Immobilier

Amal et George Clooney débarquent en Provence

Plus cigales que jamais. Après le soleil californien, la brume du Berkshire et la sérénité du lac de Côme, le couple le plus militant-glam de Hollywood s’offre un coin de paradis. En mai, l’avocate et le comédien craquaient pour une bastide du XVIIIe siècle vendue avec toutes commodités : piscine, court de tennis, terrain de pétanque, étangs, oliveraie et vignes. Seul bémol, un autre acheteur refuse de déclarer forfait. Qu’importe, les premiers travaux sont engagés.

Brignoles est une de ces bourgades de Provence enclavées entre garrigue et maquis, figées dans le temps. Des ruelles étroites, où les façades décolorées sont flanquées d’enseignes désuètes des années 1970. À quelques minutes du centre-ville, le long d’une départementale – la bien-nommée « route des vins » – bordée de vignes d’un côté et de l’A8 de l’autre, se cache la bâtisse.

L’accès se fait par un chemin de terre identique à tant d’autres. Une végétation sauvage, pas de murs, pas de portail, deux colonnes de pierre rongées par le lierre. Sur l’une d’elles, on distingue la plaque ocre qui indique Canadel, le nom du domaine. Au bout du sentier bordé d’étangs qui monte vers la colline, derrière une haie de cyprès, dans une forêt de chênes et de pins se niche une splendide bastide du XVIIIsiècle. La maison de 900 mètres carrés surplombe une piscine et des jardins à la française entretenus par Paul, le jardinier et garde-chasse, depuis deux décennies. Loin des criques turquoise de la French Riviera et de l’extravagance de Cannes ou de Saint-Tropez, c’est dans cet éden vert que George Clooney a choisi sa nouvelle résidence. Une de plus.

Ce membre éminent de l’élite hollywoodienne est un féru de la chose immobilière. « C’était un signe de réussite que de devenir propriétaire », confiait-il en 2012.

« Quand j’étais enfant, nous déménagions tout le temps. Nous partions quand il fallait payer le loyer. Mes parents ont mis 30 ans à rembourser leur maison. Posséder la mienne est vite devenu important. »

— George Clooney

En 1995, l’acteur, que la série Urgences vient de révéler, achète sa première villa à Studio City, près de Los Angeles. Une demeure qu’il possède toujours ; une incongruité à Hollywood où, dès les premiers chèques, la célébrité ne pense qu’à s’agrandir, s’étendre. George Clooney a construit sa notoriété grâce à des rôles plus marquants que ses conquêtes. Célibataire éternel – promis juré, jamais il ne se marierait –, il vogue de somptueuses soirées en vadrouilles à moto avec sa bande de copains. Notamment en Italie.

En 2002, il s’offre la Villa Oleandra de Laglio, sublime bâtisse XVIIsiècle posée sur les bords du lac de Côme. Plus qu’une résidence secondaire : il y habite la moitié de l’année et a même été intronisé « citoyen d’honneur du village ». « Acheter Laglio a changé ma vie d’une manière tout à fait plaisante et inattendue. En Italie, j’ai réalisé à quel point la vie était belle, et cela m’a aidé à me calmer, à être moins sous pression. » Avec ses 25 chambres, sa piscine, son cinéma et son court de tennis, la villa s’est muée en maison d’accueil pour les nombreux amis de George, les Obama, les Beckham, le prince Harry... Tous des gens simples. Clooney aime recevoir. À Los Cabos, au Mexique, il fait construire une nouvelle maison, mitoyenne avec celle de son meilleur ami et associé, Rande Gerber, le mari de Cindy Crawford.

Vie plus rangée

Modifiant le scénario du film de sa vie, George Clooney s’est alors accordé un autre rôle : « family man ». Fini, les fêtes, les promesses d’une nuit ! Le sémillant quinqua s’est marié avec la brillante avocate libano-britannique Amal Alamuddin. Père de jumeaux – Ella et Alexander – depuis 2017, il a même revendu pour 1 milliard de dollars Casamigos, la marque de tequila qu’il avait cofondée. Quelques semaines après leur mariage, les Clooney s’installent dans un immense manoir géorgien à 45 minutes de Londres.

Le domaine de Canadel va s’ajouter à la longue liste de demeures historiques que George prend plaisir à faire rénover. Après des années de bonheur au pays de la burrata, M. et Mme Clooney entendent découvrir le sud de la France, ses cigales, son pastis... Les ventes de majestueux domaines sont rares, par chez nous. Alors, quand il tombe sur celui de Canadel, il n’hésite pas à débourser 8 millions d’euros, somme relativement modeste eu égard à l’étendue de la propriété.

