Israël et le Hamas en guerre

L’ONU réclame la fin du « carnage dans Gaza »

Le raid de l’armée israélienne sur le plus grand hôpital de la ville de Gaza a suscité de fortes critiques dans la communauté internationale. Le « carnage » qui « atteint chaque jour de nouveaux degrés d’horreur » doit cesser, demande l’ONU. Sortant du silence pour la première fois en plus d’un mois de guerre, le Conseil de sécurité a quant à lui appelé à des pauses et des couloirs humanitaires de quelques jours dans le territoire palestinien.

« chaque jour, de nouveaux degrés d’horreur »

Ce qu’il faut savoir

Les critiques à l’international se multiplient à l’égard des attaques militaires israéliennes à Gaza.

L’armée israélienne a dit avoir trouvé des armes et des munitions lors d’une opération dans le plus grand hôpital de Gaza.

Au moins 11 500 Palestiniens ont été tués dans les bombardements israéliens sur la bande de Gaza depuis le début de la guerre, dont 4710 enfants et 3160 femmes, selon le plus récent bilan du Hamas communiqué mercredi.

Deux Canadiens ont pu quitter la bande de Gaza pour l’Égypte mercredi, portant le total à 367 Canadiens évacués jusqu’ici.

La situation humanitaire désespérée dans la bande de Gaza a provoqué une multiplication des critiques à l’international mercredi, alors que l’armée israélienne a affirmé avoir trouvé « des munitions, des armes et des équipements militaires » dans le plus grand hôpital de Gaza.

Martin Griffiths, chef des Affaires humanitaires de l’ONU, a demandé mercredi que « le carnage dans Gaza » cesse, dans ce territoire assiégé et bombardé par Israël en réaction à l’attaque sans précédent menée par le Hamas le 7 octobre.

« Alors que le carnage à Gaza atteint chaque jour de nouveaux degrés d’horreur, le monde continue d’être sous le choc alors que des hôpitaux sont la cible de tirs, que des bébés prématurés meurent et qu’une population entière est privée des moyens essentiels de subsistance », a déclaré le diplomate britannique dans un communiqué.

Cela « ne peut pas continuer », a-t-il affirmé, avant de présenter un plan en dix points visant à faciliter et à soutenir l’aide humanitaire dans la bande de Gaza.

Sortant du silence pour la première fois en plus d’un mois de guerre entre Israël et le Hamas, le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé mercredi à des « pauses et [des| couloirs humanitaires » de quelques jours dans la bande de Gaza.

Ce texte qui a recueilli 12 voix pour et 3 abstentions (États-Unis, Royaume-Uni, Russie) est la première résolution adoptée par le Conseil depuis fin 2016 sur le dossier israélo-palestinien qui divise l’instance onusienne.

L’opération israélienne dans la bande de Gaza « va trop loin et ne peut être acceptée », a quant à lui signalé le chef de la diplomatie norvégienne, Espen Barth Eide, dans un courriel envoyé par ses services à l’AFP.

« [L’opération israélienne] aggrave une situation humanitaire déjà horrible à Gaza. »

— Espen Barth Eide, chef de la diplomatie norvégienne, dans un courriel envoyé à l’AFP

Le président turc, Recep Tayyip Erdoǧan, a qualifié Israël d’« État terroriste », dénonçant le coût en vies humaines des bombardements israéliens de la bande de Gaza lors d’une s’adresse aux membres de son parti au Parlement turc, mercredi.

Raid contre l’hôpital al-Chifa

Parallèlement, l’armée israélienne a annoncé mercredi avoir trouvé des « armes et des munitions » lors d’une opération « ciblée […] contre le Hamas dans un secteur spécifique de l’hôpital al-Chifa », situé à Gaza. Le Hamas a démenti cette accusation.

Lors d’un raid armé dans cet hôpital, des soldats israéliens ont aussi fouillé des femmes et des enfants en pleurs, d’après un journaliste sur place collaborant avec l’AFP. Dans les couloirs de l’hôpital, des soldats ont aussi tiré en l’air en se déplaçant de pièce en pièce.

En fin d’après-midi, le journaliste a vu l’armée israélienne se repositionner autour de l’établissement.

Lundi, le New York Times a publié une analyse citant anonymement huit responsables actuels et passés du renseignement israélien, qui décrivaient en détail les opérations du Hamas dans cet hôpital.

