La fin

Après 20 ans de guerre sous quatre présidents, les États-Unis quittent l’Afghanistan. Le dernier avion américain a décollé de Kaboul lundi, laissant le pays aux mains des talibans et de leur régime. Une arrivée au pouvoir pour laquelle « il y a des raisons d’être inquiets », selon un expert consulté par La Presse.

Retrait de l’armée américaine

« Il y a des raisons d’être inquiets »

L’armée américaine s’est totalement retirée de l’Afghanistan dans la nuit de lundi à mardi, laissant le pays aux mains des talibans, ses ennemis depuis 20 ans, au terme de la plus longue guerre de l’histoire des États-Unis.

Pour célébrer la prise de contrôle par les talibans de l’aéroport de la capitale afghane, des coups de feu ont éclaté à Kaboul. « Nous avons écrit l’Histoire », s’est félicité un responsable taliban après le départ des forces américaines.

Le dernier avion de transport militaire a décollé de l’aéroport de Kaboul le 30 août juste avant minuit (15 h 29 à Montréal), a déclaré le général Kenneth McKenzie, qui dirige le commandement central dont dépend l’Afghanistan, lors d’une conférence de presse à Washington. L’ambassadeur et un général ont été les derniers Américains à quitter l’Afghanistan.

« Ça laisse aux talibans le champ complètement libre pour installer leur pouvoir. Il n’y aura plus de puissances étrangères pour s’opposer de façon significative avec une armée en bonne et due forme », a lancé d’emblée Marc Imbeault, professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean, qui ne se prononce pas au nom du ministère de la Défense nationale.

« Ça donne de la marge de manœuvre pour installer leur régime. »

— Marc Imbeault, professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean

Depuis le 14 août, sur une période de 18 jours, les avions des États-Unis et de leurs alliés ont évacué par un gigantesque pont aérien plus de 123 000 civils de l’aéroport international Hamid Karzai.

Le retrait militaire de Washington s’est achevé 24 heures avant la fin de la journée du 31 août, date butoir fixée par le président Joe Biden pour mettre un terme à la présence des forces armées américaines dans ce pays.

« Il y a des raisons d’être inquiets », a déploré Charles-Philippe David, fondateur de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques.

« On ne peut pas deviner l’avenir, mais en regardant le passé, on ne peut pas être rassuré que les choses aillent mieux pour les Afghans, et surtout les Afghanes. »

— Charles-Philippe David, fondateur de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques

M. David fait référence à l’occupation des talibans en Afghanistan entre les années 1996 et 2001, alors que « les coutumes et les habitudes de la population avaient été ramenées à l’ère du Moyen-Âge », affirme-t-il. À l’époque, les femmes ne pouvaient ni travailler ni étudier.

Rappelons que les forces américaines étaient entrées en Afghanistan le 7 octobre 2001 pour chasser du pouvoir les talibans, en raison de leur refus de livrer le chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden, après les attentats du 11 septembre de la même année.

Le départ

Avant de quitter l’aéroport de Kaboul, l’armée américaine a rendu inutilisables des avions, des véhicules blindés et un système de défense antimissile.

Le chef du commandement central de l’armée américaine, le général Kenneth McKenzie, a indiqué à la presse que les soldats américains avaient « démilitarisé », c’est-à-dire mis hors d’usage, 73 avions avant d’achever leur pont aérien de deux semaines pour évacuer les civils fuyant le régime des talibans.

« Ces appareils ne voleront plus jamais. Ils ne pourront être utilisés par personne. »

— Le général Kenneth McKenzie, chef du commandement central de l’armée américaine

Des dizaines de véhicules blindés ont aussi été mis hors d’usage.

Le Pentagone a également reconnu lundi n’avoir pas pu faire sortir d’Afghanistan autant de personnes que voulu. De vives critiques de l’opposition républicaine ont suivi l’annonce de cet échec.

Le président a abandonné « des Américains à la merci de terroristes », a ainsi déclaré le chef des républicains à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy.

Washington continuera à « aider » tous les Américains qui veulent quitter l’Afghanistan, a assuré lundi soir le secrétaire d’État américain, Antony Blinken. Les États-Unis « travailleront » avec les talibans s’ils tiennent leurs engagements, a-t-il ajouté. De 100 à 200 Américains seraient encore en Afghanistan.

