COMMANDITÉ
Commandites

Une question de valeurs

Le sujet de commandites pour les golfeurs et golfeuses professionnels est délicat, voire tabou. Difficile d’obtenir de véritables données quant aux montants octroyés aux professionnels pour leurs ententes auprès d’entreprises. Ce qui est tout à fait normal. Voudriez-vous étaler au grand jour vos avoirs ? Probablement pas ! Cependant, les amateurs ont un petit côté voyeur et ils sont curieux de connaître ce que les meilleurs de la profession gagnent. Tour d’horizon d’un monde gardé, relativement secret, où les opportunités d’affaires ont grandement évolué.

Une question de valeurs

Si vous passez à la télé, vous détenez une valeur publicitaire. Si vous passez souvent à la télé et que beaucoup de gens vous regardent, votre valeur en tant qu’entité publicitaire augmente. Il existe de nombreuses firmes qui excellent à mesurer cette valeur.

Au golf, si vous êtes bon, une caméra risque d’être braquée sur vous. Si vous avez une chance de l’emporter, cette caméra ne vous lâchera pas. Pour les golfeurs professionnels et leurs commanditaires, c’est tant mieux !

La performance sur le parcours fait foi de tout, alors que la personnalité vient bonifier sa visibilité sous les projecteurs. Le phénomène Tiger Woods a multiplié toutes les visibilités corporatives sur la scène professionnelle masculine, alors que l’on pourrait dire que la LPGA attend toujours cet athlète dit générationnel.

À titre d’exemple, selon une source impliquée dans la négociation de son contrat et rapportée par le site Golf WRX, Rory McIlroy aurait une entente annuelle se chiffrant entre 20 et 25 M$ avec Nike. On peut supposer que ces montants auraient été impossibles sans l’apport de Tiger.

Pourquoi s’affilier golf ?

La nature même du golf offre une certaine stabilité et prévisibilité. « Le milieu corporatif demeure un monde frileux et dans son ensemble, le golf propose un environnement sécuritaire en matière d’investissement », explique d’emblée Jean Gosselin, stratège en communication corporative.

« Le golf offre beaucoup de visibilité. Chaque tournoi est télédiffusé et se déroule sur quatre jours consécutifs. De plus, compte tenu du déroulement du jeu, ce sport offre une connexion unique avec les spectateurs et les professionnels acceptent cette proximité. »

En plus de la visibilité offerte, les valeurs de la pratique du golf dégagent une aura à laquelle les compagnies veulent être associées. Sans oublier que le profil économique des adeptes tombe directement dans les cordes de marques prestigieuses, dont les institutions financières et les compagnies d’assurances, pour ne nommer que celles-là.

On veut le voir !

Selon le Monterey Herald, le tout aurait débuté en 1968. Le fabricant d’appareils électroménagers Amana offrait aux joueurs du circuit PGA Tour 50 dollars par semaine en plus d’une assurance maladie pour apposer leur logo sur leur chapeau. Bob Goalby, 11 fois champion, a été le premier golfeur à accepter cette entente de commandite.

Monsieur Gosselin indique que c’est le regretté Mark McCormack, fondateur de la prestigieuse agence IMG et agent de Jack Nicklaus, Arnold Palmer et Gary Player qui fut le précurseur du marketing sportif. « C’est lui qui a fait en sorte que la ronde de golf ne soit plus la chose la plus importante. Il a rendu les joueurs accessibles » de dire, M. Gosselin.

L’accessibilité a d’ailleurs grandement évolué depuis l’arrivée des médias sociaux. De nombreuses plateformes permettent aux athlètes de créer leur propre communauté, ce qui est un argument monnayable face aux futurs investisseurs.

Avec un million d’abonnés sur Instagram, Bryson DeChambeau est l’un des professionnels qui fait le plus usage de cette plateforme. Cela lui procure un argument de taille quand vient le temps de négocier ses contrats de commandites.

Une question de valeurs

Panneaux publicitaires sur deux pattes !

Derrière l’investissement marketing se trouvent des objectifs : ventes, parts de marché, positionnement corporatif, etc. « La commandite est une industrie de valeur. Elle se mesure par combien de paires d’yeux voient le logo d’une entreprise. Le profil du joueur, les priorités de la marque et l’exposition télévisuelle déterminent le prix de l’espace publicitaire », explique Jean Gosselin.

À une certaine époque, le fabricant TaylorMade avait pour objectif d’être le bois de départ No1 sur le PGA Tour. Les contrats allaient donc en ce sens. « Nous avions une soixante de joueurs sous contrat qui portaient la casquette TaylorMade et qui jouaient avec notre bois de départ », indique Nick Obritsch, responsable du marketing pour TaylorMade Canada. « Notre investissement était directement lié à notre objectif, ce que nous voulions accomplir à ce moment ».

Si vous faites partie des 125 premiers au classement des boursiers sur le circuit de la PGA, c’est à ce moment que vos vêtements et votre sac de golf auront une véritable valeur ajoutée en matière d’exposition publicitaire. À l’extérieur du top 50 mondial, règle générale, les logos sont plus nombreux.

Pour qu’un joueur puisse obtenir le maximum, les ententes combinent balles, casquette, gant, sac et souliers. Plus vous êtes dans la section des joueurs vedettes, plus vous avez le gros bout du bâton quand vient le temps de négocier. C’est pourquoi plusieurs têtes de séries préfèrent diversifier leurs commanditaires pour en tirer le maximum. Patrick Cantlay en est un bon exemple.

