Protection du français

L’ après- « bonjour-hi »

À quelques jours de la rentrée parlementaire, la protection du français se taille une place dans les débats politiques à Québec. Le gouvernement Legault promet de déposer de nouvelles mesures pour mieux protéger la langue officielle du Québec. Alors que le Parti québécois – à l’origine de la loi 101 – termine une course décisive pour son avenir, et que tous les partis ont exhorté les commerçants à laisser de côté le « bonjour-hi » pour ne garder que le mot « bonjour », quelles sont leurs attentes envers le plan que doit déposer Québec ?

UN DOSSIER D’HUGO PILON-LAROSE

Qui sera l’héritier de Camille Laurin ?

À près de deux ans des prochaines élections, les militants du Parti québécois choisiront leur nouveau chef le 9 octobre prochain. Mais avant, les quatre candidats à la succession de Jean-François Lisée croiseront le fer lors de débats virtuels le 26 août, le 8 et le 22 septembre. Alors que le gouvernement de la Coalition avenir Québec s'attaquera de front à la question linguistique à l’automne, que proposent ceux qui veulent diriger le PQ afin de protéger l’héritage d’un des leurs, feu Camille Laurin, père de la Charte de la langue française ?

Sylvain Gaudreault

Déposer une nouvelle loi 101

Quand le député de Jonquière, Sylvain Gaudreault, marche dans les rues de Montréal, il est consterné ces jours-ci par la multiplication des chevalets promotionnels qu’installent certains commerces sur les trottoirs. Selon lui, une part grandissante de ces publicités s’affichent en français d’un côté, puis en anglais de l’autre.

« Ça peut paraître anecdotique, mais pour moi, c’est symptomatique. C’est le symbole de l’anglicisation progressive de Montréal. Et ce qui n’est pas banal, c’est que ça s’étend dans les quartiers traditionnellement francophones », affirme l’aspirant chef péquiste.

Sylvain Gaudreault veut que Montréal soit « aussi français que Toronto est anglais ».

« Il faut réécrire la loi 101. Refaire une loi 101 selon la réalité d’aujourd’hui, qui a beaucoup changé depuis 1977. »

— Sylvain Gaudreault

En matière d’éducation, M. Gaudreault propose de réduire le financement des cégeps anglophones au poids de la minorité historique anglophone du Québec. Cette mesure, plaide-t-il, freinera la croissance d’établissements comme le collège Dawson, à Montréal, et ramènera les élèves francophones ou allophones dans le réseau francophone.

Sylvain Gaudreault veut aussi forcer la Ville de Montréal à prévoir un plan d’action pour renforcer la place du français dans l’élaboration de son prochain plan stratégique. Après tout, déplore le député, moins de 50 % des Montréalais ont déclaré avoir comme langue maternelle le français, selon le plus récent recensement.

Paul St-Pierre Plamondon

Déclarer l’« urgence linguistique »

Paul St-Pierre Plamondon veut déclarer l’état d’urgence. L’état d’urgence linguistique. L’avocat de formation, qui tente pour la deuxième fois de devenir chef du Parti québécois, estime que le Québec doit cesser le « bilinguisme institutionnel » et parler uniquement en français aux entreprises.

« Il faut cesser de présumer au Québec que tous les services sont bilingues. […] J’ai vécu au Danemark [et dans d’autres pays du monde]. On y utilise la langue officielle comme langue de communication. »

— Paul St-Pierre Plamondon

Dans un premier temps, s’il est élu chef, M. St-Pierre Plamondon veut étendre l’application de la loi 101 aux entreprises de 25 à 50 employés, alors qu’elle n’est pour l’instant appliquée qu’aux entreprises de 50 employés et plus. Comme le PQ l’a réclamé par le passé, il souhaite aussi que la loi soit appliquée aux entreprises de compétence fédérale, comme les banques.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, l’aspirant chef péquiste veut aussi imposer une épreuve de français à tous les élèves des cégeps anglophones afin qu’ils obtiennent leur diplôme. Pour l’instant, ces élèves ne doivent passer qu’une épreuve uniforme d’anglais, leur langue d’enseignement, de la même façon que les élèves des cégeps francophones passent cette même épreuve en français.

