Chronique

Les retraités sur leur faim

Alors que les milliards des gouvernements pleuvent sur les entreprises et les travailleurs, beaucoup de retraités restent sur leur faim.

« La débâcle boursière nous frappe de plein fouet et va avoir des conséquences pendant le reste de notre vie », constate René Allard, 63 ans, qui a pris sa retraite l’an dernier.

Il a mis 40 ans à remplir son Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) qui est sa seule et unique source de revenus. Depuis le début de l’épidémie de COVID-19, son portefeuille diversifié a fondu de près de 15 %.

« Le gouvernement est prêt à donner 2000 $ par mois à des étudiants qui ont perdu un emploi à temps partiel. Je trouve ça très étrange qu’il y en ait pour tout le monde, sauf nous », s’étonne le retraité qui vit près de La Sarre, en Abitibi-Témiscamingue.

Il n’est pas le seul dont le portefeuille se retrouve aux soins intensifs à cause du coronavirus. Le premier trimestre qui vient de se terminer a été catastrophique.

L’indice S&P/TSX de la Bourse canadienne a flanché de 21,6 % et le S&P 500 de la Bourse américaine, de 18,7 %. La performance de 1,9 % des obligations canadiennes (indice Solactive) a amorti les pertes. Mais maintenant que les taux d’intérêt sont au plancher, les retraités vont s’arracher les cheveux pour trouver du rendement.

Ironiquement, plusieurs investisseurs auront une facture d’impôt salée à payer au printemps, car ils avaient réalisé des gains importants en 2019, gains aujourd’hui disparus.

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À court terme, la situation des retraités est peut-être moins criante que celle des travailleurs qui n’ont plus aucun revenu. Mais s’ils continuent de décaisser leurs économies au même rythme, les retraités se retrouveront sans le sou plus tôt que prévu.

Tôt ou tard, les effets secondaires de la COVID-19 finiront par les rattraper.

Prenons un retraité de 60 ans qui a une cagnotte de 1 million de dollars dans son REER. Avec un rendement de 4 % par année, il pouvait compter sur des revenus avant impôts d’environ 38 400 $ indexés jusqu’à 95 ans, explique Sylvain Chartier, planificateur financier et fiscaliste chez Gestion privée 1859 Banque Nationale.

Mais si son portefeuille subit une chute de 20 %, il devra réduire ses revenus de 20 % s’il veut avoir de l’argent jusqu’au même âge. Cela lui laissera seulement 30 700 $ par année. Une baisse annuelle de presque 8000 $ à vie.

Mais il ne faut pas partir en peur non plus. « En septembre, on sera peut-être revenu au même point et on n’en parlera même plus », nuance M. Chartier.

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Mais il est vrai que les gouvernements ont offert peu de mesures pour venir en aide aux retraités.

Comme tous les contribuables à revenus plus modestes, ils profiteront de la bonification du crédit de TPS qui apportera, dès le mois d’avril, jusqu’à 290 $ pour une personne seule et 580 $ pour un couple, indique Luc Godbout, professeur de fiscalité à l’Université de Sherbrooke.

Ottawa a aussi annoncé une réduction de 25 % des retraits minimums du Fonds enregistré de revenus de retraite (FERR). Or, certains plaident pour qu’on abolisse les retraits obligatoires pour 2020, pour ne pas forcer les retraités à vendre à perte.

On pourrait aller plus loin en reportant de 71 à 75 ans la date limite pour convertir son REER en FERR. Ce serait logique puisque les gens vivent et travaillent plus longtemps.

Et tant qu’à y être, pourquoi ne pas suspendre les retraits minimums du FERR pour les aînés dont la principale source de revenus provient d’un emploi ? En leur évitant de payer une fortune d’impôt, on favoriserait leur maintien sur le marché du travail.

Sauf que toutes ces idées s’adressent surtout aux retraités qui ont le luxe de laisser leur argent dans leur FERR, et non pas à ceux qui en ont besoin pour vivre.

« Il faut bien continuer à faire des retraits, si on veut garder notre train de vie avant de commencer à manger mou ! », blague M. Allard.

Alors quoi d’autre ? Permettre exceptionnellement un retrait du REER ou du FERR sans impôt ? « Mais ça ne peut pas être le party pour tout le monde ! s’exclame M. Godbout. Il faudrait qu’il y ait un plafond. »

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En attendant, les retraités doivent garder le cap.

1. Résistez à la tentation de tout vendre.

« Il ne faut pas prendre de décisions dramatiques. On a vécu 2001 et 2008… les marchés se sont toujours replacés », rappelle M. Chartier. Mais quand la poussière sera retombée, vous prendrez le temps de réviser votre planification financière.

2. Restez liquides.

Normalement, il faut conserver des liquidités équivalant à trois à six mois de dépenses, pour ne pas être coincé dans un ressac. Si vous n’avez pas ce coussin, vendez ce qui a baissé le moins. Par exemple, les retraités peuvent puiser dans les fonds de travailleurs, dont la valeur n’a pas encore été décotée puisqu’ils sont évalués seulement deux fois l’an.

3. Ne levez pas le nez sur les obligations.

Une fois de plus, la crise a prouvé que, même s’ils rapportent des poussières, les revenus fixes ont toujours une place dans un portefeuille, surtout celui des retraités. En ce moment, votre meilleur choix est chez Tangerine qui offre des placements garantis à 2,8 % pour 1 an et à 3,2 % pour 5 ans.

4. Si vous gagnez des revenus d’appoint, réclamez la Prestation canadienne d’urgence.

Même s’ils touchent des rentes, les retraités y ont droit dans la mesure où ils ont gagné au moins 5000 $ de revenus d’emploi au cours de la dernière année et où ils viennent de perdre leur petit gagne-pain à cause de la pandémie.

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