Le cadet fait également partie de l’équation. « Lorsque j’étais cadet, la compagnie de vêtements qui avait une entente avec mon joueur fournissait aussi mes vêtements, mais je n’étais pas payé pour les porter », raconte le professionnel Yohann Benson qui a été cadet pour notamment Russell Knox et Mark Hubbard.

« Le fabricant de peinture Valspar propose aux cadets une entente qui permet de cumuler des points si vous portez leur casquette et qui offre des bonus financiers. Si votre joueur participe aux rondes du weekend, les points sont bonifiés. Si votre joueur gagne, c’est davantage ! Je recevais ces bonus tout juste avant la période des fêtes, ce qui était très apprécié, évidemment », d’expliquer Benson.

Une question de valeurs

Les règles du circuit PGA Tour

Le grand circuit impose bien sûr certaines règles en matière de visibilité sur les vêtements et le sac de golf.

La première règle concerne le commanditaire FedEx, qui appuie la course aux points annuelle depuis 2007. Il y a une raison bien précise pour laquelle vous ne voyez pas de logos d’UPS ou DHL par exemple. Il est strictement interdit d’afficher ces logos, concurrents de FedEx, durant un événement sanctionné par le PGA Tour, à moins qu’une entente existante ait été signée avant 2017.

L’affichage des produits de tabac, de marijuana et d’alcools est sévèrement réglementé.

Pour ce qui est des casinos, jeux de hasard et paris sportifs, le tout doit être approuvé par le PGA Tour. Ces commandites de jeux sont populaires, mais l’affichage est limité à un seul logo.

Point important, pour ce qui est de ces affiliations sur les médias sociaux, le PGA Tour ne semble pas avoir autorité, ce qui laisse aux golfeurs et golfeuses une plus grande marge de manœuvre dans cet univers.

Nombre et volume

À l’exception du sac de golf, un logo ne peut dépasser la dimension de 3 pouces sur 5 pouces. Pour ce qui est du polo, un maximum de 7 logos est permis : 2 à l’avant, 1 sur chaque manche, 1 de chaque côté du collet et 1 au centre à l’arrière du polo.

En ce qui concerne la casquette, il ne semble pas y avoir de règles strictes. Sur le circuit de la LPGA, il n’est pas rare de voir plus de cinq logos sur la casquette des joueuses. Le dessus de la visière et à l’arrière sont des endroits utilisés fréquemment.

La ceinture fait aussi l’objet d’une réglementation. Un seul logo est permis sur la boucle. Pour le pantalon, un seul logo est permis au niveau des poches arrière. Un logo de chaque côté est donc interdit. Même règle en dessous des genoux. Un seul logo est permis. C’est donc dire que pour le pantalon ou le pantalon de pluie, un total de deux logos peuvent être affichés.

Une question de valeurs

Une question de timing !

Qui n’a jamais vu Tiger Woods s’empresser d’enfiler sa montre Rolex à la sortie du 18e vert lors de chacune de ses rondes. Ce geste est bien sûr calculé. Même son cadet de l’époque, Steve Williams, avait une entente avec la compagnie Valvoline où il enlevait son survêtement de cadet lors des poignées de mains d’usage à la fin d’une partie. Il était mis à l’amende à chaque occasion, mais les bénéfices financiers en valaient la peine.

Parfois, l’association entre joueur et marque est inattendue et les retombées sont plus qu’importantes. Le site medium.com relatait la fois où Tiger Woods avait utilisé du KT Tape, un ruban adhésif physiothérapique, afin de soigner des maux au cou lors de l’Omnium britannique en 2018. Woods n’était pas commandité par KT Tape, mais le simple fait d’avoir ce ruban sur la nuque a généré 3,96 millions en exposition médiatique. Le trafic sur le site web de KT Tape a augmenté cette même journée de 300 %.

En fin de compte, les performances font foi de tout pour être vu au bon moment. Par exemple, lors de la ronde finale du Tournoi des Maîtres en 2017, Sergio Garcia et Justin Rose ont fait exploser la visibilité d’adidas. Selon la firme Apex Marketing Group, les vêtements adidas des deux golfeurs ont offert une exposition de marque évaluée à près de 20 millions de dollars.

Faire autrement

Depuis l’an passé, le fabricant Nike a décidé d’apposer son célèbre logo à l’arrière du polo au niveau de l’épaule droite, pour les golfeurs droitiers. Bien souvent, les clichés de photographes sur le parcours surviennent lorsque le golfeur a complété son élan et observe la trajectoire de sa balle.

Voilà une idée à la fois très efficace et simple qui n’a pas été repérée souvent au cours des dernières années. John Daly avait son propre logo situé au même endroit pour justement en optimiser la visibilité.

Tiger Woods et sa nouvelle entité Sun Day Red proposent également un emplacement rafraîchissant et où le raisonnement marketing a sa place. Sur plusieurs vêtements, le logo tigré est situé au centre du chandail sous le menton, directement en ligne avec le même logo sur la casquette. Un seul visage, deux fois le même logo. Une formule idéale pour créer un impact mental suffisant ainsi qu’une reconnaissance spontanée dans le futur.

Quand vient le temps d’attirer l’œil, Jason Day et son commanditaire Malbon le font, mais de façon moins subtile. Malbon effectue coup de circuit après coup de circuit. Chaque fois que le sympathique Jason Day se présente sur le parcours, les médias sociaux se font un malin plaisir de commenter sa tenue. Mission accomplie pour une entreprise qui désire avoir un positionnement corporatif efficace. Comme dit le vieil adage, « parlez-en en bien ou parlez-en en mal, mais parlez-en ! »

Voici selon Forbes, les 10 golfeurs les plus riches

(Gains comptabilisés du 1er juin 2022 au 1er juin 2023)

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