Guy Nantel

La souveraineté avant tout

Comme ses pairs, Guy Nantel promet de réaliser la souveraineté du Québec. Cela réglera, dit-il, un problème fondamental pour la protection du français : le fait que la province n’a pas le statut de pays, avec une seule langue officielle inscrite dans sa Constitution.

Comme il le répète depuis le début de la course, l’humoriste affirme que toutes les réformes sociales et politiques qu’il propose ne seront pas faites avant la tenue d’un référendum sur l’indépendance du Québec. Et ce, dans la première moitié d’un premier mandat.

Entre-temps, « il n’y a vraiment plus beaucoup de protection du français. Depuis quelques décennies, depuis l’arrivée des libéraux au pouvoir, il y a eu un laisser-aller. Le français est laissé à lui-même », déplore-t-il.

M. Nantel, qui a dévoilé sa plateforme dans la course à la direction du PQ mardi dernier, affirme qu’un Québec souverain déclarerait le français comme sa seule langue officielle et qu’il étendrait la loi 101 aux cégeps et à l’obtention des diplômes d’études professionnelles.

« Dans un Québec indépendant, j’instaurerai aussi comme mesure un taux d’imposition supplémentaire pour les entreprises qui veulent avoir des marques de commerce en anglais, comme Best Buy. […] Si les marques de commerce ne sont pas adaptées, comme Staples qui est Bureau en gros au Québec, ils paieront un petit pourcentage de leur profit chaque année. »

— Guy Nantel

« Ces montants serviront à financer directement les cours de francisation des immigrants », promet Guy Nantel.

Sur la question de l’immigration, l’humoriste et aspirant chef se dit favorable à ce qu’on exige une connaissance minimale du français avant l’arrivée au Québec. M. Nantel souhaite aussi commander une première étude neutre pour répondre à l’éternelle question de la « capacité d’intégration » réelle du Québec en matière d’immigration.

Frédéric Bastien

Moins d’immigrants

Frédéric Bastien estime que le Québec doit réduire le nombre d’immigrants qu’il accueille chaque année afin de protéger la langue française.

« Choisir seulement les immigrants francophones et éduqués, qui n’ont pas besoin d’être francisés, c’est pour moi la clé principale pour enrayer le recul du français au Québec. [En plus], les gens éduqués en général partagent nos valeurs laïques. »

— Frédéric Bastien

L’enseignant en histoire au collège Dawson estime qu’il y a « des ghettos » à Montréal où des immigrants peuvent ne parler qu’en anglais ou dans leur langue d’origine. Cela fait en sorte que la francisation des nouveaux arrivants cesse à leur arrivée dans la province.

« J’ai aussi lancé une campagne [contre] le “bonjour-hi” et je n’irai pas débattre en anglais [au débat des chefs] si je deviens chef du PQ. Il faut envoyer le bon message, c’est une question de cohérence. S’il y a une possibilité de ne pas apprendre le français, c’est la loi du moindre effort qui va prévaloir. Si on débat en anglais, on lance le message que ce n’est pas grave, qu’on va parler en anglais de toute façon », déplore-t-il.

En matière de communication, Frédéric Bastien estime aussi que Québec doit cesser de communiquer en anglais avec les citoyens qui le demandent, à l’exception de la communauté historique anglophone.