« Les bâtiments de l’hôpital ont été construits par Israël lorsqu’il régnait sur la bande de Gaza, écrit le quotidien. Israël s’est retiré de la bande de Gaza en 2005, ouvrant une fenêtre au Hamas pour en prendre le contrôle. Dès 2007, les militants ont commencé à construire le centre de commandement sous l’hôpital. »

Le Hamas a ajouté des niveaux souterrains et les ont reliés au vaste réseau de tunnels renforcés qu’il construisait à travers la bande de Gaza, ont indiqué les responsables au New York Times, qui affirme que « cela ne prouve pas de manière concluante l’existence d’un complexe tentaculaire sous al-Chifa ».

Le rôle des États-Unis

Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM, signale que les États-Unis continuent, malgré les critiques, à appuyer Israël dans ses opérations à Gaza.

« Le Parti démocrate est encore rangé en majorité derrière le président Biden. Chuck Schumer, le sénateur le plus puissant à Washington, est très pro-Israël, et donne son appui au président », dit-il.

« Cela dit, plus le conflit perdure, plus on voit des atrocités, plus les divisions sur la question de l’appui à Israël vont s’accentuer aux États-Unis. »

— Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM

Depuis un mois, c’est en privé que la Maison-Blanche a fait pression sur Israël afin que la réponse aux attentats terroristes du 7 octobre soit plus limitée et respecte les règles du droit international quant à la sécurité de la population civile.

« Est-ce que ça a fonctionné ? C’est discutable, mais la position des États-Unis est plus nuancée qu’elle l’a été par le passé, alors qu’Israël recevait un appui inconditionnel », dit M. Jacob.

Si elle est relativement isolée à Washington, l’aile gauche du Parti démocrate, qui critique la conduite de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, est complètement en phase avec la réaction de la majorité des pays du globe, dit Rafael Jacob.

« N’oublions pas que la position très pro-Israël est une position très minoritaire dans le monde. Plus la riposte d’Israël va prendre de l’ampleur, plus la crise humanitaire va s’accentuer, plus la position de Biden va devenir difficile à défendre sur le plan international. Israël n’a pas le choix de considérer ce que la Maison-Blanche dit, car sans les États-Unis, l’État d’Israël n’existe plus. »

— Avec l’Agence France-Presse

Deux autres Canadiens quittent la bande de Gaza

Deux Canadiens ont pu quitter la bande de Gaza pour entrer en Égypte mercredi. « Jusqu’à présent, 367 Canadiens, résidents permanents et membres de leur famille admissibles ont traversé en Égypte par le poste frontalier de Rafah, y compris deux personnes aujourd’hui [mercredi] », a signalé Affaires mondiales Canada. Affaires mondiales a noté que l’ambassade du Canada au Caire « leur fournit actuellement une assistance consulaire, de la nourriture, l’hébergement et des produits de première nécessité pendant qu’ils organisent leurs plans de voyage ».

Washington

Violente manifestation propalestinienne devant le siège du parti démocrate

Des heurts ont opposé mercredi soir des dizaines de manifestants propalestiniens à la police, devant le siège national du Parti démocrate à Washington, entraînant la fermeture des bureaux du Congrès américain situés à proximité. « Nos officiers s’efforcent de contenir environ 150 personnes qui manifestent illégalement et violemment », près des bureaux du parti, a déclaré la police du Capitole dans un message sur X. « Les officiers procèdent à des arrestations », a ajouté la police qui a fait état de six blessés dans ses rangs traités pour des « coupures mineures », voire des « coups de poing ». Des élus qui se trouvaient à ce moment-là dans les bureaux du Comité national démocrate ont été escortés hors du bâtiment par la police pour les mettre en sécurité. Les manifestants exigent un cessez-le-feu et la fin de l’opération militaire d’Israël dans la bande de Gaza. — Agence France-Presse

Le cri du cœur d’une députée canadienne

Une députée libérale à Ottawa qui a fui les violences ethniques au Burundi quand elle était enfant suit avec impuissance les combats qui font rage dans la bande de Gaza

Ottawa — Arrivée au Canada après avoir fui la guerre civile au Burundi, Arielle Kayabaga fait partie des 23 élus libéraux qui ont réclamé un cessez-le-feu à Gaza il y aura bientôt un mois. La guerre, donc, elle connaît.

« J’ai vécu le génocide. Je sais ce que c’est, les guerres, je sais ce que ça fait aux enfants, aux familles. Ce sont des générations qui vont vivre ces douleurs-là, subir les réalités atroces qui [résultent] des guerres », dit-elle en entrevue.

« Franchement, je ne sais plus quoi dire ou faire d’autre pour qu’on en arrive au point où Israël arrête de tuer ces enfants », ajoute la députée de London-Ouest, en Ontario, dans un français impeccable.

Arielle Kayabaga avait 11 ans lorsqu’elle a fui les violences ethniques au Burundi. Dans ce pays voisin du Rwanda, la guerre civile⁠1 provoquée par les divisions entre Hutus et Tutsis a fait environ 300 000 morts à partir de 1993.

