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RQAP

Le droit à l’égalité des enfants est parfois oublié

La réforme de la Loi sur le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) visait notamment à mettre fin à une injustice à l’égard des enfants adoptés qui, jusque-là, n’avaient pas droit à la même protection légale que les autres enfants. Elle est le fruit d’un consensus rendu possible grâce à l’approche non partisane des parlementaires, éclairés par des expertises en pédiatrie, en service social et en droit, ainsi que par différentes associations parentales.

Bien que la loi trace maintenant la voie à suivre dans l’attribution des congés parentaux, plusieurs conventions collectives maintiennent, voire réitèrent, un traitement inégal des familles et des enfants, comme le démontre la récente entente de principe conclue entre l’Université de Sherbrooke et le Syndicat des professeures et professeurs (SPPUS).

Arguant agir au nom du droit à l’égalité des pères biologiques dont le congé de cinq semaines était plus court que celui d’un parent adoptant (mère ou père) qui était de 17 semaines, le SPPUS revendiquait que les deux congés soient d’une durée égale. Ce faisant, le syndicat oubliait que les congés d’adoption ont longtemps été la seule contrepartie des congés de maternité et que le RQAP reconnaît désormais un congé réservé exclusivement aux adoptants afin de tenir compte du profil particulier des enfants adoptés. En effet, ces derniers présentent, pour la plupart d’entre eux, des retards de développement, des syndromes posttraumatiques, des défis d’attachement ou divers problèmes de santé physique, dont la malnutrition et des conditions chirurgicales parfois éprouvantes, rendant leur prise en charge particulièrement exigeante et complexe.

Or, selon l’entente de principe intervenue entre l’Université de Sherbrooke et le SPPUS, les parents biologiques auront droit ensemble à 36 semaines pendant lesquelles ils recevront 100 % de leur salaire, alors que les parents adoptifs auront droit à 20 semaines de congé.

On impose donc aux parents adoptants un fardeau financier représentant presque le double de celui des parents biologiques.

De plus, en omettant de considérer que les mères adoptantes sont beaucoup plus nombreuses que les pères adoptants à recevoir des prestations du RQAP, les syndicats qui choisissent cette stratégie, qui consiste essentiellement à déshabiller Jean pour habiller Paul, se trouvent en réalité à mener une lutte genrée dont les femmes font majoritairement les frais.

Au soutien de leurs prétentions, les tenants de cette approche se retranchent derrière quelques décisions judiciaires dont le fondement légal repose sur l’affirmation selon laquelle il n’y aurait pas de différence significative entre la prise en charge d’un enfant, qu’il soit biologique ou adopté. Or, la littérature scientifique met en pièces le bien-fondé de cette affirmation. Il n’est donc plus possible, selon nous, d’établir une différence de traitement entre les familles et les enfants sur le seul fondement de ces décisions. L’étude de celles-ci montre d’ailleurs que les syndicats utilisent parfois le congé d’adoption comme un levier pour réclamer l’allongement des congés de paternité, en contrepartie d’une diminution des droits des adoptants. Le congé de paternité consenti par l’Université de Sherbrooke est désormais le double de celui prévu par le RQAP. Or, ce gain est fait au détriment des enfants adoptés qui, étant plus vulnérables, sont particulièrement affectés par la diminution de la durée des congés d’adoption. C’est précisément pour mettre fin à cette situation discriminatoire que la loi sur le RQAP a été modifiée.

Alors que le nombre d’enfants pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse est en hausse, l’engagement d’adultes prêts à s’investir, comme parents, auprès de ces enfants aux besoins particuliers est plus important que jamais. Alors, lorsque certains sont prêts à relever ce défi, ils devraient pouvoir compter sur le soutien de leur communauté, incluant celui de leur employeur et de leur syndicat.

* Cosignataires : André Lebon, vice-président de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ) ; Danielle Tremblay, commissaire, CSDEPJ ; Alain Roy, professeur de droit à l’Université de Montréal ; Dominique Goubau, professeur associé de droit à l’Université Laval ; Johanne Clouet, professeure de droit à l’Université de Montréal ; Pierre-François Mercure, professeur de droit à l’Université de Sherbrooke ; Anne-Marie Piché, professeure en service social à l’UQAM ; Geneviève Pagé, professeure en service social à l’Université du Québec en Outaouais ; Marie-Andrée Poirier, professeure, École de travail social, Université de Montréal ; Sonia Hélie, chercheure à l’Institut universitaire Jeunes en difficulté, CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal ; Doris Châteauneuf, chercheure au Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles ; Johanne Lemieux, psychothérapeute au Bureau de consultation en adoption de Québec ; Marielle Tardif, présidente de la Fédération des parents adoptants du Québec (FPAQ) ; Marie Simard, coordonnatrice, Comité de concertation adoption du Québec (COCON adoption) ; Mira Tremblay-Laprise, présidente, Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ) ; Francine Goyette, présidente, Confédération des organismes familiaux du Québec (COFAQ)

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