LNH

Et si on se limitait à quatre tours au repêchage ?

Les agents des joueurs de la LNH veulent réduire le nombre de tours au repêchage de sept à quatre, nous a appris l’informateur Elliotte Friedman le week-end dernier. L’Association des joueurs pourrait même en débattre lors de la prochaine négociation de la convention collective.

On comprend la position du clan des joueurs. Très peu d’espoirs repêchés à compter du cinquième tour reçoivent une offre de contrat. Ils sont pourtant liés à leur organisation pour deux ans dans le cas d’un hockeyeur junior et quatre ans pour un joueur de la NCAA.

Pour les équipes de la LNH, il s’agit d’un moyen de maintenir un contrôle sur un plus grand nombre de joueurs et ainsi limiter une surenchère pour des athlètes qui se développeraient sur le tard. Les agents veulent justement augmenter le pouvoir de négociation des athlètes boudés après quatre tours au repêchage.

Prenons le Canadien. En 15 cuvées, entre 2020 et 2006, l’équipe a repêché 65 joueurs dans les quatre premiers tours. Vingt-deux d’entre eux ont disputé au moins 100 matchs dans la LNH (34 %), dont 17 repêchés dans les deux premiers tours (26 %).

Quarante-trois espoirs ont été choisis par l’équipe à compter du cinquième tour au cours de la même période. Seulement quatre ont disputé au moins 100 matchs dans la LNH (9 %). Les quatre heureux élus ? Brendan Gallagher, Jake Evans, Michael Pezzetta et Charles Hudon. Seul Gallagher a été un joueur d’impact.

Si le Canadien avait été entiché à ce point par Gallagher en 2010, aurait-il modifié sa stratégie ? Aurait-il attendu le cinquième tour, au 147rang, pour le repêcher ?

Gallagher, après tout, venait de connaître une saison de 41 buts et 111 points à 17 ans à Vancouver, dans la Ligue junior de l’Ouest, mais il était petit et n’était pas le patineur le plus élégant.

Le Tricolore aurait-il tenté d’acquérir un choix supplémentaire au quatrième tour ? Aurait-il préféré Gallagher à Mark MacMillan, repêché au quatrième tour, un patineur un peu plus élégant, mais un choix plus difficile à évaluer puisqu’il jouait dans la Ligue junior A en Colombie-Britannique, un circuit inférieur à celui de Gallagher ?

Rien n’aurait empêché non plus le Canadien d’inviter Gallagher à son camp de développement estival ou au camp des recrues, si celui-ci avait été ignoré au repêchage. Et qui sait, lui offrir un contrat par la suite ? Après avoir vécu la déception d’être boudé, Gallagher aurait au moins eu le loisir de choisir son organisation parmi les 30 clubs de la LNH.

Arber Xhekaj a suivi un tel parcours. Il a été ignoré lors des repêchages de 2020 et de 2021. Au moins deux organisations, le Canadien et les Panthers de la Floride, l’ont invité au camp d’entraînement de septembre 2021. Xhekaj a eu le loisir de choisir. Il a opté pour le club le moins bien nanti en défense et il a accédé à la LNH l’année suivante.

S’il avait été repêché sur le tard en 2020 ou 2021, Xhekaj aurait été lié à une organisation et aurait risqué de poireauter dans les mineures parmi les espoirs de bas de gamme au sein d’un club riche en défenseurs.

L’exemple d’Arber Xhekaj illustre bien la volonté des agents de réduire l’emprise des équipes sur les joueurs moins convoités au départ.

Il fut une époque où le repêchage comportait 12 tours. Mais il y avait une vingtaine de clubs seulement, ne l’oublions pas. En 1991, les clubs ont repêché 264 joueurs répartis sur 12 tours. En 2023, 224 espoirs ont trouvé preneur en sept tours.

On a retranché un tour en 1992, l’année où deux nouveaux clubs ont accédé à la LNH, le Lightning de Tampa Bay et les Sénateurs d’Ottawa. Le nombre de tours est passé de onze à neuf en 1995, avec deux autres équipes nées deux ans plus tôt, les Panthers de la Floride et les Mighty Ducks d’Anaheim.

La LNH est passée à la formule actuelle de sept tours après le lock-out de 2005. Qui sait où se serait retrouvé le défenseur Mark Streit, un choix de neuvième tour du Canadien en 2004… à 26 ans ?

Le repêchage de la NBA compte seulement deux tours. Mais chaque équipe compte 15 joueurs, 8 de moins que dans la LNH. Il y a 7 tours de repêchage dans la NFL, mais chaque formation possède 53 joueurs, 30 de plus que dans la LNH.

Un changement des règles défavoriserait par contre une catégorie d’équipes. De petits marchés comme Buffalo, Winnipeg ou Ottawa seraient désavantagés par rapport à New York, la Floride, Boston ou Toronto. Mais l’exemple de Xhekaj nous permet de constater qu’un athlète peut privilégier l’avancement de sa carrière à l’avantage de se retrouver dans une grande ville américaine…

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