Plein air

Le plein air pour préserver sa santé mentale

Les parcs nationaux, les parcs de la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) et un grand nombre de parcs régionaux sont fermés. Les autorités gouvernementales déconseillent tout déplacement entre les régions. Les adeptes de plein air font des pieds et des mains pour trouver un brin de nature quelque part pour aller s’aérer les esprits.

Le besoin d’aller jouer dehors est plus fort que jamais et il faut en tenir compte pour préserver sa santé mentale, affirment des experts.

« La situation m’interpelle, indique Virginie Gargano, professeure adjointe à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval. Il s’agit de retarder la dégradation de la santé mentale alors que les possibilités d’aller dehors deviennent de moins en moins présentes. »

Un randonneur rencontré au départ d’un sentier officiellement fermé explique les choses à sa façon. « Les gens sont en train de virer fou. C’est une question d’équilibre : on ne peut pas rester tout le temps entre quatre murs. »

Les activités de plein air ont évidemment des effets bénéfiques sur la santé physique. Mais elles en ont aussi sur la santé mentale. Une portion de ces effets bénéfiques sont liés à l’exercice physique lui-même, qui permet de stimuler les « hormones du bonheur », comme la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline, affirme Virginie Gargano.

Il faut toutefois que l’exercice soit assez vigoureux. C’est toute la différence entre « prendre une marche tranquille et accélérer le pas ».

Une autre portion des effets bénéfiques serait liée au milieu naturel lui-même.

« Le fait de se retrouver en milieu naturel aurait un effet sur la diminution de la fatigue mentale », indique Mme Gargano, qui a consacré sa recherche doctorale à l’intervention en contexte de nature et d’aventure.

Hypothèses

La littérature scientifique explore certaines hypothèses. On explique notamment qu’après avoir effectué des tâches qui demandent une attention dirigée, une concentration élevée, il serait nécessaire d’avoir un certain repos sur le plan cognitif.

« Quand on se retrouve dans un milieu naturel, en plein air, en forêt, on utilise une attention qui est plus involontaire, c’est-à-dire que nos sens sont stimulés différemment à travers l’observation des phénomènes naturels, explique Mme Gargano. On entend le chant des oiseaux, le son d’une rivière, on regarde les arbres, on perçoit le vent. Cette attention involontaire vient diminuer la fatigue mentale, ce qui fait que les gens, quand ils reviennent à la maison, se sentent reposés. »

Elle indique qu’on a réalisé beaucoup d’études sur des gens souffrant de problèmes d’anxiété et de dépression qui avaient l’occasion de faire une immersion en milieu naturel, notamment par l’entremise d’une expédition. On a constaté une amélioration de l’humeur et une diminution des symptômes d’anxiété et de dépression.

« La situation actuelle est anxiogène en soi. On vit de l’incertitude, on ne sait pas quand cette situation va se terminer. On peut penser qu’en allant en plein air, on peut contribuer à réduire cette anxiété. »

— Virginie Gargano

Elle indique qu’on ne sait pas encore précisément pourquoi le plein air aurait cet effet bénéfique. Selon une hypothèse, l’être humain serait intimement lié au milieu naturel parce que c’est son milieu d’origine. Mme Gargano estime que ce lien est particulièrement important en ce moment.

« Actuellement, le lien social est coupé de façon physique, observe-t-elle. Le seul lien qu’on peut envisager, c’est en allant en plein air, c’est le lien avec la nature. »

Elle soutient que la nature exacte de ce lien peut varier d’une personne à l’autre.

« Pour une personne X, ça prend une marche en forêt pour se sentir en nature. Pour une personne Y, ça peut être simplement de s’occuper de son terrain. »

Les gens qui font déjà beaucoup de plein air vont souvent avoir besoin d’une immersion plus totale pour se sentir bien.

Question de pouvoir

Il y a aussi une question de perte de pouvoir.

« Actuellement, on est tellement dans un contexte de confinement que les gens ont l’impression qu’ils n’ont pas beaucoup de pouvoir sur leur situation, indique Mme Gargano. Si on est capable d’exercer un certain pouvoir sur sa santé mentale, si on sait que d’aller dehors va améliorer son humeur, il faut saisir ce pouvoir et contrer le manque de motivation qui est dû à la situation actuelle. »

Tout cela expliquerait la ruée des gens vers les parcs nationaux et régionaux avant leur fermeture. Maintenant, que peuvent-ils faire ? La situation est encore plus problématique pour les habitants de zones urbanisées.

« On peut aller dans des sentiers adjacents à notre quartier, ou même simplement aller dehors et chercher, dans son environnement, comment accéder au milieu naturel, suggère Mme Gargano. On longe une rivière, on cherche à se concentrer sur autre chose que les bâtiments : les oiseaux, les arbres, la végétation. La nature est en train de se réveiller. Nos sens se réveillent aussi et portent attention aux bruits, aux odeurs. C’est le point positif de la situation, c’est le printemps. »

Suggestion vidéo

En canot dans le Grand Canyon

Normalement, le Grand Canyon se parcourt en raft ou en kayak. En octobre dernier, huit Canadiens ont réalisé la descente en canot en 26 jours (et ont chaviré à 11 reprises).

le Chiffre de la semaine

0,45 m3

C’est le volume moyen de la tanière d’une ourse noire, au bout d’un tunnel de 78 centimètres de long. Elle y passe près de six mois par année. Ça, c’est du confinement.

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