Sur la route des vacances 4 de 8

Un cube qui a tout changé

L’immeuble qui apparaît sur la gauche de l’autoroute de l’Acier, en direction de Sorel et du Chenal-du-Moine, n’a pas de prétention esthétique, c’est assez évident. Ce gros cube brun anonyme qui n’a l’air de rien fourmille toutefois d’activités stratégiques et parfois même ultrasecrètes.

Le laboratoire haute tension est une des composantes de l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ), à Varennes. C’est sur cette parcelle de terrain d’une superficie de 2,5 km2 que se concentrent les efforts de la société d’État pour préparer la transition énergétique et l’avenir de son réseau.

Tout ce qui concerne le réseau de transport d’électricité d’Hydro-Québec, le plus long en Amérique du Nord avec ses 34 000 km de lignes, a déjà fait ou fait l’objet de tests et d’expérimentations dans le laboratoire haute tension.

L’esthétisme n’a pas guidé les concepteurs du laboratoire, mais son revêtement d’acier Corten est un matériau souvent utilisé par les architectes et les sculpteurs pour son apparence, sa facilité d’entretien et sa résistance aux intempéries.

À l’intérieur du gros cube, d’une hauteur équivalant à 17 étages, des transformateurs et d’autres équipements gigantesques qui servent au transport de l’énergie sont testés et souvent torturés. Ils encaissent par exemple des tensions allant jusqu’à 2,1 millions de volts pour mettre à l’épreuve leur résistance.

Des tests de ce genre doivent être réalisés dans des conditions très contrôlées, explique le porte-parole d’Hydro-Québec, Jonathan Côté. « Nous devons éviter que les résultats des tests soient influencés par des interférences faites par des ondes électromagnétiques venant de l’extérieur. »

Le laboratoire est construit sur le principe d’une cage de Faraday, une structure qui empêche les ondes d’entrer et de sortir, ce qui le rend complètement isolé. Ceux qui y travaillent, par exemple, ne peuvent utiliser leurs téléphones cellulaires.

Ce sont des installations uniques en Amérique du Nord, qui ne sont pas accessibles au public. Elles sont même strictement interdites d’accès à tout visiteur pendant certaines périodes, quand des équipementiers spécialisés les louent pour tester des technologies ou de nouveaux produits avant de les mettre en marché. C’est le cas cet été, alors que le géant suisse des technologies de l’énergie ABB a investi les lieux pour y mener ses tests.

Un tournant pour le Québec

C’est peu connu, mais le gros cube brun a eu un rôle déterminant dans l’histoire du Québec moderne. La technologie de transport à 735 kV, nouvelle à l’époque de sa fondation, y a été développée et testée. Grâce à l’augmentation de la tension, les lignes peuvent transporter l’électricité plus efficacement sur de longues distances, en limitant les pertes d’énergie en cours de route. C’est ce qui a permis de rentabiliser les investissements requis pour construire des centrales hydroélectriques très éloignées des centres de consommation.

Sans cette technologie, le complexe de la Baie-James, qui fournit aujourd’hui la moitié de l’électricité consommée au Québec, n’aurait probablement jamais vu le jour. Hydro-Québec aurait dû se tourner vers d’autres filières énergétiques pour répondre à la demande croissante d’électricité et ne pourrait probablement pas avoir aujourd’hui la prétention d’être la batterie verte du nord-est du continent…

Bâti en premier sur les terrains du complexe scientifique, le laboratoire haute tension est aujourd’hui entouré de tout ce qui représente l’avenir énergétique du Québec. Il côtoie un mini-réseau de distribution qui permet de tester des applications de domotique, un parc solaire expérimental et Evlo, la nouvelle filiale d’Hydro-Québec qui commercialise des installations de stockage d’énergie. Le Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie, qui travaille sur les matériaux des batteries de l’avenir, est aussi son voisin.

Dans le pavillon principal de l’Institut de recherche, qui a fêté l’an dernier son 50anniversaire, des chercheurs travaillent sur la robotique, les drones, l’intelligence artificielle et la cybersécurité.

Hydro-Québec consacre chaque année une centaine de millions à la recherche-développement, dont une partie provient des revenus générés par les services offerts à l’industrie par le laboratoire haute tension.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.