La petite histoire du « bonjour-hi »

Depuis quelques années, le « bonjour-hi » n’est pas étranger aux oreilles montréalaises (ni même à celles des secteurs touristiques ailleurs au Québec). Mais c’est en novembre 2017, à la période des questions du jeudi matin au parlement de Québec, que cette façon d’accueillir des clients dans les commerces est revenue en force dans l’actualité. À l’époque, l’ancien chef du Parti québécois Jean-François Lisée avait proposé d’adopter une motion pour que l’Assemblée nationale reconnaisse que le « bonjour-hi » est un « irritant ». Au Salon bleu, il s’était finalement entendu avec le premier ministre libéral Philippe Couillard pour revoir le libellé de sa motion, car ce dernier affirmait que « l’expression qu’il mentionne à répétition, et qu’il qualifie d’irritante, ce n’est pas une menace pour le français, ce n’est pas un recul pour le français ». La motion qui a finalement été adoptée par tous les élus était la suivante : « Que l’Assemblée nationale réaffirme clairement à tous que le français est la langue officielle et commune du Québec ; qu’elle prenne acte que 94 % des résidants du Québec comprennent le français ; qu’elle rappelle que le mot “bonjour” est un des mots de la langue française les plus connus chez les non-francophones du monde ; qu’elle rappelle que ce mot exprime magnifiquement la convivialité québécoise. […] [En conséquence], elle invite tous les commerçants et tous les salariés qui sont en contact avec la clientèle locale et internationale à les accueillir chaleureusement avec le mot “bonjour”. »

Préserver le consensus

Si la loi 101 divisait la société au moment de son adoption, elle jouit aujourd’hui d’un consensus au sein de la classe politique. Le Parti libéral et Québec solidaire parlent d’une même voix quant à l’importance de revoir certaines mesures et de les adapter aux défis d’aujourd’hui. Mais certainement pas quant aux moyens pour y parvenir. Tour d’horizon.

Parti libéral du Québec

Des cours de français pour tous

Les libéraux réclament un droit d’apprendre le français gratuitement pour tous les citoyens du Québec. Qu’il s’agisse d’anglophones, d’allophones ou même de francophones qui voudraient parfaire leur maîtrise du français.

Gregory Kelley, député libéral de la circonscription de Jacques-Cartier, dans l’ouest de Montréal, a même déposé un projet de loi en décembre 2019 en ce sens. À la commission parlementaire qui étudiait les crédits budgétaires en matière de langue française, mardi, le ministre Simon Jolin-Barrette a salué cette idée. Il a même évoqué la possibilité de mettre son projet de loi à l’étude ou d’inclure ce qu’il propose au plan d’action qu’il promet de déposer prochainement.

Hélène David, critique libérale en matière de langue française, croit que le ministre caquiste veut protéger le consensus qui entoure la Charte de la langue française. Elle propose tout de même de revoir les structures et les mandats des différents organismes, comme l’Office québécois de la langue française et le Conseil supérieur de la langue française. Dans cette deuxième instance, plusieurs postes n’ont pas été pourvus ces dernières années. Il y manquerait près de 30 % des effectifs, rappelle-t-elle.

« Il s’agit d’un des taux d’absentéisme les plus élevés des ministères et organismes, alors que c’est une entité qui est sous-estimée et sous-valorisée », déplore-t-elle.

La députée souhaite également que Québec reconduise le programme de jumelage linguistique « J’apprends le français », suspendu jusqu’à nouvel ordre en raison de la COVID-19. Ce programme, lancé en 2016 dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal, jumelait des commerçants qui voulaient améliorer leur français à des étudiants.

« Ça, c’est concret et ça parle au monde », affirme Mme David.

« Le français est toujours une langue à protéger et à valoriser, particulièrement à Montréal. Il ne faut pas baisser la garde et il ne faut pas arrêter de penser à de nouvelles mesures pour aider ceux qui ne parlent pas français à l’apprendre. »

— Hélène David, critique libérale en matière de langue française

Québec solidaire

Étendre la loi 101

Québec solidaire veut donner plus de mordant à la loi 101. La Charte de la langue française exige actuellement des entreprises de 50 employés et plus qu’elles démontrent que le français est la langue de fonctionnement de leur organisation. Les solidaires proposent d’étendre les obligations de la loi aux entreprises de 10 employés et plus.

