La journée de ma femme
Une femme extraordinaire a changé le monde. Enfin mon monde : elle m’a épousé.
— Pierre Trottier
Cet écran a été partagé à partir de La Presse+
Édition du 8 mars 2018,
section DÉBATS, écran 13
Une femme extraordinaire a changé le monde. Enfin mon monde : elle m’a épousé.
— Pierre Trottier
Ma mère, qui aimait tant la lecture
Ma mère avait une septième année. Déjà, c’était mieux que bien d’autres. Elle a été retirée de l’école pour s’occuper d’une flopée de frères. Elle aimait la lecture et elle a lu toute sa vie. Quand j’étais en sixième année, l’enseignante lui a dit : « Votre fille est trop exigeante. De toute manière, elle sera secrétaire et après maman. » Ma mère lui a dit : « Elle sera la première d’une génération à avoir un bac et une maîtrise. » Lorsque je lui ai annoncé la première de mes trois grossesses, elle était consternée et a craint pour moi. Inutilement ! Je suis toujours engagée, fière grand-mère et mère de trois enfants, éduqués et engagés. Merci maman.
— Lyne Deschamps LL.B., M.Sc.
Louise Harel, pour l'équité salariale
L'ancienne députée d’Hochelaga-Maisonneuve de 1981 à 2008 a fait adopter la Loi sur l’équité salariale, loi encore à ce jour, la plus innovante en matière d’égalité sociale. Ce changement de paradigme dans les relations de travail pour la recherche d’une meilleure reconnaissance des acquis et des compétences est venu remettre en question notre regard sur les métiers dits de femme ou d’homme. Encore aujourd’hui, des iniquités existent, mais dorénavant il y a un organisme de l’État qui nous permet d’en appeler et c'est grâce au courage et à la ténacité de Louise Harel.
— Carole Poirier, députée d’Hochelaga-Maisonneuve, whip en chef de l’opposition officielle
Ma sœur, Dre Dominique Lejeune
Le 8 mars 1958 naissait à Saint-Lambert ma petite sœur Dominique. Vous aurez compris qu’en cette journée qui reconnaît la valeur des femmes dans notre société, Dominique y a ouvert pour la première fois ses beaux yeux bleus il y a 60 ans ! J’aimerais souligner à quel point ma chère sœur a fait une différence dans nos vies. Médecin de profession, on pourra dire qu’elle a suivi les traces de notre papa Louis-Philippe, mais ses qualités me rappellent aussi notre chère maman, Michelle Lejeune, celle qui a été la première à implanter le programme d’égalité à l’emploi pour les femmes dans la fonction publique au début des années 80. Ma sœur, une femme aventureuse, intelligente, empathique, honnête, sensible, visionnaire, tenace, serviable, analytique, communicative, soucieuse, curieuse, déterminée, informée, débrouillarde et vivante. Elle est une source d’inspiration pour la génération qui nous suit par son engagement soutenu aux projets de chacun. Ça prend ça pour changer le monde ! Bonne fête, Dre Dominique Lejeune !
— Hélène Lejeune, Shefford
Helen Keller, pour l'éducation aux handicapés
Helen Keller est cette femme américaine lourdement handicapée qui a ouvert les portes de l’éducation à ses semblables. Les personnes handicapées vivent l’enfermement chacune à sa manière, Helen Keller les a libérés à une époque où une personne privée de tous ses sens était rejetée et bannie de la société. Elle a prouvé que rien n’est insurmontable dans la vie d’une personne, peu importe sa condition, pour peu qu’on lui laisse de l’espace pour respirer. Aujourd’hui, on pourrait étendre ce concept à toutes les formes de handicap. Après tout, qui n’en a pas. Son exemple a changé le monde, il le peut encore.
— Christian Castonguay
Ma sœur, Marie la battante
Une jeune fille se présente dans une des plus grandes érablières du Québec pour y travailler (le centre d’emploi du coin y annonçait des postes disponibles pour la pré-saison des sucres). « On n’engage pas de filles, l’ouvrage est trop dur. Dans le bois toute la journée, de janvier à mars, en raquette, au grand froid, à la pluie, au grand vent, dîner dehors, faire ses besoins dehors, huit heures par jour et plus. » La fille a réussi à convaincre le patron de l’engager. Il faut dire que ça ne se bouscule pas aux portes pour postuler : le travail est trop exigeant physiquement et peu payant. Elle se retrouve avec une équipe de gars des bois et apprend le travail sans se plaindre. Elle a fini par obtenir le respect de ses compagnons et des compliments de son patron. « Toi, la fille, tu travailles comme un grand bonhomme de 200 livres ! Tu es comme une jument ! Et ça, c’est un compliment ! » Bravo Marie !
