COVID-19

La planète en état d'alerte

Québec se prépare au « pire scénario » dans sa lutte contre la vague de coronavirus, que l’Organisation mondiale de la santé a qualifiée hier de pandémie. Aux États-Unis, le président Donald Trump a suspendu tous les voyages de l'Europe vers les États-Unis pour 30 jours. Faut-il fermer la frontière canado-américaine ?

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Les neuf cas au Québec

1. Le cas le plus récent concerne une personne revenue d’Italie et qui est en quarantaine à la maison. Elle est prise en charge en Estrie.

2. Un homme rentré de voyage est actuellement pris en charge en Mauricie.

3. La personne rentrée d’Iran le 27 février demeure en isolement à la maison, à Verdun.

4. Le Québécois qui est revenu de l’Inde est allé à l’Hôpital général juif. Il n’est pas clair qu’il y soit encore hospitalisé.

5. Un autre voyageur revenu de France est encore en isolement en Montérégie, à la maison.

6. Le croisiériste atteint est aussi à la maison, en isolement, en Montérégie.

7. Un Québécois revenu de l’Europe du Nord-Ouest est en isolement, à Montréal.

8. La personne rentrée des Caraïbes et de Miami est hospitalisée à l’Hôpital général juif.

9. L’individu revenu de République dominicaine est en isolement à la maison.

Notons que plus de 460 analyses effectuées se sont révélées négatives.

— Louise Leduc, La Presse

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Québec se prépare au « pire scénario »

Québec — Fermetures d’écoles, d’universités ou annulation de concerts et de grands événements : Québec se prépare à affronter « le pire scénario » pour combattre la vague de COVID-19, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifiée mercredi de pandémie. Un neuvième cas a été confirmé par les autorités de santé publique québécoises, qui ont aussi ordonné l’annulation des Mondiaux de patinage artistique.

C’est un changement de ton marqué du gouvernement Legault au lendemain du dépôt du budget dans lequel la crise du coronavirus a été très peu citée. Mercredi, la COVID-19 était sur toutes les lèvres à l’Assemblée nationale, après que l’Organisation mondiale de la santé eut évoqué la « première pandémie déclenchée par un coronavirus ».

Au cours des deux dernières semaines, le nombre de cas en dehors de la Chine a été multiplié par 13 et le nombre de pays touchés a triplé, selon l’OMS.

« Nous sommes profondément préoccupés tant par les niveaux alarmants de propagation et de gravité que par les niveaux alarmants d’inaction [dans le monde]. »

— Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, en conférence de presse à Genève

« On a ce qu’il faut », a pour sa part assuré mercredi la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, qui était accompagnée du directeur national de la santé publique, Horacio Arruda, pour s’adresser aux médias en fin de journée.

Le système de santé québécois « est prêt » à faire face à différents scénarios allant de « modéré » à « élevé », a-t-elle ajouté, comme celui qui se déroule en Italie. Les Québécois doivent-ils se préparer à l’application de mesures préventives aussi draconiennes qu’en Europe ? « Je pense que oui », a tranché M. Arruda.

« Si on a 100 cas qui proviennent de l’extérieur ou 100 cas qui proviennent d’une même ville, c’est complètement différent. On pourrait alors isoler une zone comme une ville, par exemple, a-t-il supposé. On pourrait fermer les écoles si les écoles sont des lieux de transmission. Ça se peut […]. Tout cela est analysé de jour en jour. »

Reste que les autorités rappellent que la priorité pour l’heure est de ralentir la propagation du SARS-CoV-2 et que le meilleur moyen pour arriver à freiner un nouveau virus, sans traitement ni vaccin disponible, est d’appliquer « les mesures classiques » d’hygiène et de protéger les personnes vulnérables.

« S’il faut ouvrir des ailes d’hôpitaux, on va le faire. S’il faut transformer des unités en soins intensifs alors qu’ils ne le sont pas, on va le faire. Mais là, ce qui est important, c’est d’essayer d’étaler, de retarder le plus possible l’arrivée du virus chez nous », a affirmé le directeur de la santé publique.

Dès ce jeudi, le premier ministre tiendra un point de presse quotidien pour faire lui-même état de la situation au Québec.

NEUF CAS AU QUÉBEC

Au moment de publier, le Québec comptait neuf cas de COVID-19. Le plus récent, confirmé mercredi en début de soirée, est celui d’une personne qui est récemment revenue d’Italie et qui est prise en charge en Estrie.

