« C’est un énorme gaspillage »

Les tests de dépistage à l’aéroport sont de plus en plus contestés

Au moment où la situation est toujours aussi chaotique dans les aéroports, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander la fin des tests de dépistage de la COVID-19 pour les voyageurs à leur arrivée au Canada.

Jeudi, l’Association du transport aérien international a réclamé publiquement la fin des tests de dépistage « pour tous les passagers arrivant au Canada ». L’organisme a rendu publique une lettre transmise la veille à la grande patronne de la Santé publique du Canada, dans laquelle il soutient que cette mesure ne peut « être justifiée d’un point de vue scientifique ni d’un point de vue de politique publique, sachant les réalités actuelles de la pandémie et les restrictions déjà mises en place par le gouvernement canadien ».

Au cours des dernières semaines, de nombreux experts ont mis en doute l’utilité et l’efficacité de ces tests chez les voyageurs arrivant au Canada. « Avec un taux d’infection parmi les plus élevés au monde, cela n’a pas de sens, surtout pour les personnes vaccinées qui doivent fournir un test négatif pour prendre l’avion », estime David Juncker, directeur du département de génie biomédical à l’Université McGill. « Au vu des ressources limitées, ces tests seraient plus utiles pour valider des cas suspects. »

« J’ai perdu quatre jours »

C’est également l’avis de Joël Cyr, revenu du Portugal le 12 janvier, où il était allé rendre visite à la famille de sa conjointe. « Ma conjointe et moi sommes doublement vaccinés, nous avons fourni chacun un test PCR négatif avant de prendre l’avion. À l’aéroport de Toronto, j’ai été choisi aléatoirement, et on m’a remis une boîte de test en me disant que si le gouvernement m’appelait, je devrais l’utiliser. »

Après quatre jours, M. Cyr finit par recevoir plusieurs appels automatiques de Santé Canada en anglais, qu’il ignore, croyant faire l’objet d’appels frauduleux. Il finit par joindre le Ministère. On lui indique alors qu’il devra communiquer avec une infirmière, qui lui montrera au cours d’une vidéoconférence comment utiliser le test avant de l’envoyer par Purolator pour obtenir les résultats.

« Mon résultat était négatif, et j’ai quand même perdu quatre jours pendant lesquels je ne pouvais aller aider mon père à l’hôpital alors que le personnel est épuisé. Ils ont même trouvé un préposé qui avait perdu connaissance dans la chambre de mon père. »

De retour de France, où elle était allée retrouver sa famille, qu’elle n’avait pas vue depuis deux ans, Emma Léorat et son conjoint ont dû attendre sept jours avant de recevoir les résultats des tests PCR administrés à l’aéroport de Montréal. La jeune femme trouve ridicule d’avoir dû s’isoler pendant une semaine après avoir passé un test PCR. « C’est aussi un énorme gaspillage. Tout ça doit coûter très cher. »

1,15 milliard $

Tout comme David Juncker, Marie-Pascale Pomey, professeure et chercheuse à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (UdeM), croit elle aussi que le Canada pourrait mieux utiliser ses ressources dans le contexte actuel.

« Ça donne un sentiment de fausse sécurité. C’est un peu une mesure politique. Au départ, je pense que c’était une mesure pour freiner les voyages à l’étranger. Mais on demande beaucoup plus au Canada que ce qui est exigé dans les autres pays. Et c’est beaucoup de budget, beaucoup de ressources. »

– Marie-Pascale Pomey, professeure et chercheuse à l’École de santé publique de l’UdeM

Selon les plus récentes données, 1,08 % des 1,2 million de passagers arrivés par voie aérienne au Canada entre le 28 novembre et le 25 décembre ont obtenu un test PCR positif. Or, toute l’opération coûte très cher aux contribuables, soit 1,15 milliard de dollars, d’après les contrats signés pas Services publics et Approvisionnement Canada, rapporte Radio-Canada.

Plusieurs entreprises se partagent la cagnotte, dont la firme Dynacare, notamment choisie pour administrer des tests à l’aéroport de Montréal.

Il semble aussi régner une certaine confusion dans les aéroports, où les consignes ne sont pas appliquées uniformément. « En matière d’organisation, c’est vraiment catastrophique, note Marie-Pascale Pomey. Les communications ne sont vraiment pas très claires. »

À son retour du Portugal, à l’aéroport de Toronto, Joël Cyr a été surpris qu’on le désigne pour un test et pas sa conjointe. Emma Léorat, elle, rapporte qu’on lui a précisé que toutes les personnes qui arrivaient d’un vol de plus de quatre heures devaient être testées. « Je me suis même demandé si on me faisait passer un vrai test PCR. Ça ne ressemblait pas du tout au test que j’ai eu avant de quitter la France, c’est à peine si je l’ai senti [l’écouvillon] dans mon nez. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.