— Christiane Gélinas
Rose-Hélène Laflamme, héroïne du quotidien
Elle n’a pas le pouvoir de changer le monde, mais de façonner un petit monde sous le signe du partage et de la débrouille. Elle s’appelle Rose-Hélène Laflamme, septuagénaire active, âme charitable, responsable de la bonne tenue d’un immeuble à appartements de trois étages à Farnham. Sa devise : à chaque problème, une solution, pourvu que règne la bonne ambiance. Elle aurait aimé travailler auprès des aînés, me confiait-elle. C’est auprès, entre autres, de ma mère nonagénaire qu’elle joue depuis des mois le rôle d’ange gardien, avec un bon sens, une discrétion et un tact qui mériteraient un diplôme honorifique. Épuisée, elle ? Rendre service nourrit sa résilience. Elle nous épaule quant au maintien à domicile jusqu’à ce que maman soit hébergée en résidence dans un avenir rapproché. En sachant incarner la bonté empreinte d’humilité, cette précieuse voisine fait partie de ces gens qui ne font pas la une d’un quotidien, mais qui, au quotidien, font une grande différence dans la vie parfois plus esseulée d’autrui.
— Carol Patch-Neveu, Montréal
Ma maman, pour son amour et sa bienveillance
C’est dans les choses simples de la vie qu’elle a réussi à changer mon monde. Elle m’a toujours épaulée du plus loin que je me souvienne, dans les bons comme dans les mauvais moments. Elle m’a aidée à grandir, à faire des choix et les assumer, elle m’a épaulée durant mes études et comme mère de famille. Aujourd’hui encore, alors que j’ai une belle carrière d’entrepreneure, elle est toujours là, dans l’ombre, sans tambour ni trompette, pour moi et les enfants. Elle m’a permis de rayonner et de m’accomplir grâce à son amour et sa bienveillance. Elle a changé mon monde en le rendant meilleur. Merci maman.
— Ann-Marie Pigeon
Denise Faucher, pour l'aide aux retraités
Enseignante à la retraite, elle n’a pas changé le monde, mais depuis plusieurs années, elle a participé activement et encore à ce jour, à améliorer la qualité de vie, de bien des façons, de beaucoup de jeunes et moins jeunes retraités, avec toutes ses activités de plein air, et autres, proposées et offertes par l’entremise de Retraite en action (REA), organisme à but non lucratif de la région d’Ottawa. Cette femme est une boule d’énergie avec comme devise : « Tu grouilles ou tu rouilles ». C’est notre Denise et comme membre de REA, je lui lève mon chapeau.
— Ghislaine Courcelles
Les pionnières, pour leur courage
Les vraies héroïnes du Québec sont ces femmes qui ont peuplé l’arrière-pays, à la force de leurs bras, de leur courage et de leur volonté opiniâtre. Ayant parfois 10, 15 enfants, défrichant et bâtissant avec leur homme. Parties de rien, sans commodités, sans système de santé, sans technologies, sans épiceries. Sans peur et sans reproche. Et surtout sans se plaindre au sujet de la conciliation travail-famille. Elles n’avaient pas le temps. On dirait qu’à mesure que la vie s’est adoucie au fil des ans, la vaillance, le courage et la force de caractère s’en sont allés. Ces femmes exceptionnelles nous ont laissé un immense pays. À nous de nous montrer à la hauteur pour la suite. Cessons de gratter nos innombrables bobos réels ou fictifs. Et affrontons la vie plutôt que de la subir. Si elles nous voyaient par moments, elles n’en croiraient pas leurs yeux. Et elles seraient jalouses de nos facilités et riraient de nous voir nous plaindre la bouche pleine. Leur secret : plus de travail physique et moins de mental.
— Michel Favreault
Claire Kirkland-Casgrain, pour l'égalité
Le féminisme est un mouvement qui prône l’égalité des femmes et des hommes dans toutes les sphères. En 1979, j’étudiais à l’université et lors d’un cours en droit des affaires, j’ai appris que 15 ans plus tôt, une femme ne pouvait signer des contrats, car juridiquement, elle était considérée comme incapable, c’est-à-dire comme les enfants ou les personnes souffrant de déficience. Quel choc ! Merci à Claire Kirkland Casgrain qui a fait adopter le projet de loi 16 donnant l’égalité juridique aux femmes mariées du Québec. Elle a vraiment fait une différence pour nos droits.