Affaiblissement de la puissance américaine

Pour M. Imbeault, le départ des troupes américaines est assurément un échec pour les Américains. « Ça montre que les États-Unis n’ont pas été capables d’imposer leur volonté. C’est un certain affaiblissement de la puissance et du prestige américains », a-t-il affirmé.

Les talibans ont profité du retrait américain progressif des derniers mois et de l’effondrement des forces de sécurité afghanes pour entrer dans Kaboul le 15 août et reprendre le pouvoir, après une offensive militaire éclair non anticipée par Washington.

Les talibans ont réussi à tenir tête à la plus puissante armée du monde, a indiqué le professeur. « C’est assez important du point de vue historique. »

Et les talibans en sont conscients. « Nous avons fait l’Histoire », s’est réjoui lundi un responsable taliban après l’annonce par les États-Unis du retrait de leurs derniers contingents du pays, au terme de 20 ans de guerre.

« Nous avons à nouveau fait l’Histoire. Les 20 années d’occupation de l’Afghanistan par les États-Unis et l’OTAN se sont achevées ce soir », a déclaré Anas Haqqani, un responsable du mouvement islamiste, sur Twitter. « Je suis très heureux après 20 ans de djihad, de sacrifices et de difficultés, d’avoir la satisfaction de voir ces moments historiques », a-t-il ajouté.

Pour M. David, le retrait des troupes américaines est sans équivoque un moment important pour l’histoire américaine.

« Je pense que le 30 août 2021 est la date officielle de la fin des guerres interminables. »

— Charles-Philippe David, fondateur de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques

Retrait des troupes

M. Imbeault affirme que le retrait des troupes américaines était à envisager. Il rappelle que mener une occupation pendant plusieurs années coûte extrêmement cher. « Ce n’est pas quelque chose qu’on peut soutenir pendant 50 ou 100 ans. Au bout d’un moment, les priorités budgétaires, financières et politiques du gouvernement américain changent », explique-t-il.

Le retrait militaire était déjà entamé depuis la mi-avril. Il ne restait plus qu’un millier de soldats américains à Kaboul en prévision du retrait annoncé le 31 août, mais le président Joe Biden a dû renvoyer 6000 soldats dans la capitale afghane pour évacuer les diplomates américains qu’il pensait pouvoir laisser sur place.

M. Biden a justifié sa décision de retirer les troupes américaines par son refus de faire perdurer plus longtemps cette guerre et par le fait que leur mission avait été accomplie avec la mort de ben Laden, tué par les forces spéciales américaines en 2011 au Pakistan.

Pendant les deux dernières décennies, la présence des Américains a eu un certain impact positif en Afghanistan, soutient M. Imbeault.

« Ils ont influencé les mœurs, ne serait-ce que par le fait que les talibans, maintenant, essaient d’avoir un visage humain. Ça les a amenés à proposer quelque chose de moins autoritaire et ancré dans les traditions désuètes. »

— Marc Imbeault, professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean

Le professeur souligne cependant les nombreux aspects négatifs liés à la guerre comme les décès et les destructions.

Les prochaines années

À quoi peut-on s’attendre pour les prochaines années avec les talibans au pouvoir ? C’est difficile à prévoir, répond le professeur Charles-Philippe David, qui propose quatre scénarios.

D’abord, le pays pourrait retourner à un régime radical dirigé par les talibans, comme entre 1996 et 2001. Une guerre civile pourrait également se produire, indique le professeur. Ce fut le cas entre 1989 et 1995, alors que les coups d’État et les gouvernements se succédaient dans le pays.

L’Afghanistan pourrait trouver une gouvernance acceptée par tout le monde qui comprendrait des éléments à la fois talibans et modérés, ajoute M. David, précisant que ce scénario est moins probable. Enfin, un conflit grave impliquant les puissances étrangères, comme un attentat, pourrait se produire à nouveau.

2313 milliards

Depuis l’invasion de l’Afghanistan en 2001, les États-Unis ont dépensé 2313 milliards de dollars pour cette guerre, qui comprend des opérations en Afghanistan et au Pakistan.

241 000

Nombre de personnes qui ont perdu la vie à cause de cette guerre, dont 71 344 civils et 2442 militaires américains.

