Les corticostéroïdes sauvent des vies
D’abord, il s’agit de la première recommandation officielle de l’OMS pour le traitement de la COVID-19. Pour la forme grave de la maladie, cette recommandation est forte.
Notre rôle était d’analyser les données, et disons qu’il est rare que nous soyons autant convaincus par des données scientifiques. Les stéroïdes réduisent considérablement le taux de mortalité ainsi que le recours aux respirateurs artificiels.
On mesure souvent la force d’un effet par le nombre de patients qu’on doit traiter pour sauver une vie. Dans le cas des stéroïdes, ça varie selon la sévérité de la maladie, mais si on soigne entre 10 et 20 patients, on sauve une vie. C’est très fort comme effet. Quand on fait une recommandation forte de donner un médicament, ça devient la norme, le traitement standard. On peut supposer que les patients malades dans les hôpitaux sont maintenant traités avec des stéroïdes.
Pour les patients qui ont une forme moins sévère, on recommande en effet de ne pas donner de stéroïdes, mais cette recommandation est faible. Il n’y a pas de preuve que ce soit très délétère, mais pas de preuve solide de bénéfices non plus. On part du principe qu’il faut avoir une bonne raison pour donner un traitement.
Il s’agit d’une classe qui comprend plusieurs médicaments différents. La cortisone est l’un d’eux. Ce sont des médicaments anti-inflammatoires très bien connus et utilisés depuis longtemps pour traiter différentes maladies comme l’asthme, les maladies pulmonaires chroniques ou les maladies auto-immunes.
Le remdésivir est un antiviral et non un anti-inflammatoire et n’agit donc pas de la même façon que les corticostéroïdes. Cela va peut-être changer parce qu’il risque d’y avoir d’autres publications, mais pour l’instant, les données sur le remdésivir sont nettement moins convaincantes que celles sur les corticostéroïdes. Dans le cas du remdésivir, on ne parle pas tant de vies sauvées que d’une réduction de la durée des hospitalisations. On a aussi moins d’expérience avec le remdésivir et le profil des effets secondaires est donc moins bien connu.
Comme les deux médicaments n’agissent pas de la même façon, il est possible qu’on puisse donner les deux en même temps, mais on ignore pour le moment si leurs effets s’annulent ou s’additionnent.
C’est vrai qu’il existe des effets secondaires et c’est justement la raison pour laquelle il faut des études. Sans surprise, les effets secondaires des corticostéroïdes dépendent de la dose et de la durée du traitement. Or, pour les cas graves de COVID, on a testé des doses relativement faibles et pour de courtes périodes – typiquement de 7 à 10 jours. Il faut aussi dire que le profil des effets secondaires de ces médicaments est très bien connu, ce qui a rassuré notre comité. Et même s’il y avait des effets X, Y ou Z, si la finalité est qu’on sauve une vie, on reste gagnant.
Ce que j’ai présidé est un groupe d’experts chargé de faire des recommandations à l’OMS. Nous avions entre les mains une méta-analyse regroupant huit essais cliniques totalisant 7184 patients et portant sur les corticostéroïdes. Notre rôle était de prendre les données statistiques de la méta-analyse, de les interpréter, de les mettre dans la machine à saucisses et de les transformer en recommandations assez claires pour être utilisées par les cliniciens.
Quant à moi, ça fait assez longtemps que je collabore avec l’OMS. J’ai travaillé comme médecin pendant les épidémies d’Ebola et je suis resté impliqué comme consultant expert pour l’OMS. Disons qu’ils connaissaient mon travail et que mon nom était dans leur carnet d’adresses !
Les propos ont été édités pour en faciliter la lecture.