— Marjolaine Veillette
K.D. Lang, pour les droits des LGBTQ
En plus de ses nombreux prix dans le milieu musical, elle a obtenu plusieurs distinctions, dont celle de chevalier de l’Ordre du Canada, de même qu’un doctorat honorifique de l’Université de l’Alberta. Elle est également membre du Panthéon canadien de la musique, et la première grande vedette de la scène musicale internationale à se présenter ouvertement comme lesbienne. K. D. Lang est une « dykon », ou une icône de la culture LGBTQ, dans plusieurs pays du monde. Un exemple de détermination, d’authenticité et de témérité au moment où la réprobation sociale envers l’homosexualité était virulente, le danger d’exclusion omniprésent et le jugement social sans appel. Une femme remarquable dont le courage n’a d’égal que la somptuosité de sa voix.
— Francine Duval
Ma conjointe, Sylvie
Déterminer mon héroïne à moi, ce n’est pas compliqué ! Il s’agit de ma conjointe Sylvie qui est toujours assise à mes côtés depuis le premier octobre 1974, malgré mes loisirs qui ont pris beaucoup trop de place dans ma vie.
— Guy Sirois, Québec
Ma mère, Denise Boileau
Maman était une femme hors du commun. Tous ceux qui ont eu la chance de la connaître plus intimement le savent. Avec un cœur plus grand que nature, elle était une géante du don de soi. Le fameux « donner au suivant », elle le pratiquait au quotidien. Elle a vécu toute sa vie avec les yeux grand ouverts. Sur la beauté. Et sur la détresse humaine. C’était un réflexe pour elle de prendre soin des autres, sans rien attendre en retour. Même des inconnus à qui elle offrait son aide spontanément, toujours avec le cœur généreux. Combien de personnes a-t-elle ainsi prises sous son aile ? Timide, maman n’a jamais voulu être sous les feux des projecteurs. Pourtant, Fred Pellerin aurait pu faire d’elle une légende : la femme aux cartes ! Maman distribuait des perles de bonheur en envoyant des cartes d’anniversaire, de Saint-Valentin, de Noël avec un message personnalisé pour chacun. Quel plaisir de les découvrir dans la boîte aux lettres ! Mots d’encouragement, paroles apaisantes, félicitations, elle trouvait toujours les mots justes pour réchauffer le cœur. Si on avait pu cloner maman en série, notre monde aurait indéniablement été meilleur.
— Lucie Boileau
Jacqueline Bourgeois, mon enseignante au primaire
En plus d’avoir à sa charge des enfants et des adolescents de la première à la septième année, elle devait allumer le poêle à bois pour qu’il fasse chaud à l’arrivée des élèves. Cette enseignante de notre petit village sur la Côte-Nord, Moisie, qui malheureusement n’existe plus, nous préparait pour le spectacle de Noël et le spectacle de fin d’année sur son temps. Elle a changé le monde pour moi et pour peut-être bien d’autres de mes amis d’enfance.
— Mireille Gallienne, Sept-Îles
Ma grand-mère maternelle, visionnaire
Ma grand-mère maternelle était une femme visionnaire. Elle a eu 10 enfants : 8 filles et 2 garçons. Sachant que selon les habitudes de l’époque ce serait les garçons qui hériteraient de la terre, elle a décidé de faire instruire ses filles. Dans les années 20, il n’était pas facile de gagner assez d’argent pour faire instruire huit personnes, surtout sur une ferme. En prenant cette décision, elle est devenue une femme d’affaires avec une mission. Voici ce qu’elle a mis en place pour réussir ce tour de force : élevage de moutons pour la laine, des poules pour les œufs et la viande, immense jardin pour les fruits et légumes. L’été elle attelait les chevaux devant sa charrette et allait vendre ses produits au village. L’hiver, elle cadrait et filait la laine pour en faire des bas, des mitaines et d'autres articles pour sa famille et pour son négoce. Ainsi, elle a réussi à faire instruire ses filles afin qu’elles deviennent institutrices. Elle a appris à ma mère la débrouillardise, l’importance d’avoir des rêves et de les réaliser. Je suis née dans une famille nombreuse, sans fortune, mais riche en relations humaines. Nous avons toujours eu une bonne alimentation variée, des vêtements retravaillés confortables, mais surtout, nous étions parmi les meilleurs de nos classes à l’école. Nous sommes débrouillards, créatifs et travailleurs. À nous, les quatre filles, ma mère nous a appris l’importance de l’autonomie financière. À mes fils, j’ai tenté de transmettre des qualités de leadership et aussi de cœur. Je leur ai souvent parlé de ces deux femmes qui ont marqué ma vie et, par le fait même, la leur.
