Nouvelle collision Legault-Couillard sur l’immigration
François Legault et Philippe Couillard ont eu une nouvelle prise de bec sur le thème de l’immigration hier, cette fois au sujet du pouvoir d’Ottawa quant à la fixation du nombre de nouveaux arrivants que le Québec accueille chaque année.
Les réponses hésitantes, voire erronées, du chef caquiste touchant les critères d’obtention de la citoyenneté canadienne ont par ailleurs donné des munitions au chef libéral, qui, pour la première fois de cette campagne, si l’on exclut le dossier de l’ALENA, a accordé un deuxième point de presse dans une journée.
Selon Philippe Couillard, le gouvernement canadien a un « droit de regard » sur le seuil d’immigrants économiques accueillis au Québec. Il émet ainsi des doutes sur la faisabilité de la promesse caquiste d’en accueillir moins chaque année, de façon temporaire.
« C’est tellement absurde, ça n’a aucun sens ! Il pourrait l’essayer, mais lisez l’entente comme moi », a dit le chef libéral à Québec.
Selon le libellé de l’accord Canada-Québec sur l’immigration, « le Canada établit chaque année les niveaux d’immigration pour l’ensemble du pays, en prenant en considération l’avis du Québec sur le nombre d’immigrants que ce dernier désire recevoir ». Le Devoir publiait hier un texte avançant que, selon des « sources gouvernementales », Ottawa a bel et bien le dernier mot sur les seuils d’immigration.
« C’est marqué dans l’entente [Québec-Ottawa] que le gouvernement fédéral a un droit de regard et que les objectifs fondamentaux [sont] de maintenir le poids démographique du Québec. »
— Philippe Couillard, premier ministre du Québec
« Qu’est-ce qui arriverait si le Québec décidait unilatéralement de baisser son nombre d’immigrants, alors que l’objectif de l’entente [est] de maintenir la démographie québécoise ? Le gouvernement fédéral n’a jamais eu de raisons de passer par-dessus les choix du Québec, et ils ne l’ont jamais fait. […] Peut-être que là, ça serait différent », s’est-il demandé.
François Legault se dit catastrophé par les déclarations du chef libéral. Il y voit même « un moment fort de la campagne ».
« Je n’en reviens pas ! a-t-il lancé, de passage à Cap-Santé, dans Portneuf. Sincèrement, je suis sous le choc d’entendre Philippe Couillard. »
« C’est la première fois que j’entends un premier ministre du Québec dire qu’il faudrait avoir l’accord du gouvernement fédéral pour réduire le nombre d’immigrants au Québec. C’est quand même incroyable d’entendre ça de la part de celui qui est supposé défendre la nation québécoise, défendre le français, défendre nos valeurs. »
— François Legault, chef de la Coalition avenir Québec
François Legault admet cependant que s’il est élu, il y aurait « peut-être une négociation à avoir » avec Ottawa au sujet d’un nouveau « certificat temporaire » qu’un gouvernement caquiste voudrait créer et délivrer aux nouveaux arrivants. Rappelons que ceux-ci n’auraient leur certificat de sélection du Québec que s’ils réussissaient un « test de base » de français et un « test de connaissance » des valeurs trois ans après leur arrivée.
M. Legault reconnaît également qu’il devrait négocier avec Ottawa pour réduire de 20 % le nombre d’immigrants accueillis en vertu du programme fédéral de réunification familiale.
Le chef caquiste estime cependant que le fédéral n’aurait d’autre choix que d’accepter ses demandes s’il obtient un « mandat clair » des Québécois. Comme il y aura des élections fédérales en 2019, « Justin Trudeau devra tenir compte de ce que les Québécois souhaitent », selon lui. Il croit possible d’abaisser le seuil d’immigration de 52 000 à 40 000 nouveaux arrivants dès 2019, même s’il se retrouvait à la tête d’un gouvernement minoritaire. « M. Lisée, il est rendu qu’il dit qu’il veut entre 35 000 et 40 000 immigrants. On aurait peut-être des appuis de ce côté-là », a-t-il fait valoir.
Sa conférence de presse a été une fois de plus monopolisée par des questions sur ses propositions en matière d’immigration. Et le chef caquiste a montré des signes d’agacement. « Vous parlez beaucoup d’immigration, mais pas les personnes normales », a-t-il lâché en réponse à une question en anglais. Selon lui, les « personnes normales » lui parlent davantage de Gaétan Barrette, par exemple.
François Legault est devenu hésitant lorsqu’il a été questionné sur le processus menant à l’obtention de la citoyenneté canadienne. Il a entre autres répondu qu’un résident permanent devait avoir été « quelques mois » au pays pour devenir citoyen canadien. C’est en fait au moins trois ans au cours des cinq ans qui précèdent la demande.
Il a également eu beaucoup de mal à énoncer les conditions à remplir pour devenir citoyen. « D’abord, il y a une enquête de sécurité », a-t-il dit après un moment d’hésitation. Puis il a décrit comment se faisait la sélection des immigrants économiques au Québec, à savoir selon les besoins de marché du travail et les points accordés pour la connaissance du français. « C’est à peu près ça », a-t-il ajouté, affirmant que « c’est un peu flou ».
Aux yeux de Philippe Couillard, « François Legault ne comprend pas le système d’immigration ». « Il a intérêt à lire et à étudier l’entente [qui lie Québec et Ottawa] avant d’en parler », a martelé le chef libéral lors de sa deuxième mêlée de presse du jour.
Selon lui, les propositions de François Legault en termes d’immigration se modulent au gré du vent et des sondages. « M. Legault fait des propositions, il attend, il observe les sondages et les journaux [pour voir] dans quelle direction le vent souffle. Puis il réajuste et modifie [son plan]. S’il continue [à parler d’immigration de la sorte], c’est qu’il considère que c’est bon pour lui et que ça va lui donner des votes. C’est la seule explication que je peux voir », a affirmé le chef libéral.
Vendredi, François Legault assouplissait sa position en déclarant que des immigrants qui font preuve de bonne foi dans l’apprentissage de la langue pourraient rester au Québec même s’ils échouaient au test de français.