Une « deuxième douane » à Montréal-Trudeau

La Direction de santé publique de Montréal a installé l’équivalent d’un second poste frontalier pour sensibiliser les voyageurs à l’importance de se placer en quarantaine. Mais cela ne rassure en rien des travailleurs de l’aéroport, qui se sentent oubliés par les autorités.

La directrice de la santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin, était à l’aéroport de Montréal lundi après-midi pour voir les premiers voyageurs franchir ce qu’elle a qualifié de « deuxième douane ».

Dans la zone des arrivées où les visiteurs peuvent retrouver leurs proches, une équipe de la santé publique rencontre depuis lundi tous les voyageurs, sans exception, pour leur expliquer l’importance de s’isoler pour 14 jours. Elle invite également les voyageurs à prendre leur température deux fois par jour et à surveiller leurs symptômes.

« Chaque fois qu’un voyageur ne s’isole pas correctement, c’est une brèche que l’on crée pour que le virus se transmette dans la communauté », a affirmé la Dre Drouin.

« Tous les cas recensés jusqu’à présent sont des voyageurs qui ont été à l’extérieur », a-t-elle ajouté. La Dre Drouin a toutefois reconnu que jusqu’à maintenant, seuls les voyageurs sont testés pour la COVID-19. Il se peut donc qu’il y ait des transmissions communautaires.

La Direction de santé publique de Montréal a fait une demande au gouvernement fédéral afin d’obtenir des thermomètres et des masques pour les distribuer aux voyageurs.

Beaucoup de soulagement

Lundi après-midi, Camille Lavoie était une des premières à franchir cette étape supplémentaire. Une initiative qui a duré moins d’une minute et ne l’a pas importunée. Elle était surtout soulagée d’avoir réussi à revenir d’un voyage de plus d’un mois en Afrique et en Europe.

Les larmes aux yeux, elle a serré fort sa mère, visiblement ravie de retrouver sa fille.

Elle n’est pas la seule à avoir versé une larme en retrouvant un proche après un vol. 

De son côté, Nathalie Bigras a exprimé ses émotions d'une autre façon. La professeure à l’Université du Québec à Montréal a plutôt lâché un cri fort et bien senti lorsqu’elle a franchi ce poste de sensibilisation.

« Ç’a été très compliqué de revenir », a confié cette Montréalaise, accompagnée de cinq étudiants avec qui elle était à Grenoble pour collecter des données pour une recherche. Puisqu’ils n’arrivaient pas à trouver des vols en France, ils ont dû se rendre en Allemagne pour prendre un vol jusqu’à Montréal.

« Et quand nous avons vu que l’Allemagne fermait ses frontières [avec des pays voisins], on a eu peur de rester coincé là. »

— Nathalie Bigras, professeure à l’UQAM de retour d’Europe

Nathalie Fortin, de retour du Mexique depuis samedi, avoue n’avoir saisi l’ampleur de la situation qu’à son arrivée à Montréal. « En vacances, dans le tout-inclus, on n’entendait pas parler de tout ça. »

Lundi après-midi, elle était de nouveau à l’aéroport de Montréal, cette fois-ci pour accueillir sa fille, qui était en échange universitaire à Barcelone depuis février dernier. « L’Université McGill lui a dit de revenir », explique-t-elle.

Des agents du Service de police de la Ville de Montréal et des agents de sécurité de la Ville sont présents à ce poste frontalier temporaire pour prêter main-forte aux autorités de santé publique.

Lors de la conférence de presse tenue pour annoncer cette nouvelle initiative lundi matin, la mairesse Valérie Plante a refusé de dire que les mesures annoncées étaient une critique déguisée de l’inaction du gouvernement fédéral dans ce dossier.

« Je respecte l’approche du gouvernement », a dit Mme Plante. Mais pour elle, il est important « d’informer, de détecter et d’isoler » les voyageurs. La mairesse veut que les voyageurs comprennent l’importance de la quarantaine. « Ce n’est pas optionnel. C’est sérieux », a-t-elle dit.

Des employés inquiets

Des agents de bord et des employés qui travaillent dans les commerces de la zone internationale ont dû passer lundi par cette « douane » temporaire. Parmi eux, il y avait Jane Wilkins, vendeuse à un magasin hors-taxes. « Je suis très stressée par la situation », a-t-elle affirmé.

« Nous sommes en première ligne. Chaque fois qu’un voyageur vient dans notre commerce, j’ai juste envie de prendre un pas de recul. Mais on nous force à les servir », a dit la Montréalaise.

« J’ai le sentiment que les employés ont été oubliés. Nous n’avons pas d’autre choix que d’être ici. »

— Jane Wilkins, vendeuse dans un magasin hors-taxes de l’aéroport de Montréal

Selon la directrice des communications de l’aéroport, Anne-Sophie Hamel, des commerces vont « fermer leurs portes temporairement dans les jours à venir ». D’autres évaluent aussi cette possibilité. Déjà, le service de buffet dans les salons VIP n’est plus offert.

« Nous mettrons évidemment tout en œuvre pour collaborer avec eux », a répondu par courriel Anne-Sophie Hamel.

— Avec Kathleen Lévesque, La Presse

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