« L’état du français au Québec est problématique. Il recule lentement, mais sûrement. La loi 101 dans les années 70 a vraiment aidé à freiner ce recul, mais 40 ans plus tard, ce n’est plus suffisant. »

— Sol Zanetti, député solidaire de Jean-Lesage, à Québec

Il demande au ministre Simon Jolin-Barrette de prévoir des mesures spéciales pour Montréal dans son plan d’action qu’il déposera sous peu. C’est dans la métropole que la situation est selon lui la plus urgente. Il aimerait aussi que l’on assujettisse les entreprises de compétence fédérale à la loi 101.

En commission parlementaire, mardi, le ministre Jolin-Barrette a affirmé qu’il avait l’intention de le faire. À ce jour, les entreprises de compétence fédérale qui sont présentes au Québec ne sont pas assujetties aux obligations de la loi 101. Il s’agit des banques, d’entreprises ferroviaires et maritimes et du secteur des télécommunications, entre autres. Lors de la dernière campagne électorale fédérale, le premier ministre François Legault avait aussi envoyé une lettre aux chefs de parti à Ottawa pour qu’ils s’engagent à le faire.

« C’est un engagement que seul un parti indépendantiste peut réaliser parce que ça suppose d’avoir des pouvoirs entiers sur la langue au Québec, ce qui n’est pas le cas [actuellement]», estime pour sa part Sol Zanetti.

« Il y a une confusion qui est entraînée au sujet de notre langue commune par le fait qu’on est une province canadienne. On est dans un pays qui a deux langues officielles. En faisant l’indépendance, on aurait une seule langue, le français. […] Ça améliorerait l’adhésion des nouveaux arrivants à la communauté francophone », ajoute-t-il.

La place du français au Québec

Lors du dernier recensement de Statistique Canada, portant sur des données récoltées en 2016, l’organisme fédéral notait que « l’usage du français recule dans la sphère privée, et ce, tant dans l’ensemble du Canada qu’au Québec, principal foyer de la langue française au pays ».

De 2011 à 2016, le français comme langue maternelle est passé au Québec de 79,7 à 78,4 %. De plus, « la proportion de la population ayant déclaré ne parler que le français à la maison a diminué, passant de 75,1 % à 72,8 % ».

Par contre, « la part de la population québécoise n’ayant ni le français ni l’anglais comme langue maternelle et qui a déclaré parler l’anglais le plus souvent à la maison (seul ou en combinaison avec une autre langue que le français) représentait 19,7 % en 2011 comparativement à 20,3 % en 2006 et 22,1 % en 2001 », notait Statistique Canada.

En 2016, 94,5 % des Québécois ont affirmé être capables de soutenir une conversation en français. Il s’agit d’un portrait sensiblement identique à ce qu’il était au recensement précédent, en 2011, à 94,4 %.

Durant la même période, le poids de la minorité anglophone est passé de 13,5 à 14,5 % au Québec, soit une hausse d’environ 100 000 personnes.

Dans une étude de l’Institut de la statistique du Québec commandée par l’Office québécois de la langue française, publiée plus tôt ce mois-ci, l’organisme dévoile que près de 40 % des entreprises québécoises exigent des connaissances en anglais à l’embauche. Parmi ces entreprises, 21,2 % ont exigé des compétences en anglais l’ont fait en raison de la nécessité de parler anglais « à l’intérieur » de l’organisation.

La bataille du  nationalisme

À l’automne et pour les mois à venir, les partis politiques joueront la carte du nationalisme à Québec. Le gouvernement Legault présentera d’abord un plan « costaud » de défense du français. À près de deux ans des prochaines élections (déjà !), ses adversaires devront se positionner.

Québec — Depuis que le Québec a franchi la première vague d’infections à la COVID-19, les débats ont repris à l’Assemblée nationale. Avec les ravages que cause le coronavirus, l’économie, la santé et l’éducation sont au cœur des discussions. Mais à travers ces enjeux, un thème éternel en politique québécoise reprend ses droits au Salon bleu : le nationalisme, exprimé ces jours-ci par la défense du français.