Quelque 90 personnes devraient sous peu avoir le résultat de leur test, ce qui pourrait faire grimper le nombre de personnes infectées.

Comme l’indique Marie-Claude Lacasse, porte-parole au ministère de la Santé et des Services sociaux, les tests ne se font plus à Winnipeg et ils arrivent beaucoup plus rapidement, souvent en 24 heures.

De même, alors qu’on n’effectuait des tests que sur des personnes présentant un tableau clinique très précis jusqu’ici, on en fait maintenant sur tout Québécois qui revient de voyage et qui présente des symptômes.

RESSERREMENT DES VOYAGES

Québec a émis une directive selon laquelle tous les voyages professionnels à l’étranger n’étaient plus autorisés pour l’ensemble des employés de la fonction publique, dont les travailleurs de la santé. Un rappel leur a aussi été fait au sujet de leur périple personnel afin qu’ils suivent les recommandations de Santé Canada.

Les écoles devraient aussi éviter les voyages éducatifs dans les pays où la COVID-19 frappe durement. Par ailleurs, les élèves qui reviennent de pays à risque sont invités à observer une « quinzaine volontaire » en restant à la maison deux semaines après leur retour au Canada, a fait savoir Québec.

« On demande aux parents de surveiller l’état de santé de leurs enfants […] et même s’ils sont en bonne santé, on demande de les garder à la maison pour deux semaines, parce qu’on pourrait être porteur du virus sans avoir les symptômes tout de suite », a dit mercredi le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge.

Tous les voyageurs doivent faire preuve de vigilance, peu importe d’où ils reviennent, estiment maintenant les autorités québécoises, qui recommandent de surveiller l’apparition de symptômes d’allure grippale 14 jours après leur arrivée. Ils devraient aussi éviter de visiter des personnes âgées pendant la même durée.

Pour les voyages à venir, la ministre McCann a été claire : « Les conditions pouvant changer entre le moment du départ et le retour, les voyageurs doivent être prêts à en assumer les risques. Par conséquent, la décision de voyager est tributaire du seuil de tolérance aux risques sanitaires et financiers considérés acceptables par eux. »

ANNULATION D’ÉVÉNEMENTS

La Santé publique a pris la décision d’annuler la présentation du Championnat du monde de patinage artistique qui devait débuter lundi à Montréal. « Plusieurs critères » ont motivé le choix des autorités, a précisé Mme McCann, notamment la provenance des participants et le potentiel de transmission élevé.

Dorénavant, la Santé publique évaluera « au cas par cas » la tenue d’événements internationaux sur le sol québécois.

« On ne veut pas qu’un événement international introduise de façon importante le virus, augmente le potentiel, puis qu’on se retrouve dans une situation qu’on ne peut pas prévoir. »

— Horacio Arruda, directeur national de la santé publique

Il n’est toutefois pas prévu d’annuler la Coupe du monde de ski de fond qui aura lieu à Québec ce week-end. Au gouvernement, on explique que la compétition se déroule en plein air, de surcroît sur un grand périmètre, les plaines d’Abraham. Gestev, qui organise l’événement, considère que son « bulletin de facteurs de risque est relativement bas ».

Pour l’heure, les rassemblements « locaux » sont toujours permis, mais on encourage les organisateurs à renforcer les mesures d’hygiène.

— Avec Hugo Pilon-Larose, Tommy Chouinard et Raphaël Pirro, La Presse, et l’Agence France-Presse

Aucune directive pour les résidences

Les résidences pour personnes âgées n’ont reçu aucune directive à ce jour des autorités sanitaires concernant la mise en place de mesures préventives pour contrer la COVID-19. Et ce, même si le premier ministre François Legault dit faire de la protection des aînés une priorité. Le président du Regroupement québécois des résidences pour aînés, Yves Desjardins, affirme que plusieurs membres l’ont joint pour l’informer que les Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) leur promettaient des directives, mais qu’ils les attendaient toujours. « Alors on a décidé de prendre les devants », a-t-il affirmé. Le Regroupement a envoyé un document d’information aux résidences pour les inciter à instaurer des mesures spéciales concernant l’accueil de visiteurs. 

