ROMAN FÉMININ
De Bridget Jones à la
La Presse
Dans les rayons de la librairie Alire, à Longueuil, les livres d’auteures de
québécoise comme Nathalie Roy, Isabelle Laflèche ou Amélie Dubois ne restent jamais bien longtemps.« Pourquoi ? Parce qu’ils sont divertissants, que les héroïnes nous ressemblent juste assez pour qu’on s’y identifie, mais leurs aventures sont suffisamment rocambolesques pour nous permettre l’évasion, estime Manon Trépanier, libraire et copropriétaire de la librairie Alire. Et aussi parce que le dosage humour et tendresse est réussi et offre la possibilité de décrocher, en vacances ou après une longue journée. »
Depuis l’âge d’or de la
, incarnée à la fin des années 90 par les livres à succès de la Britannique Helen Fielding ( ) et de l’Américaine Candace Bushnell ( ), les médias européens ont à plusieurs reprises évoqué la mort de la devant ses héroïnes qui vieillissaient.Des éditeurs comme Marabout, qui possédait sa propre collection de
– Girls in the City – ont même délaissé le créneau pour emprunter la voie du roman érotique, encouragés par le succès phénoménal de .Au Québec, cependant, la production est loin d’avoir ralenti. « Ici, on en produit encore beaucoup, alors que dans la francophonie, si on prend l’exemple de la France ou de la Belgique, on publie surtout des traductions américaines ou anglaises. C’est un genre foisonnant en ce moment », note Marie-Pier Luneau, professeure de littérature à l’Université de Sherbrooke.
Non seulement les lectrices québécoises disposent-elles d’un grand choix de
, mais elles peuvent aussi compter sur des auteures qui publient avec une grande régularité et se diversifient en créant des héroïnes de tous âges et de tous horizons.Les Éditions de Mortagne parviennent à alimenter à un rythme soutenu depuis 2007 leur collection Lime et Citron, destinée aux lectrices de
de 25-45 ans, ainsi qu’une collection de « teen chick lit » – Génération Filles – , spécifiquement adressée aux adolescentes depuis 2012.Du côté des Éditeurs réunis, on a également introduit il y a deux ans de la
pour lectrices plus matures, avec des titres comme (de Francine Gauthier) et (de Rosette Laberge).Amélie Dubois a même intégré à ses romans des héroïnes de 30 à 40 ans après avoir constaté qu’il n’y a pas que des lectrices de 25 ans parmi ses fans, souligne Karine Bergevin, chargée de promotion chez Les Éditeurs réunis.
Au-delà de la « teen chick lit » et de la « granny lit », il s’est par ailleurs développé aux États-Unis des sous-catégories comme la « fantasy chick lit » et la « christian chick lit » pour les lectrices qui désapprouvent le comportement sexuel pas toujours « irréprochable » de l’héroïne de
traditionnelle, ajoute Marie-Pier Luneau.Une chose est sûre, l’héroïne de
à la « Bridget Jones », jeune, branchée et urbaine, n’est plus la norme.Amélie Dubois confiait en entrevue avec
, en 2013, avoir voulu créer un univers aux antipodes de , où les héroïnes sont des filles ordinaires qui n’ont pas nécessairement des vies glamour. Marie-Pier Luneau remarque de son côté qu’un nombre croissant de romans de ne se passent plus en ville, mais en campagne.« À l’époque, la
était très New York, Londres, Montréal Plateau… Ce qui la définissait, c’était la jeune femme trentenaire et urbaine, affirme Johanne Guay, vice-présidente à l’édition au Groupe Librex. et ont porté selon moi ce phénomène de façon magistrale. Pour nous [au groupe Librex], la grande prêtresse de la reste Rafaële Germain, qui a publié ses romans dans le grand mouvement du dans les années 2000. »« Les auteures qui ont écrit ces romans ont vieilli, elles n’ont plus 30 ans. Elles ont déménagé en banlieue, ont eu des enfants… leurs préoccupations ne sont plus les mêmes. »
— Johanne Guay
Même si l’intérêt des lectrices québécoises pour la
ne semble pas s’estomper, la quantité de romans du genre qui a inondé le marché ces dernières années ne permet plus aux éditeurs d’enregistrer des chiffres de ventes comme ceux qu’ont connus, par exemple, les romans de Rafaële Germain, précise Johanne Guay. Malgré les embûches et les critiques négatives qui l’ont souvent accompagnée, la peut pourtant se targuer d’avoir su résister au passage du temps et se renouveler.« On dit de ces romans qu’ils sont mal écrits, que c’est toujours la même histoire… Mais au moins, la
essaie de réfléchir à de nouvelles formes, à des héroïnes un peu différentes. Je vois qu’il y a une évolution dans le discours de ces romans », note Marie-Pier Luneau.« C’est sûr que ce ne sont pas souvent des grands textes, mais ils nous en disent beaucoup sur la société, ajoute-t-elle. Il faut aussi se rappeler que les auteures n’écrivent pas pour marquer l’histoire de la littérature. Elles écrivent pour divertir les lectrices. »