Les distributeurs mis à rude épreuve
Il y a deux mois, le distributeur Atlas Médic a vu ses activités s’effondrer du jour au lendemain. « On est passé de 100 % à des "peanuts" », explique Yvan Laflamme, président de la PME de Saint-Augustin- de-Desmaures.
Ses clients réguliers (ergothérapeutes, podiatres, entre autres) ne commandaient plus rien, étant en congé forcé. Refusant d’aller en congé forcé, M. Laflamme a multiplié les appels afin de s’approvisionner en matériel médical de première ligne.
Disposant normalement d’un catalogue d’environ 10 000 produits, il s’est retrouvé à vendre un noyau d’outils de protection (masques, combinaisons, gants, thermomètres, etc.), mais en centaines de milliers d’unités.
« On avait le choix : se rouler en boule et pleurer en attendant que ça passe ou se retrousser les manches. On a décidé d’aller au front. »
— Yvan Laflamme, président d’Atlas Médic
Détenteur d’une LEIM (licence d’établissement d’instruments médicaux), Atlas Médic aurait dû normalement vendre davantage de matériel, croit M. Laflamme. « On a vu beaucoup de gens s’improviser distributeurs, déplore-t-il. Je comprends qu’on est en mode crise, mais à la base, il aurait fallu prioriser les entreprises ayant une LEIM. »
La jungle
Novatech Medical aurait normalement de quoi se réjouir. Des moniteurs servant à mesurer les signes vitaux, des thermomètres et autres civières, elle en a vendu énormément depuis la mi-mars. Depuis, en fait, que des unités médicales ont été mises en place dans la lutte contre la COVID-19. Pourtant, les revenus de cette PME de Sainte-Julie n’ont pratiquement pas augmenté.
« Si je compte le nombre de soumissions que j’ai remplies versus celles que j’ai gagnées, la moyenne est plutôt basse. On a travaillé très, très fort, mais les revenus n’ont pas suivi », explique Simon Lagacé, vice-président, développement des affaires.
Distribuer du matériel médical en temps de crise a été (et demeure) un défi de tous les instants, raconte M. Lagacé. Ses deux plus gros irritants depuis le début de la crise : des stocks convoités par tous et des bons de commande qui tardent à être officialisés par les autorités de la santé. « La bureaucratie est soudainement devenue lourde », dit, en substance, M. Lagacé.
Or, la PME québécoise a réussi malgré tout à se maintenir à flot. Son secret : travailler en étroite collaboration avec des manufacturiers, principalement d’Allemagne. Malgré des frais de livraison en hausse et trop de colis momentanément égarés, Simon Lagacé garde le moral.
« Je ne pense pas qu’on va changer de stratégie, dit-il. On s’est ajusté dès le début. Je pouvais donner des réponses rapidement. C’est du côté des clients que ç’a été plus lent. »
Selon Valérie Bélanger, professeure adjointe au département de gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal, la crise actuelle ne fera qu’accélérer le cours des événements.
« Le secteur de la santé était déjà en réflexion, explique-t-elle. Je ne pense pas que la chaîne d’approvisionnement sera complètement revue, mais fort probablement adaptée. Ça va certainement accélérer la réflexion et l’implantation de nouvelles pratiques. »