— Tommy Chouinard, La Presse

Québec fait de la « vigilance économique »

Le gouvernement Legault a mis en place mercredi une « équipe de vigilance économique » pour soutenir l’économie du Québec qui pourrait souffrir de la propagation de la COVID-19. Ce comité interministériel est présidé par le ministre des Finances, Eric Girard, qui est appuyé de huit collègues, dont Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie. Ce dernier a affirmé mercredi que des dirigeants d’entreprise pouvaient reporter des projets d’investissement en raison de la pandémie qui frappe le monde, ce qui ne serait pas sans conséquence pour le Québec. Le gouvernement a toutefois les moyens de soutenir l’économie, a-t-il précisé. 

— Hugo Pilon-Larose, La Presse

Quelques conseils en bref

Les voyageurs qui reviennent au Canada en provenance « de tous pays confondus » doivent surveiller les symptômes liés à la COVID-19 et éviter d’avoir des contacts avec des personnes vulnérables dans les 14 jours qui suivent.

Les personnes qui rentrent de destinations où il est recommandé de se placer en isolement temporaire doivent éviter de participer à de grands rassemblements pendant 14 jours.

Si vous êtes atteint d’une maladie chronique pulmonaire, il est recommandé d’éviter les grands rassemblements à l’heure actuelle.

En présence de symptômes tels que la fièvre, la toux et des difficultés respiratoires, les voyageurs doivent communiquer avec le 811.

Pour toute question relative à la COVID-19, composez le 1 877 644-4545.

COVID-19

Ottawa débloque un fonds d'aide de 1 milliard

Ottawa — L’économie canadienne risque de pâtir de la pandémie de la COVID-19. Pour éviter le pire, le gouvernement fédéral a débloqué mercredi un milliard de dollars, la ministre de la Santé évaluant qu’entre 30 et 70 % des Canadiens pourraient attraper le virus.

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé une série de mesures destinées aux travailleurs et aux entreprises. La part du lion va cependant aux provinces : la moitié de la cagnotte leur sera versée.

Les 500 millions de dollars, qui seront distribués en fonction du poids démographique des provinces, doivent aider celles-ci à assumer les coûts liés à l’achat d’équipement médical comme des masques de protection.

« À tous les premiers ministres et à tous les Canadiens, notre gouvernement est là pour vous. Nous allons faire en sorte que vous ayez tout ce dont vous avez besoin. »

— Justin Trudeau, en conférence de presse à Ottawa

L’enveloppe comprend également 275 millions de dollars pour financer des activités de recherche, incluant le développement de vaccins, et près de 200 millions pour d’autres mesures de santé publique de compétence fédérale, dont les services aux Autochtones.

Et parce que la crise est mondiale, et que « les pays dont les systèmes de santé sont plus fragiles sont plus à risque de voir le virus se propager », Ottawa allonge aussi 50 millions « pour aider les pays qui sont particulièrement vulnérables », a indiqué Justin Trudeau.

Sa ministre de la Santé, Patty Hajdu, a plus tard évoqué que « selon les données scientifiques qui ne sont toujours pas validées », environ 30 à 70 % de la population canadienne pourrait être infectée par la COVID-19, à l’image des projections pour les autres pays.

« Il est toutefois important de se rappeler que pour la majorité des gens, cela s’apparentera à un rhume ou à une grippe. Ce qui nous préoccupe surtout, c’est [...] les personnes vulnérables comme les personnes âgées ou celles qui ont des problèmes respiratoires », a-t-elle dit.

PLUS DE DÉLAI POUR L’ASSURANCE-EMPLOI

Le premier ministre a par ailleurs annoncé qu’Ottawa éliminait le délai d’attente d’une semaine avant l’obtention de prestations d’assurance-emploi pour les travailleurs qui ne peuvent se présenter au travail à cause de la pandémie de COVID-19.

« Permettez-moi d’être clair : personne ne devrait s’inquiéter pour son emploi s’il doit être en quarantaine, et aucun employeur ne devrait envisager de mettre à pied un employé en raison du virus. Nous pouvons vous soutenir, et c’est ce que nous ferons », a-t-il dit.

Pour être admissible à cette mesure, dont le coût est évalué à 5 millions de dollars, il faut soit être infecté par le nouveau coronavirus, soit avoir obtenu d’un professionnel de la santé un avis de mise en quarantaine, a ensuite précisé sa ministre Carla Qualtrough.

