Les bars inquiètent la Santé publique de Montréal
La clientèle et les employés de tous les établissements de l’île sont invités à passer un test de dépistage
« Si vous avez été dans n’importe quel bar ou club à Montréal depuis le 1er juillet, allez vous faire tester. » C’est le message qu’a lancé le Dr David Kaiser au nom de la Direction régionale de santé publique de Montréal samedi en fin d’après-midi, après avoir confirmé la présence du virus dans « au moins » cinq établissements de l’île.
« On est assez [certains] que ces cinq établissements représentent la pointe de l’iceberg en termes du risque à Montréal », a dit le chef médical du Service environnement urbain et saines habitudes de vie en conférence de presse téléphonique, en justifiant l’ampleur de la mesure.
Il n’a pas voulu nommer les bars en question, préférant inviter l’ensemble des gens ayant fréquenté des débits de boisson – y compris les terrasses – à passer un test pour pouvoir « avoir un portrait complet de la situation plutôt que d’aller à la pièce ».
Au moins huit personnes ayant fréquenté un bar, comme employé, propriétaire ou client, ont reçu un diagnostic positif de COVID-19. Parmi elles, une seule personne aurait peut-être été infectée directement dans un bar, selon les premières hypothèses, a précisé le Dr Kaiser.
Le nombre pourrait cependant être beaucoup plus élevé, estime la Direction régionale de santé publique.
Le Dr Kaiser a dit juger le risque de transmission plus grand dans les bars en raison de la fréquentation élevée et des difficultés de respecter les mesures. L’augmentation du nombre de cas chez les 20-39 ans a aussi poussé les autorités à chercher les causes.
Avant même l’annonce, les bars concernés savaient qu’une personne infectée s’était trouvée dans leurs établissements. Ils ont rapidement averti leurs clients par l’entremise des réseaux sociaux. C’était le cas notamment du Nacho Libre, de la Voûte et du Annie’s.
Dès qu’un employé du Nacho Libre a annoncé son résultat positif à la COVID-19, vendredi, le resto-bar a fermé ses portes de son propre chef.
« On ne voulait pas se retrouver avec une éclosion, a expliqué au téléphone l’un des copropriétaires, Benoit Galipeau. C’est 100 % par précaution. »
Tous les membres du personnel sont allés se faire tester vendredi. M. Galipeau et l’autre copropriétaire, Pier Bourque, attendaient les résultats avant d’envisager la réouverture.
Ils ont assuré que toutes les mesures étaient en place lorsque l’employé infecté a travaillé – visière pour les serveurs, tables distancées, lavage fréquent des surfaces et des toilettes.
En apprenant l’infection de l’employé du Nacho Libre, la Taverne Cobra, qui devait rouvrir pour la première fois depuis le début du confinement, et le Snowbird Tiki Bar ont aussi suspendu leurs activités.
« On est une petite équipe, on se côtoie », a expliqué le propriétaire des deux établissements, Anthoni Jodoin, en parlant des trois bars de La Petite-Patrie. Son personnel et lui sont allés passer le test, avant l’invitation de la Santé publique de Montréal.
Samedi soir, Antonin Laporte, l’un des copropriétaires du bar à vin Vinvinvin, accueillait les clients, masque et visière sur son visage. Il venait d’apprendre l’invitation au dépistage de la santé publique peu de temps auparavant. « Je trouve ça correct, a-t-il dit. On ne se cachera pas que c’est un milieu où le virus se propage, il y a beaucoup d’échanges. »
Comme d’autres propriétaires de bars, il saluait toutes les mesures qui pourraient freiner le virus – et permettre aux établissements de demeurer ouverts.
« On est en adaptation constante, on vit dans la peur d’être refermés. [Les mesures], c’est mieux que la clé dans la porte. »
— Antonin Laporte, copropriétaire du bar à vin Vinvinvin
Des clients et des employés rencontrés à la terrasse d’un autre bar de Montréal n’avaient quant à eux pas encore entendu parler de la campagne de la Santé publique régionale, en début de soirée ; la nouvelle avait été annoncée aux médias un peu avant 16 h, samedi.
« Je serais ouvert à me faire tester, mais pas si je dois prendre congé », a réagi Maxime Grégoire, un travailleur de la construction qui profitait de sa deuxième soirée en terrasse depuis la réouverture des bars.
« On essaie de privilégier les endroits à l’extérieur, mais on voit que les mesures sont prises, on n’est pas inquiets », a dit John Wilkinson, attablé avec sa femme Lorie.
Peter Sergakis, président de l’Union des tenanciers de bars du Québec, craignait que les clients ne prennent peur. « Et je ne les blâme pas, a-t-il dit. Tant qu’on n’a pas de vaccins ou de médicaments, ils vont se demander : pourquoi aller dans les restaurants et les bars ? »
Le propriétaire d’une quarantaine d’établissements, comprenant des bars et des restaurants, a réitéré son appel aux subventions gouvernementales pour soutenir l’industrie. « C’est important, la santé publique, mais il faut trouver une façon de rester ouverts et de passer à travers sans risquer la santé des clients et des employés », a-t-il dit.
Du côté de la Nouvelle Association de bars du Québec, le président fondateur Pierre Thibault, à l’extérieur de la ville, a fait savoir par son conseiller média que « depuis le début, c’est important de suivre les consignes et de ne pas prendre de [risques] ».
Les personnes qui ont fréquenté les bars de Montréal depuis le 1er juillet sont invitées à composer le 514 644-4545 pour être dirigées vers la bonne ressource.