Tournoi des recrues du Canadien

Remettre les choses en perspective

André Tourigny a fait une mise en garde aux fans de hockey sur les ondes de BPM Sports vendredi, à la veille des matchs des recrues aux quatre coins de la LNH.

L’animateur Martin Lemay lui demandait ce qu’il recommandait aux auditeurs de regarder pendant ces matchs au lieu de se fier à la feuille de pointage et de s’emballer avec les résultats.

« La formation de l’autre équipe ! », a répondu du tac au tac l’entraîneur-chef des Coyotes de l’Arizona, avant d’éclater d’un rire sonore.

« L’histoire sera différente contre Crosby, Malkin et Letang de l’autre côté, comparativement à celui qui jouait sur le troisième trio dans les rangs juniors. Le jeune va peut-être obtenir trois points aujourd’hui, mais demain, il va revenir à la réalité. »

Il importe de rappeler cette sage réflexion à la suite des deux premières rencontres des espoirs du Canadien au tournoi des recrues à Buffalo.

On peut bien sûr se réjouir de cette victoire nette dans la deuxième rencontre, de ces deux buts de Joshua Roy, d’une performance moins brouillonne du défenseur Logan Mailloux, d’une meilleure prestation de la part des attaquants Filip Mesar et Jan Mysak, mais il importe aussi de mettre les choses dans leur contexte.

Les recrues du Canadien affrontaient une formation, celle des Bruins de Boston, comptant neuf joueurs non repêchés, trois joueurs avec un minimum de 50 matchs dans la Ligue américaine et un seul choix de premier tour, 21au total.

Ces trois joueurs de la Ligue américaine étaient Georgii Merkulov, qui y a dominé avec 24 buts, Fabian Lysell, qui a déçu à sa première année chez les pros avec seulement 14 buts, dont 3 à ses 22 derniers matchs, et John Beecher, qui a obtenu 23 points en 67 matchs.

Leurs six défenseurs ne comptaient aucune expérience professionnelle. Cinq provenaient des rangs juniors et un de la NCAA, Mason Lohrei. Seul celui-ci a été repêché avant les cinq premiers tours, au 58rang. Les deux gardiens en uniforme n’ont pas été repêchés et ont disputé la dernière saison dans la LHJMQ.

Comparable à l’ECHL

Deux clubs de calibre de l’ECHL s’affrontaient donc samedi après-midi. On était en effet loin de Crosby, Malkin et Letang, comme aurait dit Tourigny.

La direction du Canadien connaissait le calibre de l’adversaire et a même choisi de reposer son capitaine William Trudeau, son premier centre contre les Sabres de Buffalo Owen Beck, tout comme Sean Farrell et David Reinbacher.

Il ne s’agit pas ici de diminuer la productivité des jeunes à l’œuvre samedi, mais de rappeler qu’il ne faut pas évaluer leurs chances de percer la formation ou pas, ou même celle de la Ligue américaine, à la suite d’un match de très faible calibre.

La première rencontre du tournoi, vendredi, a été drôlement plus compliquée. Les Sabres, riches en espoirs, y ont envoyé cinq choix de premier tour, dont trois du top 15, Isak Rosén, Matthew Savoie et Zach Benson.

Jiří Kulich, 28au total en 2022, a été fumant l’an dernier dans la Ligue américaine et le défenseur Ryan Johnson, 31choix en 2019, a déjà 22 ans après quatre ans à l’Université du Minnesota. En plus de Rosén et de Kulich, on comptait cinq autres joueurs de la Ligue américaine et deux Russes de la KHL.

Trudeau, 20 ans, un choix de quatrième tour en 2021, a de loin été le meilleur de son groupe. Déjà un pilier à Laval l’hiver dernier, il paraissait trop fort pour ce niveau de compétition. Beck, 19 ans seulement, a joué de façon inspirée lui aussi. On dénote déjà une grande maturité dans son jeu, mais ses ailiers, Emil Heineman et Joshua Roy, ont été plutôt timides.

On s’attendait aussi à davantage de Sean Farrell en vertu de sa courte expérience dans la LNH et du choix de fin de premier tour en 2022 Filip Mesar. Celui-ci a mieux paru contre une équipe plus faible, au centre, le lendemain. Leur centre vendredi, Riley Kidney, a peiné, comme le lendemain d’ailleurs. Ses saisons de 100 points et plus dans les rangs juniors ne comptent plus. Il se battra pour un poste à Laval et la partie n’est pas encore gagnée.

Le premier choix du Canadien de 2023, cinquième au total, David Reinbacher, n’a pas été vilain, mais aussi brouillon par moments. Il a l’excuse de l’âge, 18 ans, de son manque de familiarité avec la dimension des patinoires nord-américaines et de son adaptation à une nouvelle culture. On peut voir le potentiel.

Logan Mailloux, 20 ans, a connu un premier match très difficile. Il était sur la patinoire sur les trois premiers buts des Sabres et peut être reconnu responsable sur deux. Ce choix de fin de premier tour en 2021, 31au total, possède un gabarit fort intéressant à 6 pi 3 po et 220 lb. Il est doté d’un tir foudroyant, possède un bon coup de patin en ligne droite et détient de belles habiletés individuelles avec la rondelle.

Mais ses défauts restent les mêmes depuis son année d’admissibilité alors qu’il jouait en troisième division en Suède et lors des saisons suivantes à London, dans la Ligue junior de l’Ontario : il a tendance à être stationnaire lors du démarrage en patin arrière sur les contre-attaques adverses, il a souvent une mauvaise lecture du jeu en territoire défensif, il a parfois tendance à mal se situer dans l’espace dans sa zone et il ne prend pas toujours les bonnes décisions avec la rondelle.

Un autre jeune défenseur droitier, Justin Barron, obtenu pour Artturi Lehkonen il y a deux ans, avait certains de ces défauts à son arrivée à Montréal et il est revenu transformé de son stage à Laval. Peut-être que Jean-François Houle et ses adjoints pourront avoir le même effet sur Mailloux ?

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