La définition du terme « quarantaine » se veut toutefois « large », et l’ordonnance peut émaner « d’un agent responsable de la sécurité publique, d’un employeur, du personnel infirmier ou autre personne en situation d’autorité », a-t-on détaillé à son cabinet.

Mais ces critères d’admissibilité pourraient évoluer, a signalé la ministre responsable de l’assurance-emploi : « Nous tentons de voir s’il y a moyen de procéder plus efficacement de façon à ne pas surcharger les ressources médicales », a soutenu Mme Qualtrough.

Le programme entrait en vigueur dès mercredi.

D’autres mesures pourraient s’ajouter dans le budget du 30 mars, a affirmé le premier ministre, qui était flanqué de ses ministres Bill Morneau (Finances), Patty Hajdu (Santé), Jean-Yves Duclos (Conseil du Trésor) et de sa vice-première ministre Chrystia Freeland.

QUID DES BATEAUX DE CROISIÈRE ET DES AVIONS ?

La saison touristique se profilant à l’horizon, on commence à se demander si les bateaux de croisière pourront accoster dans les divers ports du Canada. Pour l’heure, Ottawa n’a pas encore fait son lit.

Plusieurs variables entrent en ligne de compte. « Nous devons avoir une réflexion sur […] les communautés qui pourraient être affectées par ces bateaux de croisière en visite », a noté Justin Trudeau, évoquant une décision « dans les jours à venir ».

Lundi, l’Agence de la santé publique du Canada a conseillé aux Canadiens d’éviter les voyages à bord de ces paquebots, où le contact étroit avec des passagers provenant d’une multitude de pays est propice à la propagation de la COVID-19.

Le gouvernement n’en est pas à interdire les vols en provenance des pays où le nouveau coronavirus a frappé plus durement, comme la Chine, l’Iran et l’Italie, mais « ne ferme la porte à aucune éventualité », a déclaré le premier ministre.

En revanche, il a fait valoir qu’« on n’a pas choisi de fermer les frontières à la Chine dans les débuts et je pense qu’on a pu voir qu’on a pu restreindre la propagation du virus au Canada depuis plusieurs semaines ».

Les transporteurs aériens sont, sans surprise, frappés de plein fouet par la crise. Et selon les informations de La Presse, certaines ont déjà espoir qu’Ottawa trouve un levier pour voler à leur secours.

DES HABITUDES À CHANGER

Alors que cette semaine, les libéraux Anthony Housefather et Seamus O’Regan ont dû s’isoler, et que Justin Trudeau lui-même a récemment participé à un événement où se trouvait une personne infectée à la COVID-19, son entourage a dû s’ajuster.

Le premier ministre n’a pas subi de test de dépistage, mais il suit les recommandations des autorités. Et s’il vaque généralement à ses habitudes, son horaire de travail pour la semaine a été modifié de façon à éviter de prendre des risques inutiles.

La Chambre des communes dispose quant à elle d’un « plan d’intervention en cas de pandémie » pour les députés, nombreux à passer leur temps dans les avions et les trains à faire des allers-retours entre Ottawa et leur circonscription.

Ce plan vise à assurer la continuité du Parlement et vise à ce que les députés « puissent exercer leurs fonctions constitutionnelles », a indiqué dans une lettre envoyée mercredi aux élus par le président de la Chambre, Anthony Rota, qu’a pu consulter La Presse.

L'opposition peu impressionnée

Le plan concocté par les libéraux a reçu un accueil mitigé. Les conservateurs continuent de réclamer un contrôle plus serré à la frontière. « On a moins de cas que dans d’autres pays, mais on voit des gens qui arrivent de pays comme l’Inde, la Chine, l’Italie, et qui rapportent qu’ils sont passés à l’aéroport et que personne ne les a interpellés », a argué Alain Rayes. Le Bloc québécois se demande aussi si le personnel des services frontaliers dispose de suffisamment de ressources pour faire son travail. Sinon, le chef bloquiste a suggéré au gouvernement de tenir des conférences de presse quotidiennes pour faire le point sur la situation, histoire de fournir davantage de « prévisibilité ». Quant au chef du NPD, Jagmeet Singh, il est resté sur sa faim. Puisque 60 % des Canadiens n’ont pas accès à l’assurance-emploi, le gouvernement devrait leur verser directement un chèque. Et ce, sans que les citoyens aient à présenter un billet du médecin : « Je fais confiance aux gens », a plaidé M. Singh en point de presse.

