Opinion

Un avenir collectif pour le site de l’hôpital Royal Victoria

Depuis plus de 20 ans, les forces vives du milieu et les décideurs publics se sont investis dans la réflexion relative à l’avenir de l’hôpital Royal Victoria, cet ensemble remarquable implanté sur le flanc sud du mont Royal. En 2015, ses fonctions hospitalières déménageaient au site Glen, laissant cet ensemble patrimonial largement désaffecté et sans certitude quant à sa vocation future.

Pour le moment, le seul projet concret sur la table est celui de l’Université McGill qui ne prévoit occuper qu’une partie du site. Le gouvernement du Québec lui a octroyé un financement de 37 millions pour poursuivre l’élaboration d’un ambitieux projet de pôle de recherche, d’enseignement et d’apprentissage de pointe axé sur le développement durable et les politiques publiques – le « Nouveau Vic ».

Le projet de McGill, présenté dans La Presse du 5 décembre dernier, est sans conteste porteur pour le développement des connaissances et le rayonnement de la métropole et du Québec.

Ce projet est une occasion exceptionnelle pour le Québec et pour les décideurs publics de poser des gestes exemplaires. Et ce tant pour la requalification et la mise en valeur à long terme de ce patrimoine exceptionnel et public que pour illustrer les principes enchâssés dans les conventions et accords internationaux sur le climat, le développement durable ou encore le patrimoine.

L’importance du Royal Victoria dans le paysage montréalais

Il va sans dire que l’ensemble du Royal Victoria est un site emblématique important pour Montréal. Inauguré en 1893, l’hôpital a eu pour mission le mieux-être des Montréalais leur permettant de profiter pleinement des bienfaits de la montagne. Élément phare du paysage de la montagne, il se caractérise par sa qualité architecturale et ses jeux de volumes qui mettent en valeur la topographie du Mont-Royal, site patrimonial déclaré par le gouvernement du Québec en 2005. La position de l’ensemble patrimonial dans l’axe de l’avenue McGill College lui confère aussi un rôle stratégique dans le développement de la ville.

La réaffectation du Royal Victoria constitue très certainement la plus importante occasion de requalification que Montréal a connue depuis des décennies.

Cet établissement remarquable mérite un avenir à la hauteur des valeurs sociale, culturelle, naturelle et paysagère qui en font la renommée. C’est aussi l’occasion de contribuer à renforcer la présence bénéfique de la montagne au cœur de la métropole.

Une occasion d’innover, pour le bien de la collectivité

Le gouvernement du Québec a confié à la Société québécoise des infrastructures le mandat de requalifier le territoire dans son ensemble en y intégrant le projet de McGill. La SQI doit élaborer, en collaboration avec l’Université McGill, une vision de développement du site et prépare un plan directeur d’aménagement. L’exercice soulève de nombreux défis.

Quelles seront les caractéristiques à préserver et à mettre en valeur sur le site ? Comment bien orienter la nouvelle vocation des espaces qui resteront inoccupés ? Sur quelle base les nouveaux utilisateurs devraient-ils être choisis ? Tout cela demande une gestion d’ensemble intégrée continue en respect de principes directeurs de requalification clairs et des outils de planification existants, ainsi qu’un garant de leurs applications au bénéfice de tous propriétaires, de l’ensemble de la collectivité et de l’intégrité du lieu sur le long terme.

Un site pour tous et un projet d’ensemble cohérent

Pour y arriver, nous croyons qu’il est essentiel de maintenir l’intégrité de ce site du domaine public et de mettre en place une gouvernance collaborative adaptée à la situation pour assurer la gestion patrimoniale pérenne du site de l’ancien hôpital Royal Victoria.

C’est pourquoi nous demandons au gouvernement du Québec, de concert avec la Ville de Montréal dont la charte inclut ce site dans le périmètre autorisé du parc du Mont-Royal, de confirmer rapidement le maintien de la propriété publique du sol sur l’ensemble du site de l’ancien hôpital Royal Victoria.

Des mécanismes fonciers existent à cet effet et sont déjà appliqués au centre-ville de Montréal, au Québec et ailleurs dans le monde. À titre d’exemple, la Place Ville Marie a obtenu le droit de bâtir au-dessus des voies ferrées du CN au moyen d’une emphytéose, un bail à long terme. La Caisse de dépôt et l’OACI disposent de droits de propriété superficiaire au-dessus de l’autoroute Ville-Marie. Le Monastère des Augustines à Québec a eu recours à une fiducie d’utilité sociale, une innovation du Code civil du Québec. D’autres types de fiducies, telles que la Fiducie du patrimoine ontarien ou le Presidio Trust à San Francisco, offrent également des exemples de réussite de mécanismes fonciers alternatifs.

Ces choix, nous en avons la conviction, constitueront un engagement fort à l’endroit de la population et du Québec, et un premier pas concret vers une requalification du site du Royal Victoria en adéquation avec des principes contemporains de protection et de mise en valeur du site patrimonial du Mont-Royal. Leurs retombées seront bénéfiques à long terme, tant pour l’Université McGill et les autres partenaires qui s’y établiront, que pour la montagne et le rayonnement du Québec et de sa métropole.

* Cosignataires: Sylvain Gariépy, président de l’Ordre des urbanistes du Québec; Emmanuel Rondia, directeur général du Conseil régional de l'environnement de Montréal

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