L’appel a été entendu
« Après une victoire de même, ça ne peut pas mal aller ! »
Il serait difficile de mieux résumer le match que ne l’a fait Rafaël Harvey-Pinard samedi. D’autant qu’il l’a fait en 11 mots, prononcés avec le sourire de celui qui avait marqué un peu plus tôt le premier but de sa carrière au Centre Bell.
Tout était pourtant en place pour un massacre en règle. Déjà terrassé par les blessures, le CH avait appris en matinée que Cole Caufield ne jouerait plus de la saison. Avec la visite des Maple Leafs de Toronto, le duel était inégal au possible. Sur papier, du moins. Car ce sont les locaux qui ont conclu la soirée en liesse, après une victoire de 3-2 acquise en prolongation. Comme tous les experts l’avaient prédit, c’est Rem Pitlick qui a marqué le but gagnant d’un tir foudroyant.
Cette victoire, au match numéro 1 des 36 que doit disputer le club sans son marqueur étoile, n’était pas parfaite dans son exécution.
Mais elle l’était symboliquement pour une équipe dont les joueurs, n’en déplaise aux passionnés du boulier, doivent sortir vivants de trois mois qui risquent d’être souvent arides – nous sommes polis.
Surtout, cette manière dont les patineurs du CH et leur gardien se sont serré les coudes a directement fait écho à l’appel de leur entraîneur. Remplacer Caufield, en postulant que c’est possible, ne passerait pas par « un seul gars, ou deux, trois ou quatre, mais tout le monde », avait-il prévenu en matinée. Il a été entendu.
Josh Anderson a été promu sur le premier trio un peu par défaut, et il a répondu avec une performance qui explique un peu pourquoi les directeurs généraux de la LNH s’enquièrent de sa disponibilité auprès de Kent Hughes. On l’a vu impliqué physiquement, dominant en protection de rondelle, intense au possible.
Peu porté à parler de lui-même, Anderson a plutôt vanté le haut niveau de compétitivité de toute son équipe, qui a « travaillé d’arrache-pied ». C’était, à ses yeux, « encourageant ». Ce l’est pour tout le monde, en fait.
Négligés
Cette victoire, ç’a aussi été celle des négligés. Dans la formation de samedi, cinq joueurs ont joué avec le Rocket de Laval cette saison : Justin Barron, Rem Pitlick, Rafaël Harvey-Pinard, Alex Belzile, Jesse Ylönen. Si ce n’était de son contrat à sens unique de la LNH, on peut parier que Michael Pezzetta aurait fait partie du groupe. Au risque d’insister, il était difficile d’imaginer que la Flanelle tiendrait son bout contre ses vieux rivaux.
Or, tous les joueurs énumérés au paragraphe précédent ont bien paru. Barron se dégêne offensivement, Pitlick n’a pas paru largué sur un premier trio. Ylönen s’est moins démarqué, mais il a exploité son tir en avantage numérique.
Ceux qui ont surtout retenu l’attention, ce sont toutefois Harvey-Pinard, Belzile et Pezzetta, réunis pendant une bonne partie du match.
Le premier, outre son but, a tout pour plaire à son entraîneur. « Il a des habitudes de la LNH », a dit Martin St-Louis au sujet de la manière dont il « se comporte sur la glace », le décrivant comme « un gars à qui tu peux faire confiance des deux côtés de la patinoire ».
Après cinq ans à graviter dans l’organisation, Alex Belzile se passe désormais de présentation dans le vestiaire du Tricolore. Ses coéquipiers et ses entraîneurs savent à quoi s’attendre de cet attaquant essentiellement associé à la Ligue américaine. Or, allons dans nos notes vérifier combien de tentatives de tirs avait obtenues le trio d’Auston Matthews après deux périodes lorsque le Québécois était sur la glace : zéro. Au deuxième tiers, l’unité de soutien du CH a complètement menotté celle du numéro 34 des Leafs.
C’est d’autant plus impressionnant que Belzile avait joué la veille en soirée à Laval et qu’il n’avait été avisé de son rappel que samedi matin. Contrer un joueur talentueux comme Matthews, « ça se fait tout le monde ensemble », a-t-il analysé après la rencontre.
« Il faut lui enlever du temps et de l’espace, ne pas le lâcher une fraction de seconde. Toutes les fois qu’il avait la rondelle, on lui a appliqué de la pression rapidement. Et ç’a marché. »
Matthews et sa bande ont repris vie en troisième période, mais ils se sont butés à un Samuel Montembeault en grande forme.
Mine de rien, ce dernier vient de signer sa quatrième victoire en six matchs. Bon joueur, il a dit de ses coéquipiers qu’ils avaient « sorti leurs bottes de travail » à compter de la deuxième période. Il aurait pu s’inclure dans le lot.
« Je regarde à travers ma formation, et je ne trouve pas un gars qui n’a pas donné tout ce qu’il avait, a justement salué Martin St-Louis. On n’était pas parfaits, mais quand on commettait des erreurs, il y avait un gars qui couvrait. Et Sam a connu un excellent match, il couvrait tout le temps la dernière erreur. Ça prend ça pour gagner. »
Ce qui est si simple en apparence risque d’être pas mal plus compliqué certains soirs au cours des prochaines semaines. Dès mardi, par exemple, contre les Bruins de Boston. Ça ira parfois bien, parfois moins bien. Il n’empêche qu’après un match comme celui de samedi, Rafaël Harvey-Pinard a bien raison : ça ne peut pas mal aller.