— Mélanie Marquis, La Presse

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« J’ai décidé de prendre des moyens forts, mais nécessaires »

Donald Trump interdit l'entrée aux voyageurs provenant d’Europe pour 30 jours

Le président américain Donald Trump a annoncé mercredi la suspension pour 30 jours de tous les voyages depuis l’Europe vers les États-Unis afin d’endiguer l’épidémie de COVID-19 qui a de nouveau affolé les marchés financiers.

« J’ai décidé de prendre des moyens forts, mais nécessaires pour protéger la santé et le bien-être de tous les Américains », a annoncé M. Trump lors d’une allocution solennelle depuis le bureau Ovale de la Maison-Blanche.

« Pour empêcher de nouveaux cas de pénétrer dans notre pays, je vais suspendre tous les voyages en provenance d’Europe vers les États-Unis pour les 30 prochains jours », a-t-il ajouté, déplorant que l’Union européenne n’ait pas pris « les mêmes précautions » que les États-Unis face à la propagation du virus.

Cette mesure, qui entrera en vigueur vendredi à minuit, ne concernera pas le Royaume-Uni, a précisé le milliardaire républicain.

Au cours de son allocution de 10 minutes, le président de la première puissance mondiale a qualifié le nouveau coronavirus de « virus étranger ».

Il y a quelques jours, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait provoqué une polémique, et l’ire de Pékin, en parlant de « virus de Wuhan ».

Le 45e président des États-Unis a achevé son discours en martelant sa conviction que l’avenir des États-Unis restait « plus radieux que personne ne peut l’imaginer ».

Le président américain est accusé par nombre d’élus démocrates de vouloir minimiser à tout prix l’ampleur de la crise sanitaire à venir et d’envoyer des messages confus, parfois en contradiction avec ceux des autorités sanitaires.

« Cela va disparaître, restez calmes, avait-il encore déclaré mardi. Tout se déroule bien. Beaucoup de bonnes choses vont avoir lieu. »

« La vraie menace pour nous, c’est l’Europe »

M. Trump a par ailleurs appelé le Congrès américain à adopter rapidement une réduction des impôts sur les salaires pour aider les ménages américains à surmonter l’impact économique de l’épidémie de COVID-19.

Cette proposition faite par son administration en début de semaine n’a pas eu un écho très favorable auprès des élus, y compris de son propre parti.

Le président a aussi annoncé le report de la date butoir de paiement des impôts pour certains individus et entreprises, qui devrait permettre, selon lui, de réinjecter 200 milliards de dollars de liquidités supplémentaires dans l’économie.

Wall Street a connu une nouvelle séance noire mercredi : le Dow Jones Industrial Average s’est effondré de 5,87 %, à 23 550,74 points, et le NASDAQ a perdu 4,70 %, à 7952,05 points.

Quelques heures avant l’allocution présidentielle, le directeur des Centres de détection et de prévention des maladies (CDC) Robert Redfield avait estimé que le principal risque de propagation de l’épidémie pour les États-Unis venait d’Europe.

« La vraie menace pour nous, c’est désormais l’Europe, avait-il affirmé. C’est de là qu’arrivent les cas. »

« Pour dire les choses clairement, l’Europe est la nouvelle Chine. »

— Robert Redfield, directeur des Centres de détection et de prévention des maladies

Début février, Washington avait provisoirement interdit l’entrée aux États-Unis des non-Américains s’étant récemment rendus en Chine. Le président Trump a longtemps invoqué cette décision draconienne pour assurer que la propagation de l’épidémie était maîtrisée sur le territoire américain.

Le département d’État a aussi recommandé aux ressortissants américains d’éviter les voyages non indispensables en Italie, un avertissement aux voyageurs susceptible d’être au moins partiellement étendu au reste de l’Europe.

Les États-Unis ont dépassé mercredi la barre des 1200 cas de COVID-19, et 38 personnes en sont mortes, selon les statistiques de l’université Johns Hopkins.

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Faut-il fermer la frontière avec les États-Unis ?

Alors que le nombre de cas de COVID-19 connaît une hausse rapide aux États-Unis et que des ratés obligent des États à prendre des mesures musclées pour contenir le virus, serait-il opportun de fermer la frontière avec le Canada ? Une experte croit que « le risque surpasse les bénéfices », du moins pour le moment. 

