La sémantique pèse sur les droits des patients

L’auteur s’adresse aux ministres Simon Jolin-Barrette et Christian Dubé

Monsieur le Ministre Jolin-Barrette et Monsieur le Ministre Dubé, nous vous demandons un décret pour clarifier la pratique de soin pour l’aide médicale à mourir.

Messieurs les Ministres, au Québec, un débat lexical sur les critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir pèse sur les droits de certains patients. C’est la constatation que nous sommes obligés de faire, mes confrères médecins praticiens de l’aide médicale à mourir et moi-même. Toutes les semaines, le téléphone de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité sonne. Au bout du fil, ce sont des patients qui font face aux hésitations de leur médecin à leur accorder l’aide médicale à mourir. Non pas parce que leur souffrance n’est pas irrémédiable ou parce qu’ils ne sont pas aptes, mais pour des raisons sémantiques leur faisant craindre une sanction juridique.

Rappelons les faits : la loi du Québec indique qu’une personne peut bénéficier de l’aide médicale à mourir, entre autres critères, si elle est atteinte d’une maladie grave et incurable. Au fédéral, l’article 241 du Code criminel ne pose pas seulement pour critère sa maladie, mais aussi son affection ou son handicap, en accord d’ailleurs avec la décision historique du 6 février 2015 de la Cour suprême du Canada qui parle de problèmes de santé graves et irrémédiables.

Le terme « maladie » utilisé par la loi du Québec de 2014 est trop restrictif. Il exclut les patients touchés par un handicap, aussi grave soit-il, et ce, même si ces personnes répondent à toutes les autres conditions. Comme praticiens de l’aide médicale à mourir, notre rôle et notre devoir sont d’accompagner tous nos patients qui le souhaitent vers une fin de vie conforme à leurs valeurs, sans distinction.

L’impact de ce débat sémantique est réel pour les patients du Québec qui, faute de clarification, voient leurs droits restreints par rapport à tous les autres Canadiens.

Les médecins praticiens de l’aide médicale à mourir reçoivent des avis négatifs de la part de la Commission sur les soins de fin de vie qui entend de manière très étroite le terme de maladie, malgré l’avis contraire du Collège des médecins, de la loi fédérale et de la Cour suprême. Dans ce débat linguistique futile, certains de nos collègues pourtant dévoués finissent par se retirer de l’aide médicale à mourir par crainte de représailles.

Il est donc urgent de clarifier la terminologie. La solution est simple et à portée de main : remplacer le terme actuel (« maladie »), par ceux qui sont utilisés dans la loi fédérale (« maladie, affection, handicap »). Un simple décret règlerait le problème.

Messieurs les Ministres, au nom de mes confrères prestataires de ce soin ultime et compassionnel, au nom de l’Association québécoise pour l’aide médicale à mourir dans la dignité, et surtout, au nom des patients, je vous demande donc de vous saisir de la question dès maintenant et de contribuer à protéger les droits des personnes concernées.

* Neurochirurgien et praticien de l’aide médicale à mourir

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