Réplique

Une prise de parole importante et des traitements qui doivent continuer à évoluer

En réponse au texte de La Presse Canadienne « Manifestation pour réclamer l’abolition des électrochocs en psychiatrie », publié le 7 mai

En tant que psychiatres et chercheurs au CHUM, nous avons lu avec intérêt l’article paru dans La Presse le 7 mai dernier au sujet de l’électroconvulsivothérapie (ECT). Nous nous permettons donc de contribuer au débat. . Nous nous permettons donc de contribuer au débat.

Il nous semble d’emblée nécessaire de mentionner que nous croyons profondément que ce type de prise de parole de la part des personnes avec une expérience vécue des troubles de santé mentale est essentielle pour faire avancer la compréhension et les traitements pour ces conditions. Les ECT, inventés il y a près de 85 ans, ont connu une évolution importante depuis les quatre dernières décennies et restent parfois encore aujourd’hui le dernier espoir pour certaines personnes souffrant de troubles mentaux sévères. Tel que confirmé par un nombre important d’études scientifiques, les ECT sont maintenant plus sécuritaires, généralement bien tolérés, et s’avèrent une thérapie fort efficace dans les cas de dépression réfractaire sévère.

Certaines statistiques présentées dans l’article nous semblent aussi devoir être mieux contextualisées. Il est notamment attendu que les ECT soient davantage administrés à des personnes plus âgées étant donné l’évolution naturelle de la dépression majeure, qui peut se compliquer en vieillissant (épisodes plus longs, plus sévères et plus réfractaires à travers le temps). De plus, on peut s’attendre à une certaine surreprésentation des femmes en ECT, puisque deux fois plus d’entre elles souffrent de dépression que d’hommes, peu importe la culture.2

Bien que les troubles cognitifs induits par ce traitement se résorbent dans la vaste majorité des cas3 et que plusieurs individus voient même au contraire leur mémoire s’améliorer4, nous comprenons les inquiétudes générées par les ECT.

Notons aussi la stigmatisation encore associée à ce type d’intervention, qui vient s’ajouter au lourd fardeau déjà porté par les personnes qui vivent avec un trouble de santé mentale.

Nous sommes d’avis qu’une des façons les plus efficaces de respecter l’autonomie et les préférences de ces personnes est de continuer à développer de nouvelles options thérapeutiques pour la dépression réfractaire.

Dans un centre spécialisé comme le CHUM (où nous n’offrons pas d’ECT), la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) est offerte depuis environ 15 ans. Il s’agit d’un traitement efficace, non invasif, sécuritaire et avec peu ou pas d’effets secondaires, ne nécessitant pas d’anesthésie et n’entraînant aucun effet cognitif néfaste (au contraire, plusieurs études soutiennent l’effet pro-cognitif de la TMS). Malgré que la TMS existe depuis 25 ans, elle reste encore méconnue du grand public. Notre programme de stimulation du nerf vague (essentiellement un pacemaker pour la dépression) peut représenter une solution pour les patients qui ont bien répondu aux ECT, mais qui ont rechuté par la suite. Finalement, les psychédéliques comme la kétamine et la psilocybine représentent un autre axe thérapeutique potentiel encore à l’étude.

Combinées aux approches psychothérapeutiques existantes et à la médication, toutes reconnues efficaces, les possibilités de traitement sont finalement en train de s’élargir.

Il est important de déstigmatiser les troubles de santé mentale ainsi que les traitements qui y sont associés. Si la société assume ce désir ouvertement affirmé qu’elle veut ce qu’il y a de mieux pour les personnes qui vivent avec un trouble de santé mentale, il faut écouter attentivement leurs inquiétudes et respecter leurs perspectives.

Bien que certaines nuances semblent nécessaires en ce qui a trait à l’information présentée dans les médias sur les ECT, l’effort de recherche doit continuer afin de diminuer les effets secondaires des thérapies actuelles et en augmenter l’efficacité, tout en diversifiant les options d’interventions, dans le respect des préférences et de l’autonomie des personnes qui en bénéficient.

*Jean-Philippe Miron est psychiatre et chercheur au CHUM, professeur adjoint de clinique au département de psychiatrie et d’addictologie de la faculté de médecine de l’Université de Montréal ; Paul Lespérance est psychiatre et chercheur au CHUM, professeur titulaire au département de psychiatrie et d’addictologie de la faculté de médecine de l’Université de Montréal ; Didier Jutras-Aswad est psychiatre et chercheur et chef du département de psychiatrie du CHUM, professeur agrégé au département de psychiatrie et d’addictologie de la faculté de médecine de l’Université de Montréal.

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