Source : Institut Watson pour les affaires internationales et publiques de l’Université Brown

« Ils ont sauvé notre famille »

Un commando ukrainien a permis à des Afghans de fuir, grâce à la collaboration de Mark MacKinnon, correspondant en Europe du quotidien canadien The Globe and Mail

Se cacher ou tenter sa chance par la route ? À Kaboul, des milliers de personnes cherchent toujours comment échapper aux talibans, comme l’a constaté un Canadien ayant organisé le sauvetage de 19 Afghans par un commando ukrainien ces derniers jours.

Mark MacKinnon, correspondant en Europe du quotidien canadien The Globe and Mail, s’éreintait depuis deux semaines avec l’aide de son journal pour essayer de sauver Mohammed Sharif Sharaf, son fidèle collaborateur qui lui avait servi de guide et d’interprète lors de plusieurs reportages en Afghanistan.

M. Sharaf, 49 ans, était prêt à s’enfuir avec sa femme, ses cinq enfants et d’autres de ses proches. Il était accompagné de Jawed Haqmal, un ancien interprète de l’armée canadienne, lui aussi avec sa famille. Au total, 19 personnes attendaient nerveusement le signal pour se rendre à l’aéroport de Kaboul.

Chaque fois qu’ils croyaient avoir trouvé un chemin, un convoi fiable pour atteindre la zone sécurisée de l’aérodrome, le plan tombait à l’eau. Le groupe a été bloqué par des talibans armés et s’est buté à une foule de milliers de personnes qui obstruait le chemin. Le groupe avait des autorisations de voyage en main, mais aucun moyen d’atteindre l’aéroport. Les fugitifs commençaient à perdre espoir.

« À un certain moment, ils n’avaient pas dormi depuis longtemps, et ils ont dit : “On a tout essayé.” Les autres sont partis se coucher, mais Sharif a dit qu’il voulait essayer une autre fois », raconte Mark MacKinnon.

Au pas de course, l’arme au poing

M. MacKinnon a discuté du problème avec Roman Waschuk, ancien ambassadeur du Canada en Ukraine. Celui-ci lui a expliqué que les Ukrainiens avaient des troupes sur place et qu’ils voulaient aider.

« Les troupes canadiennes ou américaines ne voulaient pas sortir de l’aéroport de Kaboul pour secourir un groupe de traducteurs et leur famille. Donc j’ai demandé à l’Ukraine », a expliqué Mark MacKinnon lundi. Il dit avoir essayé à deux reprises d’organiser le sauvetage du groupe avec les autorités canadiennes, mais celles-ci refusaient d’aller le chercher en ville.

En entrevue téléphonique avec La Presse lundi, M. Sharaf a confirmé à quel point il avait été heureux de recevoir soudainement un message de l’armée ukrainienne, qui avait un plan pour venir secourir le groupe coincé à Kaboul.

« Nous leur avons envoyé des photos de nos deux minibus et de nos plaques d’immatriculation, ainsi que notre localisation, explique-t-il. Ils nous ont envoyé la photo d’un immeuble, comme un hôtel ou un immeuble de bureaux. Ils nous ont dit de nous rendre à cet endroit et que leurs troupes allaient nous escorter. »

« Nous nous sommes rendus jusque-là, nous avons attendu 30 minutes et ils sont arrivés », dit-il.

C’était vendredi, quelques heures à peine après l’attentat-suicide devant l’aéroport qui a tué 170 Afghans et 13 soldats américains. Des soldats des forces spéciales ukrainiennes étaient sortis de la zone sécurisée et avançaient à pied, exposés aux attaques. Ils ont entouré les minibus, armes au poing, et sont repartis avec eux en courant vers la zone sécurisée. Il y avait moins d’un kilomètre à parcourir, mais le trajet était dangereux.

« Je sais qu’à un certain moment, les Américains ne laissaient pas les Ukrainiens sortir. Après la bombe, l’aéroport était en lockdown. Je ne sais même pas s’ils ont eu la permission, en fin de compte. Ils sont juste sortis et ils l’ont fait. »

— Mark MacKinnon, correspondant en Europe du quotidien canadien The Globe and Mail

« Ils étaient très gentils. Ils ont sauvé notre famille », confirme M. Sharaf.

Le groupe a été évacué dans un avion ukrainien jusqu’à Kiev, où il se trouvait toujours lundi. Des diplomates canadiens en Ukraine leur ont apporté du chocolat, des vêtements ainsi que des documents pour faciliter la suite de leur voyage.

