États-Unis

Quand les cartons de lait servaient d’avis de recherche

Le meurtre du premier enfant dont la disparition avait été signalée sur un carton de lait partout aux États-Unis, lançant ce mode de recherche populaire, vient d’être officiellement élucidé avec la déclaration de culpabilité de son meurtrier, hier à New York. Regard sur une pratique éphémère qui a marqué son époque.

le meurtre d’etan patz officiellement résolu

Le jeune Etan Patz a été kidnappé et tué par Pedro Hernandez le 25 mai 1979, a tranché hier le jury après neuf jours de délibération au tribunal de l’État de New York. Il s’agissait du second procès de l’homme de 57 ans pour l’enlèvement et le meurtre de l’enfant. Ce jour fatidique, Pedro Hernandez a enlevé l’enfant de 6 ans alors qu’il attendait l’autobus scolaire seul, près de chez lui, à Manhattan. Ce n’est qu’en 2012 qu’il a avoué le meurtre d’Etan Patz à des proches, des aveux cependant contestés par la défense. Le corps de l’enfant n’a jamais été retrouvé. Pedro Hernandez risque la prison à vie et compte faire appel.

Une affaire qui a marqué les américains

Ce verdict met ainsi un terme à une affaire qui avait traumatisé les Américains il y a quatre décennies et mené de nombreux parents à surveiller davantage leurs enfants. L’anniversaire de la disparition du jeune Etan avait d’ailleurs été choisi en 1983 pour commémorer la nouvelle Journée nationale des disparitions d’enfants. En décembre 1984, la photo d’Etan avait été imprimée sur des millions de cartons de lait aux États-Unis, la première campagne nationale du genre. Ce mode de recherche avait été lancé quelques mois plus tôt en Iowa pour retrouver deux camelots disparus, Johnny Gosch et Eugene Martin.

Un phénomène de société

Au milieu des années 80, des milliards de cartons de lait ont affiché la photo d’enfants disparus aux États-Unis, un véritable phénomène de société. Plus de 700 entreprises laitières participaient à l’initiative. Toutefois, cette pratique a rapidement décliné dès la fin des années 80, notamment en raison de la lassitude de la population. Aussi, les producteurs de lait ne voulaient plus jeter des quantités importantes de lait lorsque l’enfant était retrouvé, selon Pina Arcamone, directrice générale du Réseau Enfants-Retour. « Il y avait aussi de la publicité négative. Certaines familles trouvaient ça dérangeant d’expliquer à leurs enfants le matin qu’il y avait un enfant disparu », ajoute-t-elle.

Et au Québec ?

Ce moyen de diffusion d’avis de disparition ne semble toutefois pas avoir eu la même ampleur au Canada. Le seul cas recensé par La Presse au Québec est celui de Sébastien Métivier, 8 ans, disparu le 1er novembre 1984 dans le quartier d’Hochelaga-Maisonneuve et toujours recherché 32 ans plus tard. Sa photo avait été imprimée sur plus de 250 000 cartons de lait d’Agropur en juin 1985, sans résultat probant. « Cette approche sera utilisée seulement lors de circonstances exceptionnelles », avait alors déclaré Roland Bourget, directeur de la police de Montréal, selon un article de The Gazette de l’époque. Le Réseau Enfants-Retour n’a jamais entrepris une telle campagne au Québec, selon Pina Arcamone.

Diffusion à grande échelle

« C’est un outil de marketing qui a bien fonctionné. Les gens nous en parlent encore aujourd’hui ! Mais on est très loin de la pinte de lait aujourd’hui ! », explique Pina Arcamone, qui travaille pour Réseau Enfants-Retour depuis 1994. Depuis, grâce aux réseaux sociaux et à l’alerte AMBER, il est plus facile que jamais de diffuser à grande échelle des avis de disparition. « Il y a 30 ans, pour apprendre la disparition d’enfants, on devait suivre les nouvelles qui étaient à 18 h ou à 23 h. Maintenant, nous avons de puissants outils qui permettent de diffuser ces informations le plus rapidement possible et de rejoindre les gens en temps réel. On peut informer des millions de gens ! », se réjouit Mme Arcamone.

Rejoindre la population 

Du carton de lait aux réseaux sociaux, l’importance de diffuser massivement la photo d’un enfant disparu demeure primordiale, selon Pina Arcamone. « Ce que nous avons appris de la disparition d’Etan Patz, c’est l’importance d’avoir des photos à jour et de bonne qualité des enfants et de s’assurer que ces photos soient vues par le plus grand nombre de gens possible », soutient-elle. Le Réseau Enfants-Retour multiple les partenariats afin de diffuser les photos d’enfants disparus à un large public. Par exemple, depuis cinq ans, les Alouettes de Montréal affichent sur leur écran géant les photos d’enfants disparus avant chaque rencontre. « Il a fallu se moderniser et s’assurer que ces enfants ne soient jamais oubliés », dit-elle.

— Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press

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