La voici maintenant en proie à un sentiment d’impuissance. « C’est très dur de regarder ça à distance », souffle l’élue maintenant âgée de 33 ans.

« Les enfants qui sont en train de mourir en Palestine, ce sont des crimes graves qui sont en train de se commettre. »

— Arielle Kayabaga, députée libérale de London-Ouest

Un sentiment d’impuissance aussi parce qu’elle n’a pas le pouvoir d’infléchir la position du gouvernement. Si le premier ministre Justin Trudeau a durci le ton à l’endroit d’Israël, mardi, il n’est pas allé jusqu’à réclamer une cessation des hostilités, comme l’avait fait Emmanuel Macron.

« J’ai l’impression aussi qu’une demande de cessez-le-feu du gouvernement du Canada ne pourra peut-être pas se présenter avant que tous les Canadiens qui sont à Gaza puissent sortir », avance-t-elle.

« C’est mon interprétation. Je ne dis pas que c’est la position de la ministre [Mélanie] Joly, mais je pense qu’il y a sûrement un lien. J’attends de voir, donc », note la mère d’un adolescent de 14 ans.

La sortie des Canadiens coincés dans la bande de Gaza vers l’Égypte continue, mais on est loin du compte – 367 personnes ont pu franchir la frontière, mais Ottawa dit être « en contact » avec 386 citoyens, résidents et membres de leur famille.

Difficile équilibre

À l’image de la société canadienne, les élus de la Chambre des communes sont déchirés sur l’enjeu du cessez-le-feu. Le premier ministre Justin Trudeau doit jouer les équilibristes pour ménager les uns et les autres.

Plus facile à dire qu’à faire : mardi, il s’est attiré les foudres des deux camps.

Dans la vraie vie, celle qu’il menait à Vancouver, il a dû évacuer en vitesse un restaurant qui était encerclé par des manifestants propalestiniens. Une centaine de policiers ont dû intervenir pour le faire sortir de l’établissement.

Dans l’espace virtuel, il a été réprimandé par le premier ministre Benyamin Nétanyahou. « Ce n’est pas Israël qui cible délibérément les civils », tandis que le Hamas « fait tout » pour mettre les civils en danger, a-t-il tonné sur X.

La réaction du dirigeant israélien à cette critique « méritée » n’a pas étonné le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, dont la formation exige un cessez-le-feu. « C’est quelqu’un qui a des propos et des valeurs extrémistes », a-t-il dit en point de presse.

Vote à l’ONU

Le leader a été invité à commenter le vote du Canada contre une résolution des Nations unies condamnant les activités d’occupation israéliennes, mais il est resté flou. Son chef adjoint Alexandre Boulerice ne l’a pas été. « Une honte », a-t-il écrit sur X.

La députée Arielle Kayabaga a l’intention de poser des questions à ce sujet : « On aimerait avoir des réponses sur ce changement, parce que ce serait un changement. Ça me paraît très contradictoire, donc j’ai hâte de savoir ce qui nous a poussés à voter comme ça. »

Car la position canadienne est celle d’une solution à deux États, rappelle-t-elle.

De façon générale, l’élue ontarienne estime qu’il y aura des leçons à tirer de la guerre. Et que sa génération, celle des milléniaux, sera aux premières loges. « C’est cette génération qui va amener le changement dont on a besoin dans le futur », estime-t-elle.

1. Les violences ethniques qui ont fait des centaines de milliers de morts au Burundi ne sont pas considérées comme un génocide par les Nations unies. La guerre civile, qui a éclaté en 1993, a pris fin avec l’accord d’Arusha, en 2000.

Manifestation propalestinienne à Vancouver

Trudeau escorté par des policiers hors d’un restaurant

Des centaines de manifestants propalestiniens ont encerclé un restaurant du quartier chinois de Vancouver où mangeait le premier ministre Justin Trudeau, mardi soir, et des dizaines de policiers ont été envoyés pour contrôler la foule qui demandait un cessez-le-feu dans la guerre entre Israël et le Hamas. Le sergent Steve Addison, de la police de Vancouver, a déclaré que les policiers avaient utilisé un pistolet électrique pour maîtriser un homme qui avait été arrêté pour avoir agressé une policière, tandis qu’un autre avait été arrêté pour entrave. Le sergent Addison a déclaré que les policiers avaient été déployés pour contrôler la foule afin que M. Trudeau puisse quitter le restaurant en sécurité. Dans d’autres vidéos publiées plus tôt dans la soirée, M. Trudeau est chahuté par des manifestants à l’intérieur du restaurant Vij’s, situé dans un autre quartier de Vancouver.

— La Presse Canadienne

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