Le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, présentera sous peu un plan « costaud », a-t-il promis la semaine dernière. À l’étude des crédits, il a même réitéré qu’il souhaitait assujettir les entreprises de compétence fédérale à la loi 101, comme l’avait promis son parti.

« Depuis qu’on se déconfine, les questions politiques se déconfinent aussi et on arrive à parler d’autres sujets. La question nationale aura plusieurs occasions de renaître », remarque Marc Chevrier, professeur au département de science politique de l’UQAM.

« La langue est toujours un enjeu rassembleur chez les francophones. La question linguistique est très politisée. C’est dans l’intérêt des partis politiques [de le faire] », rappelle son collègue de l’Université Concordia, le politologue Guy Lachapelle.

« On mesure le nationalisme aux politiques que l’on met de l’avant. Tout le monde, à deux ans des élections, va jouer un peu cette carte-là », ajoute-t-il.

Des partis en redéfinition

Depuis l’élection de 2018, les partis politiques sont en redéfinition, analyse de Québec Éric Montigny, professeur de science politique à l’Université Laval. Avec sa victoire, dit-il, la Coalition avenir Québec est devenue le parti porteur du nationalisme québécois, même s’il ne se positionne pas dans la traditionnelle ligne de fracture entre la souveraineté et le fédéralisme.

« On est dans une nouvelle période où le nationalisme québécois se définit à l’extérieur du clivage Oui-Non. C’est majeur comme changement », affirme M. Montigny.

« L’indépendance ne fait plus partie des éléments dominants dans le nationalisme québécois. On retrouve davantage les questions concernant l’immigration, l’identité, la fierté et le rayonnement du Québec. Ce changement fait que des partis comme le Parti libéral ou le Parti québécois ont perdu leurs repères. »

— Éric Montigny, professeur de science politique à l’Université Laval

L’enjeu de l’indépendance étant pour l’instant écarté, « il y a du nationalisme à différentes sauces », rappelle pour sa part Guy Lachapelle. Certains vont se concentrer sur les questions de nationalisme économique, comme la CAQ, alors que d’autres iront vers les questions identitaires ou culturelles, comme au Parti québécois. Les libéraux ou Québec solidaire, observe-t-il, vont davantage au front avec un nationalisme civique et la question du respect des droits.

Lors de la course à la direction du Parti libéral, la nouvelle cheffe, Dominique Anglade, avait déclaré qu’elle voulait que son parti revienne au nationalisme qui s’exprimait à l’époque de Robert Bourassa. C’est notamment l’ancien premier ministre libéral qui a fait du français la langue officielle du Québec.

Dans ce contexte, « tout le débat sur la question linguistique sera intéressant [à l’automne] », affirme Éric Montigny, d’autant plus que « la loi 101 a une portée symbolique quasi constitutionnelle » au Québec.

« Le dossier linguistique, pour le Parti libéral, c’est complexe sur le plan électoral. C’est ce parti qui a fait du français la langue officielle du Québec, avec la loi 22, mais ce choix a aussi amené des divisions importantes qui ont contribué à sa défaite en 1976 », rappelle-t-il.

Pour se reconnecter au Québec francophone, « les libéraux doivent redevenir le parti de la Révolution tranquille, croit pour sa part Guy Lachapelle. Avoir un idéal, être plus agressif [avec le fédéral]. De dire que s’il y a une bataille à faire avec Ottawa, on va la faire. Récupérer des transferts en éducation, en santé. […] Ne pas accepter le fédéralisme tel qu’il est. »

« Les libéraux doivent aussi jouer la carte de Montréal et dire aux immigrants, qui sont souvent leur clientèle privilégiée, qu’ils ont une responsabilité aussi à s’intégrer [en français]. De jouer ce nationalisme civique aurait un effet boomerang sur l’électorat francophone. [Robert] Bourassa jouait cette carte », affirme le politologue de Concordia.

Quelle place pour le PQ ?

