Déjudiciarisation et abolition des peines minimales, mais pas de décriminalisation
Ottawa — Le gouvernement fédéral veut réformer le système de justice pénale pour les infractions de possession simple de drogues en abrogeant les peines minimales et en déjudiciarisant le processus. Il refuse toutefois d’aller jusqu’à la décriminalisation pure et simple.
L’objectif global poursuivi par la mesure législative C-22, déposée jeudi par le ministre de la Justice, David Lametti, est de lutter contre le racisme systémique dans le système de justice pénale. Au moment d’en parler, en conférence de presse, il l’a également présentée comme une façon de tourner la page sur des politiques conservatrices en matière de lutte contre le crime et les drogues « qui n’ont pas fonctionné pantoute ».
Le gouvernement propose de modifier le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour éliminer les peines minimales obligatoires, permettre un recours accru aux ordonnances de sursis et de prévoir des mesures de déjudiciarisation pour les infractions de possession simple de drogues. Toutes les peines minimales liées à des infractions en matière de drogues passeraient à la trappe.
Le texte de loi évoque les principes derrière l’objectif de déjudiciarisation, rappelant notamment que « l’infliction de sanctions pénales pour la possession de drogues à des fins de consommation personnelle peut accroître la stigmatisation liée à la consommation de drogues et est incompatible avec les données probantes établies en matière de santé publique ».
Les corps policiers devront tenir compte des principes édictés. Ils devront déterminer s’il est préférable, plutôt que de faire une dénonciation contre une personne, de « ne prendre aucune mesure », de « donner un avertissement » ou bien d’envoyer la personne qu’ils ont devant eux vers un programme ou un organisme susceptible de l’aider.
Quant aux juges, ils jouiraient d’une plus grande latitude pour imposer des peines plus élevées ou moins élevées par rapport à celles qui seraient invalidées.
En conférence de presse, le ministre David Lametti a soutenu que la réforme était attendue de longue date – de fait, les libéraux avaient promis une réforme de fond en comble des peines minimales obligatoires en 2015 –, et il a fait valoir que les « démocraties de partout au monde », et même « les conservateurs les plus conservateurs des États-Unis », se sont rendu compte que la répression n’était pas une stratégie efficace dans la guerre contre la drogue.
Santé publique plutôt que répression
Les modifications suggérées dans le projet de loi C-22 ne sont pas étrangères au fait que la crise des opioïdes continue de faire des ravages au pays. Les maires de plusieurs villes, dont Kennedy Stewart, de Vancouver, où la situation est particulièrement grave, avaient fait pression sur le gouvernement Trudeau pour lui enjoindre de développer des politiques sous l’angle de la santé publique plutôt que de la répression.
Mais la demande de Vancouver, tout comme celle de nombreux groupes, dont l’Association canadienne des chefs de police, allait plus loin. C’est la décriminalisation de la possession simple de toutes les drogues illicites que l’on réclamait. Une option que les conservateurs avaient accusé les libéraux de caresser en secret lors de la dernière campagne électorale.
« Ce sont des conversations qui continuent », a dit David Lametti lorsqu’on lui a demandé d’expliquer pourquoi le gouvernement Trudeau n’avait pas voulu emprunter cette voie. Dans l’opposition, seul le Parti conservateur a accueilli plutôt défavorablement la mesure législative. Les bloquistes et les néo-démocrates, eux, voient C-22 d’un bon œil, tout en le considérant comme perfectible.