— Suzanne Tardif
Simone Veil et mère Teresa
Je ne pense pas qu’une femme ait le désir de changer le monde. Elles veulent un monde meilleur pour elles-mêmes. Des femmes, par leurs actions, ont eu une influence significative dans plusieurs domaines. Par exemple, rétrécir le fossé entre les genres et, je pense à Simone Veil, ouvrir des voies d’épanouissement personnel, professionnel et social aux femmes. Mais une femme en particulier retient mon attention en ce 8 mars parce que son action a éveillé la conscience et changé le cœur de l’homme par rapport à la misère et la souffrance d’une grande partie de l’humanité la plus pauvre de la terre. Il s’agit de sainte Teresa de Calcutta, prix Nobel de la paix en 1979, qui, par son action éducative, personnelle, caritative et la fondation de sa communauté des Missionnaires de la Charité, mérite, en même temps que la sainteté, notre admiration et notre plus profond respect. Les femmes les plus grandes ne sont pas celles qui font le plus de bruit et elles incarnent en silence ce qu’il y a de meilleur en nous-mêmes.
— Roch Bouchard
Catherine-Emmanuelle Delisle, pour celles sans enfant
Il y a un peu plus de cinq ans maintenant naissait un blogue intitulé Femme sans enfant dont l’instigatrice est une jeune femme vivant cette réalité qu’elle n’acceptait pas. Confrontée à cette problématique, à la suite de nombreuses consultations auprès de divers spécialistes, et voyant le manque de soutien pour des personnes vivant cette situation, elle plonge ! Elle veut aider. Depuis toutes ces années, elle maintient bénévolement cet outil, fait des entrevues, provoque des rencontres Meet up, collige des données, informe, écoute sans pour autant donner de conseils, ce n’est pas sa formation. Elle soutient à sa façon ces femmes qui, par choix ou par circonstances de la vie, n’ont pas d’enfant et qui font face aux nombreux préjugés entretenus par la société à leur sujet. Enseignante, elle consacre aussi plusieurs heures au soutien de ce blogue et aux rencontres qui maintenant s’organisent tant à Québec qu’à Montréal. Elle a aussi créé un groupe à Paris et un autre est en formation à Arles, dans le sud de la France. Les nombreux témoignages de remerciements qu’elle reçoit me font dire qu’elle est la mère Teresa de toutes ces femmes qui vivent une réalité différente, mais combien éprouvante pour certaines. Elle caresse maintenant le rêve de partager sa réalité en donnant des conférences pour faciliter ainsi la rencontre de ces femmes. Ce qu’elle a amorcé avec brio, non sans peine et efforts. La France lui fait maintenant coucou ! Bravo à cette femme unique, qui s’est donné cette mission d’aider les femmes sans enfant par son blogue femmesansenfant.com, mission fort louable. Bravo, je t’admire et je t’aime.
— Denise Martel, ta mère qui ne sera pas grand-mère et que tu surnommes « la mémé ».
Épouse du documentariste Michel Moreau décédé de la maladie d’Alzheimer en 2012, elle a partagé, dans un ouvrage publié aux éditions de l’Homme au titre évocateur J’ai commencé mon éternité, son expérience d’accompagnement de ce grand malade pendant 14 ans. Son mari hébergé pendant six ans à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal dans une chambre partagée, elle a mené avec détermination une campagne pour que l’institution se dote de chambres de fin de vie. Elle voulait que cesse la pratique inhumaine de laisser vivre dans leur chambre commune l’agonie de résidants au vu et au su de leurs compagnons d’infortune. L’institution s’est finalement rendue à ses arguments et quelques chambres de fin de vie accueillantes et chaleureuses y ont maintenant été aménagées.
Elle continue par ailleurs de s’impliquer pour les aînés. En collaboration avec la faculté de médecine de l’Université de Montréal, elle agit à titre de consultante, de conférencière et d’animatrice pour que se développe avec les aînés une approche dite Patient partenaire de soins (PPS). Il s’agit d’une petite révolution à introduire dans les rapports entre soignants et patients pour que l’expérience et le vécu de ces derniers soit davantage pris en compte. Ce volet pour les aînés du projet PPS est dirigé par les médecins Paule Lebel et Louise Authier.
— Michel Carbonneau