« La prochaine ville sera Toronto. Nous sommes vraiment contents », affirme M. Sharaf, qui a été marqué par la foule de milliers de personnes qui se pressait devant l’aéroport de Kaboul sans réussir à entrer.

Inondé d’appels à l’aide

Le Globe and Mail a publié un article sur son opération de sauvetage lundi et immédiatement, Mark MacKinnon a été inondé de courriels d’Afghans qui demandaient de l’aide pour être évacués. Des gens, souvent accompagnés de leur famille, qui ne savaient plus vers où se tourner.

« Je n’ai pas compté, mais j’ai certainement des dizaines, si ce n’est pas une centaine de courriels, tous très tristes. C’est très difficile à lire. Ce sont des gens qui travaillaient pour des ONG, des entreprises occidentales, des journalistes, qui demandent si nous pouvons les aider à sortir », dit le correspondant.

« J’essaye de leur fournir des conseils, mais je ne veux pas leur donner de faux espoirs. »

— Mark MacKinnon, correspondant en Europe du quotidien canadien The Globe and Mail

Sans commenter ce dossier précis, le ministère de la Défense du Canada a souligné lundi que les forces spéciales du Canada sont sorties elles aussi de l’aéroport et ont fait des « efforts héroïques » pour porter assistance à des Afghans qui n’arrivaient pas à atteindre la zone sécurisée, au cours des dernières semaines.

« Nos opérateurs des Forces spéciales ont œuvré à l’extérieur du périmètre de l’aéroport pour aider à faire sortir le plus grand nombre possible de gens vulnérables. En fait, ils ont commencé à travailler à l’extérieur du périmètre très tôt dans l’opération et elles ont été parmi les dernières de nos proches alliés à revenir à l’intérieur de la zone sécurisée », a assuré le Ministère dans un courriel.

« Nous sommes immensément fiers du travail de notre équipe au cours des dernières semaines, dans des conditions incroyablement dangereuses. Ils ont fait preuve de courage, ingéniosité et d’un professionnalisme inégalé », poursuit le Ministère, selon qui plus de 3700 personnes ont pu fuir grâce à l’aide canadienne.

Se cacher ou tenter sa chance par la route ?

Mais avec la fin du pont aérien, des organismes de soutien canadiens ne savent plus trop quoi dire aux Afghans qui attendaient de l’aide.

« Je ne sais pas », a déploré le cofondateur de l’organisme pour réfugiés Northern Lights Canada, Stephen Watt, qui a travaillé en collaboration avec d’anciens interprètes, entre autres.

« Je leur dis : “Essayez de rester en vie. Essayez de fuir si vous le pouvez.” Mais ce ne sont pas des réponses concrètes pour eux. »

— Stephen Watt, cofondateur de l’organisme pour réfugiés Northern Lights Canada

En raison de l’incertitude quant à la possibilité de s’échapper par voie aérienne, les organisations sans but lucratif canadiennes se demandent de plus en plus si elles doivent encourager les anciens interprètes et leur famille à prendre le risque de fuir vers le Pakistan.

Affaires mondiales Canada a toutefois averti les Afghans qui ont déposé une demande dans le cadre d’un programme spécial de ne pas se rendre à la frontière avec le Pakistan. Une copie du message obtenu par La Presse Canadienne indique plutôt qu’ils devraient « s’abriter sur place, étant donné l’évolution rapide de la situation ».

La station 98,5 FM rapportait par ailleurs lundi qu’un groupe de vétérans des Forces armées canadiennes a réussi à organiser la sortie par voie terrestre d’une vingtaine de personnes au terme d’une « épopée assez folle » vers le Pakistan.

— Avec La Presse Canadienne

Adil Charkaoui prêche en faveur des talibans

Le prédicateur montréalais Adil Charkaoui, qui s’est défendu pendant des années d’avoir été un agent dormant d’Al-Qaïda après avoir été arrêté et emprisonné en 2003, prêche publiquement depuis quelques jours en faveur des talibans, un groupe considéré par le Canada comme une entité terroriste.

« L’Afghanistan n’a jamais été aussi sécuritaire. Après 20 ans d’occupation, les envahisseurs & leurs pions corrompus ont été chassés par un peuple attaché à l’islam. Hommes, femmes et enfants savourent enfin la libération », a lancé M. Charkaoui sur son compte Twitter, dimanche.