Dans le contexte actuel, quelle place aura le Parti québécois, qui choisira son prochain chef le 9 octobre ? Le politologue Marc Chevrier, de l’UQAM, affirme que le parti fondé par René Lévesque est confronté à une question existentielle : « [Pourra-t-il] durer, persister dans le système partisan, alors que l’on est dans un système électoral où le multipartisme est généralement transitoire ? »

Un point encourageant pour le PQ, croit pour sa part Danic Parenteau, professeur en philosophie et en science politique au Collège militaire royal de Saint-Jean, est que « la crise de la COVID-19 a amené la plupart des sociétés occidentales à revoir leur appartenance nationale ».

« Avec la pandémie, les gens se sont tournés vers leurs gouvernements nationaux pour trouver une solution à la crise. C’est un retour à la nation [face à la mondialisation], et le Québec n’échappe pas à cette dynamique. »

— Danic Parenteau, professeur en philosophie et en science politique au Collège militaire royal de Saint-Jean

Pour les péquistes, le problème est que « ce retour à la nation s’accompagne [aussi] d’un déclin de l’indépendantisme, qui avait longtemps conditionné le nationalisme québécois, affirme M. Parenteau. Ce déclin rend possible l’émergence d’une forme de nationalisme qui n’a plus nécessairement pour projet l’aboutissement du Québec à l’indépendance. C’est ce que la CAQ incarne ».

« Quand il y a des crises comme celle [que l’on peut anticiper] avec les contestations judiciaires de la loi [sur la laïcité], la CAQ n’a pour l’instant pas de réponses. Le Parti québécois doit se tenir prêt », dit-il.

La protection du français au Québec, en quelques dates

1961

En pleine Révolution tranquille, le gouvernement libéral de Jean Lesage crée l’Office de la langue française.

1968

Le gouvernement de l’Union nationale du premier ministre Jean-Jacques Bertrand met en place la Commission d’enquête sur la situation de la langue française et des droits linguistiques au Québec, présidée par le linguiste Jean-Denis Gendron. Son mandat est de proposer des mesures pour protéger les droits linguistiques de la majorité francophone du Québec et ceux de la minorité anglophone.

1969

Le premier ministre Jean-Jacques Bertrand fait adopter la Loi pour promouvoir la langue française au Québec (loi 63), qui prévoit que les enfants qui étudient à l’école anglaise doivent acquérir une connaissance d’usage du français.

1974

Après le dépôt du rapport Gendron, le premier ministre libéral Robert Bourassa fait adopter la Loi sur la langue officielle (loi 22), qui consacre le français comme seule langue officielle du Québec.

1977

Sous la plume de Camille Laurin, le Parti québécois de René Lévesque fait adopter la loi 101, ou la Charte de la langue française. Cette loi fondatrice des politiques linguistiques actuelles du Québec fait du français la langue officielle du travail, de l’enseignement, de la législation, de la justice et de l’administration publique et parapublique. Cette loi restreint également l’affichage commercial en anglais et l’éducation en anglais. La loi a depuis été modifiée à plusieurs reprises, ayant été contestée devant les tribunaux.

2000

Sous la gouverne du Parti québécois, la ministre responsable de la Langue française, Louise Beaudoin, mandate le syndicaliste Gérald Larose pour présider la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec. La Commission dépose en 2001 son rapport, intitulé « Le français, une langue pour tout le monde ».

2002

Le gouvernement du Parti québécois du premier ministre Bernard Landry présente le projet de loi 104, qui donne entre autres à l’Office québécois de la langue française le mandat d’assurer le respect de la Charte de la langue française. La loi prévoit aussi qu’un enfant francophone ou allophone ne peut fréquenter une école anglophone privée pour poursuivre plus tard ses études en anglais dans le réseau public. Cette clause contre les « écoles passerelles » est toutefois invalidée en 2009 par la Cour suprême.

Sources : L’Encyclopédie canadienne, Bilan du siècle – Site encyclopédique sur l’histoire du Québec de l’Université de Sherbrooke, Office québécois de la langue française et Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec

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