Tarifs américains sur l’aluminium canadien

Ottawa prépare une riposte de 3,6 milliards

OTTAWA — Le Canada entend imposer des mesures de représailles totalisant 3,6 milliards de dollars contre des produits américains si l’administration Trump impose bel et bien des tarifs douaniers de 10 % sur les exportations canadiennes d’aluminium à compter du 16 août.

Le gouvernement Trudeau se donne une période de 30 jours pour consulter les Canadiens afin de déterminer la liste précise des produits américains qui seront aussi frappés par une surtaxe de 10 %, a indiqué vendredi la vice-première ministre Chrystia Freeland, responsable du dossier du libre-échange au sein du cabinet fédéral.

Le Canada prépare donc minutieusement sa riposte à l’annonce du président des États-Unis Donald Trump, faite jeudi dans une usine Whirlpool dans l’État pivot de l’Ohio, à l’aube d’une campagne présidentielle qui s’annonce tumultueuse.

La liste provisoire dévoilée vendredi comprend de nombreux produits américains qui contiennent de l’aluminium, comme des machines à laver, des réfrigérateurs, des vélos, des jantes, des accessoires de tuyauterie, des portes et des fenêtres, entre autres produits.

Qualifiant d’« absurde » et d’« injustifiée » l’intention de l’administration Trump d’imposer des tarifs en invoquant la sécurité nationale, Mme Freeland a assuré que le Canada ne resterait pas les bras croisés devant ce nouveau camouflet commercial.

« La réponse du Canada à ces tarifs injustifiés sera rapide et forte, afin de défendre nos travailleurs. […] Pour chaque dollar imposé par les États-Unis sur les importations canadiennes, nous imposerons en retour une taxe équivalente. Nous n’allons pas aggraver la situation, mais nous n’allons pas reculer non plus. »

— Chrystia Freeland, vice-première ministre

Mme Freeland a dit espérer que l’administration Trump abandonne l’idée d’imposer des tarifs avant la date fatidique. Dans l’intervalle, le Canada a l’obligation de prendre les moyens pour défendre l’industrie canadienne de l’aluminium et ses milliers de travailleurs.

Le président Trump s’attaque ainsi à l’industrie canadienne de l’aluminium pour la deuxième fois en deux ans alors que l’encre de la nouvelle mouture de l’Accord de libre-échange nord-américain est à peine sèche. Ce nouvel accord, rebaptisé l’Accord Canada–États-Unis-Mexique (ACEUM), est entré en vigueur le 1er juillet après de longues négociations acrimonieuses entre les trois pays signataires.

Selon la ministre Freeland, l’imposition de tarifs par l’administration Trump est inacceptable, alors que l’économie nord-américaine peine à se remettre de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19. Une telle mesure risque d’ailleurs de causer davantage de tort aux consommateurs et aux travailleurs américains, a-t-elle avancé. Elle n’a pas hésité à affirmer que l’administration Trump était la plus protectionniste de l’histoire des États-Unis.

« La bonne chose à faire », dit Fitzgibbon

La réponse d’Ottawa est « la bonne chose à faire », estime le ministre québécois de l’Économie, Pierre Fitzgibbon. « Mme Freeland et moi, on s’est parlé pratiquement tous les jours depuis deux, trois semaines parce que c’est un dossier qu’on voyait venir », a-t-il indiqué en entrevue avec La Presse. « C’est [une réponse] assez musclée. »

« Les Américains sont notre partenaire principal, ils sont pour 70 % de nos exportations au Québec », a souligné le ministre.

« On veut de l’harmonie au niveau de nos relations avec les Américains. Si on taxe les produits qu’ils font venir au Québec, ça va créer un enjeu pour les consommateurs et les compagnies ici. »

— Pierre Fitzgibbon, ministre québécois de l’Économie

Il juge que se donner une période de 30 jours pour dresser la liste des produits à taxer est aussi un processus « très, très sain » qui permettra notamment d’éviter « qu’on se tire dans le pied » au pays.

Pierre Fitzgibbon soutient que la « position » du gouvernement américain « est trop simpliste » et qu’il est faux de parler de « dumping » alors que l’augmentation des exportations de l’aluminium primaire non allié n’a duré que « deux, trois mois », en raison de la crise de la COVID-19, et qu’on observe actuellement « un rééquilibrage ».

Le gouvernement Legault assure qu’il « protégera » la filière de l’aluminium, qui emploie quelque 30 000 travailleurs québécois. Il entend notamment sensibiliser « tous les États [américains] acheteurs du Québec » à l’importance de la situation. « On a le soutien de nombreux États américains avec lesquels on [commerce] », a dit M. Fitzgibbon.

Sur Twitter, le premier ministre François Legault s’est aussi dit « satisfait » de la réponse d’Ottawa. « Notre gouvernement collaborera à l’élaboration de la liste des produits américains touchés. Nous allons continuer de défendre nos travailleurs québécois », a-t-il écrit.

Le Conseil du patronat du Québec et la Fédération des chambres de commerce du Québec, entre autres groupes, ont aussi accueilli favorablement l’annonce de la ministre Freeland.

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