« Personnellement, je n’irais pas dans les régions où il y a une plus grande concentration d’infections, comme Los Angeles et l’État de Washington, mais je ne suis pas d’avis qu’il faille fermer la frontière. L’impact sur le commerce serait important et le fait d’empêcher l’importation de fruits, de légumes et de médicaments représente un risque qui serait plus grand que les bénéfices », affirme la virologiste et éthicienne Carolina Alfieri, de la faculté de médecine de l’Université de Montréal. 

Cette spécialiste du contrôle des infections venait tout juste de participer à une réunion de préparation aux pandémies de l’Agence de santé publique du Canada lorsqu’elle a rappelé La Presse. Cette organisation fédérale, composée de différents experts de partout au pays, fait des recommandations en matière de santé publique qui aident les décideurs à prendre position. « Nous n’avons pas encore abordé le sujet de la fermeture de la frontière avec les États-Unis, mais peut-être faudra-t-il le faire lors d’une prochaine réunion », a indiqué la Dre Alfieri. 

Selon elle, la fermeture d’une frontière peut s’avérer très efficace pour limiter la propagation d’un virus, comme cela a été le cas lorsque les États-Unis ont bloqué l’entrée aux étrangers qui ont séjourné en Chine ou en Iran au cours des 14 derniers jours.

« M. Trump a été très vite, en partie parce qu’il est protectionniste. Mais ç’a été une des meilleures décisions. Je lui lève le chapeau. Si nous avons beaucoup moins de cas en Amérique [qu’en Europe et en Asie], je pense que c’est en partie dû à la décision de M. Trump. » 

Fermer la frontière canado-américaine serait cependant loin d’avoir la même efficacité, puisque la concentration d’infections aux États-Unis – 0,34 cas confirmé par 100 000 habitants en date de mercredi – demeure très comparable à celle du Canada (0,27 par 100 000). Par comparaison, l’Italie a une concentration d’infections de 20,58 par 100 000 habitants.

« Si ça grimpe de la même façon que ç’a grimpé en Italie, et qu’on atteint par exemple 10 fois plus de cas aux États-Unis qu’au Canada – et que la mortalité grimpe tout autant –, oui, il y aurait lieu de fermer les frontières », analyse la Dre Alfieri. 

« Je suis très inquiète »

Élisabeth Vallet, directrice scientifique de la chaire Raoul-Dandurand et chercheuse en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis, croit cependant que le gouvernement canadien doit d’ores et déjà réfléchir sérieusement à une éventuelle fermeture de la frontière.

« Je suis très inquiète. Il y a une volonté de la part de la Maison-Blanche de minimiser la situation parce qu’elle n’est pas favorable au président et aux marchés financiers. Il y a un manque de transparence qui fait qu’on ne peut pas se fier aux chiffres officiels concernant le nombre de cas », dit-elle. 

« Le système de soins de santé des États-Unis a aussi une capacité d’absorption limitée par rapport à celle du Canada », ajoute Mme Vallet. 

« Il y a toute une tranche de la population américaine qui n’ira jamais se faire soigner par peur des coûts engendrés par la maladie. »

— Élisabeth Vallet, directrice scientifique de la chaire Raoul-Dandurand et chercheuse en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis

Selon le Conseil canadien des affaires, les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis représentent 718,5 milliards par année. Les Américains exportent tout près de 1 milliard de marchandises chaque jour vers le Canada (363,8 milliards par année), le Canada en envoie à peine moins (354,7 milliards par année).

Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec, souligne que le transport de marchandises entre les deux pays implique, par sa nature, peu d’interactions entre individus, ce qui limite les risques de contagion. « Typiquement, un camionneur qui se rend aux États-Unis va parler avec un douanier, s’arrêter dans une ou deux haltes routières et s’adresser au gardien d’une guérite. On est loin des voyageurs qui se retrouvent à 300 dans un avion avec de l’air recyclé », dit-il. 

Élisabeth Vallet croit cependant que la question de la fermeture de la frontière finira inévitablement par être sur la table. « C’est sûr qu’il y a un risque de provoquer une réaction intempestive de nos voisins si nous fermons la frontière. Ce n’est pas une décision qu’on peut prendre à la légère, mais j’espère que notre gouvernement se pose au moins la question », dit-elle. 

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