Dépistage de la COVID-19 et autisme

Quand l’ignorance s’invite au rendez-vous

Hier, juste en terminant ma journée d’enseignement en ligne, je reçois un message urgent : l’école secondaire de ma grande fille autiste ferme ses portes pour deux semaines en raison d’un trop grand nombre de cas de COVID-19. On doit aller se faire tester. Pas de problème. Le rendez-vous est pris sur la plateforme créée à cet effet et le tour est joué. Mais avec une personne autiste, ce n’est pas aussi simple que ça. Pour Maëlle, c’est une première, c’est l’inconnu, un stress de plus qui s’ajoute aux circonstances déjà angoissantes de la fermeture de son école. Qui va lui faire le test de dépistage ? Comment ? Est-ce que ça va faire mal ?

J’essaie tant bien que mal de rassurer ma fille de 18 ans. Nous partons donc passer ledit test à Longueuil, en compagnie de notre compagne Fluffy, chienne Mira de Maëlle depuis des années.

À peine arrivées sur place, on nous cible immédiatement de loin et la carte d’identité du chien est demandée bien avant la carte d’assurance maladie de Maëlle. Encore une fois, pas de problème, ce n’est pas tant une surprise, me dis-je. Je demande même poliment au gardien de sécurité si des accommodements sont prévus pour accompagner les familles ayant des besoins particuliers. Il semble que non.

Quelques instants plus tard, j’entends un autre responsable dire que parce que Fluffy n’a pas de foulard, elle n’est pas considérée comme un chien Mira. Je leur réponds que les chiens Mira n’ont plus de foulard et que la carte d’identité, de même que le harnais sont une preuve légale. Un troisième homme s’approche de nous trois. Je commence à me sentir diminuée, intimidée et désorientée. L’interrogatoire continue. Que se passe-t-il ? Ce dernier me montre sa carte d’employé et s’adresse directement à Maëlle en lui demandant son âge. :

« 18 ans, monsieur.

— Bon, alors, tu vas aller te faire tester toute seule et ta maman va t’attendre dehors avec le chien. »

Je pense que c’est à ce moment que tout a basculé en moi. L’âge n’a rien à voir avec Maëlle et son autisme. Qu’on se comprenne bien : ma fille a besoin de sa maman et de son papa, même si elle est majeure et vaccinée. Ce n’est pas un caprice de ma part ni de l’anxiété mal gérée. Je ne suis pas une mère hystérique ou une folle finie. Pourquoi encore me battre, leur dis-je ? Ils sont trois, je me sens seule avec ma fille vulnérable et sa chienne. Toutes les personnes qui attendent en ligne fuient mon regard. Nous sommes invisibles. Je me mets à pleurer, démunie, épuisée moi aussi par une année de pandémie avec tout ce que cela comporte. Je leur dis désespérément que je ne laisserai pas ma fille seule.

Les trois responsables de l’entrée me laissent finalement passer, le nez coulant dans mon masque, les mains pleines de désinfectant, incapable de me moucher, humiliée. Maëlle est affectée et encore plus nerveuse, alors que je pensais avoir tout fait pour que cela se fasse dans le calme et l’anonymat.

Le test se fait, mais je dois répondre à des questions pour Maëlle qui ne sait pas toujours quoi dire. C’est pour ça que je suis là, moi, sa maman lionne.

En sortant du centre de dépistage, Maëlle me dit qu’une chance que j’étais avec elle. Mon cœur fond encore. De retour à la maison, j’ai essayé de faire des appels pour dénoncer cette situation inhumaine quant à l’accueil réservé, mais il n’y avait que les boîtes vocales pour m’accueillir. Aucun humain au bout du fil. Armée de mon clavier et de ce qui me reste d’énergie, j’ai fait ce que je sais le mieux faire, écrire. J’espère ainsi conscientiser la population à la situation des adultes autistes qui, malgré leur majorité, ont encore besoin qu’on leur tienne la main, dans tous les sens du terme.

En ce mois de l’autisme qui tire à sa fin et qui est presque passé inaperçu, pandémie oblige, je vous tends la main à mon tour. Aidez-nous à faire de notre société un environnement rassurant et réconfortant pour toutes celles et tous ceux dont la différence n’est pas nécessairement visible au premier regard. Saint-Exupéry ne disait-il pas qu’« on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ».

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