Un lieu splendide, pas ostentatoire, loin du luxe dégoulinant. Mais un choix curieux pour le buveur de café le plus célèbre du monde. Le bruit de l’autoroute qui traverse ses terres est incessant. Il est vrai qu’Amal et George n’ont pas pris la peine de se déplacer. L’agence immobilière monégasque mandatée pour la vente leur a montré l’endroit... par visioconférence. Le domaine possède des vignes, mais George laisserait la coopérative locale les exploiter.

Didier Brémond, le maire de Brignoles, revient sur la genèse de l’achat : « Ils cherchaient un havre de paix et viennent ici pour se reposer. » L’édile attend avec impatience ce résident haut de gamme, publicité vivante de sa bourgade.

Mais pas sûr que les Clooney participent à la vie locale. Le maire ne les a jamais vus ; toutefois, une rencontre est prévue. Un événement dont se languissent les employés de la mairie et les villageois.

« Vous savez, relativisent les habitantes, on a déjà vu Brad Pitt ! » Celui-ci règne en effet à Miraval, à seulement quelques encablures. La Provence serait-elle le nouveau Beverly Hills ? La région regorge de migrants fortunés, et les Clooney ne manqueront pas de chics voisins. À 20 minutes de là, c’est un autre George célèbre qui a posé ses valises au château de Margüi. George Lucas, le créateur de Star Wars, est depuis 2017 le propriétaire de ce vignoble provençal.

Opération rénovation

Pour s’offrir Canadel, George Clooney a signé le compromis de vente le 6 mai 2021, jour de son soixantième anniversaire. Préparait-il sa retraite sous le soleil ? Didier l’annonce, « ils devraient emménager d’ici à fin juillet ». Paul, le gardien, ne dit pas autre chose, mais sa joie a tourné court et la déception le mine. « La vente a été conclue rapidement. J’ai eu George Clooney au téléphone au début du processus, il m’a demandé si je souhaitais continuer de travailler sur ce domaine que je connais par cœur. Évidemment ! Quelques jours plus tard, ses équipes m’ont indiqué que je devais partir. Je ne sais pas ce que nous allons devenir... Nous vivons ici depuis 20 ans ! »

Le bal des déménageurs a commencé début juin. La maison est cédée meublée. Richard et Diana Wiesener, ses précédents propriétaires, riche couple d’Australiens, l’avaient entièrement rénovée. Mais les goûts et les couleurs... Les Clooney s’apprêteraient à tout chambouler et à ultra sécuriser les 170 hectares. Une fois installé, George pourra s’octroyer des balades avec Ella et Alexander le long des sentiers viticoles, profiter des nombreux golfs alentour, déguster un plateau de fruits de mer au restaurant trois étoiles de Christophe Bacquié au Castellet, assister à une projection de film et, en cas de besoin, monter dans un hélicoptère pour filer chez le copain Brad.

Tout est parfait... sauf un léger grain de sable. Un conflit judiciaire empoisonne la vente, ce que Clooney ne semble pas considérer comme un obstacle. Fin 2020, avant qu’il ne soit dans la boucle, la propriété aurait été promise à un autre acheteur. Le maire balaie ces soucis d’un revers de main : « C’est quelqu’un qui veut faire parler de lui car Clooney achète. Ce serait un citoyen lambda, on n’en parlerait pas. » Cet acheteur, contacté par nos soins, souhaite pourtant garder l’anonymat. « J’aurais vraiment préféré un inconnu face à moi ! Je tiens à dire que je n’ai absolument rien contre les Clooney. J’en veux aux vendeurs et à leur notaire. »

Les anciens propriétaires du domaine de la discorde, le couple d’Australiens qui débarquaient quelques mois par an en Provence, avaient acquis ce bien il y a une quinzaine d’années. « Des gens charmants », dixit le maire qui les a souvent côtoyés. Âgés de plus de 80 ans, ils souhaitaient se séparer du domaine. Une vente initiale est conclue oralement, en novembre 2020, au prix de 6 millions d’euros. Et soudain, plus rien. Le premier acheteur apprendra par la presse locale au profit de qui la propriété lui échappe. « Il n’avait rien signé, ce ne sont que des mails », assure le maire.

Pour lui, l’affaire est pliée, Clooney sera le prochain résidant. Mais une procédure au tribunal de Draguignan est lancée. Première audience, le 17 septembre. L’affaire pourrait durer. L’acquéreur initial insiste : « Je ne me laisserai pas marcher sur les pieds, même si c’était le Pape ! J’irai au bout du monde pour faire crucifier la notaire et toute autre personne qui ont instrumentalisé cette vente. » Un contentieux qui n’empêchera pas le couple star de débarquer bientôt pour prendre ses quartiers d’été. George aime d’ailleurs le répéter sur les plateaux de télévision : « Au pire, ma femme est avocate. »

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