M. Charkaoui, qui se présente comme le président du « Comité québécois contre l’islamophobie » et enseigne aux jeunes dans sa mosquée de l’est de la ville, n’a pas répondu aux appels de La Presse lundi. Il dit avoir reçu des commentaires haineux sur les réseaux sociaux après avoir été interpellé publiquement par le chroniqueur Richard Martineau au sujet de ses récentes publications. Il affirme subir des attaques de l’extrême droite, mais aussi des adeptes de courants auxquels il est opposé au sein de l’islam.

Depuis plusieurs semaines, Adil Charkaoui multiplie les commentaires publics sur les talibans, qui ont repris le contrôle de l’Afghanistan, un pays où ils avaient instauré une théocratie de 1996 à 2001.

Il a notamment déclaré sur Twitter que le groupe avait repris le pouvoir « sans commettre aucun crime contre les civils » et publié une image d’une sandale écrasant une botte américaine le 19 août dernier, accompagnée du slogan : « La victoire de la foi ! »

Il a aussi publié une photo d’un groupe de femmes afghanes couvertes de burqas en soulignant qu’elles étaient « bien assises à l’abri ». En accompagnement d’une photo d’un combattant, il a eu ce commentaire : « Chez lui, il est un terroriste pour les armées qui sont venues pour dénuder ses filles & imposer leurs valeurs. Sa réponse : Je ne me soumets que pour Allah & votre présence est une question de vie ou de mort ! Afghanistan, cimetière des empires & terre des hommes libres. »

La politisation de la religion

Dans un autre gazouillis publié dimanche, le prédicateur montréalais souligne l’anniversaire de la mort de Sayyid Qutb, ancien leader des Frères musulmans égyptiens qu’il qualifie d’« éminent exégète du Coran », « pendu pour sa foi, pour ses principes » en 1966.

Poète et intellectuel, Sayyid Qutb a été « une pièce très importante » dans la « politisation de la religion » au cours du siècle dernier, selon la chercheuse québécoise Mounia Aït Kabboura, qui lui a consacré sa thèse de doctorat. Son courant était prêt à user de moyens violents dans sa lutte pour un État islamique, explique la docteure en philosophie, rattachée au Centre de recherche Cultures-Arts-Sociétés (CELAT), un regroupement de chercheurs de l’Université Laval, de l’UQAM et de l’UQAC.

« La violence fait partie du mouvement. »

— Mounia Aït Kabboura, chercheuse et docteure en philosophie

À l’époque, des divisions sont apparues au sein des Frères musulmans lorsque certains ont voulu adoucir leur rhétorique face au gouvernement égyptien. « La branche de Qutb a dit : il faut affronter ce régime de mécréants, et un régime mécréant, il faut l’anéantir, l’écraser et le remplacer par un État islamique pur, basé sur la charia », raconte-t-elle.

Arrêté puis libéré

Adil Charkaoui a été arrêté en 2003 en vertu d’un certificat de sécurité signé par le ministre de l’Immigration de l’époque, Denis Coderre. Il était alors soupçonné par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) d’avoir participé à des camps d’entraînement d’Al-Qaïda en Afghanistan, prôné le djihad armé et discuté de projets d’attentats.

En 2009, les tribunaux avaient déterminé que pour se défendre et réclamer sa mise en liberté, M. Charkaoui devrait avoir accès à certaines des informations obtenues sur lui par le Canada. Plutôt que de lui dévoiler ces informations, les autorités ont préféré les retirer du dossier, ce qui a mené à la libération de M. Charkaoui. Depuis, il réclame 26 millions au gouvernement pour tous les dommages subis.

Une enquête de La Presse a déjà révélé qu’entre 2013 et 2015, huit jeunes Québécois qui suivaient ses enseignements étaient partis vers la Syrie ou avaient tenté de le faire, alors que la guerre civile y faisait rage. En entrevue, des parents avaient dénoncé l’influence qu’il exerçait sur leurs enfants. La Gendarmerie royale du Canada et le Centre de prévention de la radicalisation avaient dit que son centre était un dénominateur commun dans plusieurs dossiers de radicalisation.

Adil Charkaoui s’est défendu de ces accusations à l’époque et a plutôt dit faire de la « déradicalisation ».

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