Les talibans, « nos frères »

Honte à la ministre Maryam Monsef

Lors d’une séance d’information matinale sur l’Afghanistan, Maryam Monsef, ministre de la Condition féminine et de l’Égalité des sexes du Canada, a appelé les talibans ses « frères » et leur a demandé de permettre aux Canadiens de se rendre à l’aéroport de Kaboul afin de quitter le pays. Après avoir essuyé de vives critiques, Mme Monsef se défend en arguant qu’elle a utilisé le mot « frères » dans un contexte culturel.

En tant que Canadienne arrivée dans ce pays en tant que réfugiée afghane, je tiens à être très claire : il n’existe aucun contexte culturel dans lequel il est acceptable de qualifier les talibans de « frères ». Les mots ont une signification, et les significations impliquent des positions morales.

Dans la culture afghane, appeler quelqu’un « frère », c’est reconnaître un profond respect mutuel pour cette personne. C’est un terme attachant pour reconnaître qu’un ami masculin est plus qu’un ami, quelqu’un pour qui on prendrait une balle. C’est valider l’essence de cette personne et reconnaître les principes selon lesquels elle vit. Les Afghans n’appellent pas les talibans leurs « frères », sauf s’ils sont talibans eux-mêmes.

S’adresser à un groupe terroriste — qui décapite des Hazaras, des musulmans chiites, des sikhs, des hindous et de nombreux autres groupes minoritaires — en tant que « frère » revient à fermer les yeux sur des décennies de crimes de guerre commis par les talibans.

La réponse du Canada à la crise afghane a été pour le moins embarrassante et, au pire, une tragédie morale. Le gouvernement canadien n’a pas pris de mesures rapides pour sauver nos alliés, condamner les talibans et fournir un véritable plan humanitaire pour sauver les filles et les femmes afghanes. Il y a un peu plus d’une semaine, le ministre des Affaires étrangères du Canada a laissé entendre que le gouvernement attendrait de voir comment les talibans se comportent. Il n’est pas surprenant d’entendre cela de la part d’un ministre qui a bénéficié de la liberté et du privilège que lui confère la vie au Canada, mais l’entendre de la part de Maryam Monsef, née en Afghanistan, est une gifle pour les femmes et les filles afghanes qui l’admirent.

Les Afghans du Canada et d’ailleurs ont célébré l’élection de Maryam Monsef au Parlement et sa nomination au Cabinet. Nous avons senti que nous avions une représentante qui partageait la douleur et la souffrance que nous avons vécues en tant que réfugiés afghans. Maryam Monsef a connu la célébrité en racontant que sa mère veuve et ses trois filles avaient fui l’Afghanistan pendant la montée des talibans. Il est déconcertant de voir pourquoi Monsef, qui a une connaissance approfondie de la vie sous les talibans, choisit de s’adresser à eux en les appelant « frères ». Elle aurait pu facilement faire son plaidoyer sans saboter la position morale du Canada.

L’Afghanistan entre dans l’un des chapitres les plus sombres de son histoire. Tout Afghan ayant un accès limité à l’argent et à l’information tente de fuir le pays.

Les personnes âgées, les jeunes, les femmes, les hommes, les artistes, les minorités et tous ceux qui ne sont pas des talibans essaient de fuir le pays. Nous, les Afghans, ne fuyons pas nos frères, nous partageons un repas avec eux, nous leur confions nos filles et nos femmes parce que « frère » est un titre sacré que nous attribuons à ceux pour qui nous avons une haute estime morale. Les talibans sont nos ennemis. Ils l’ont toujours été et le seront toujours.

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