Opinion

L’eau souterraine, une ressource essentielle vulnérable

Le 22 mars marque la Journée mondiale de l’eau de l’UNESCO. C’est l’occasion annuelle de nous rappeler l’importance de protéger notre eau. L’eau sous toutes ses formes : les rivières, les océans, les glaciers, l’eau souterraine. Eh oui, l’eau souterraine.

L’eau souterraine est en quelque sorte le miroir de l’eau de surface, l’une se trouvant en haut et l’autre en bas. Les deux suivent le même bon vieux cycle de l’eau, invariablement soumis à la gravité. Étant déposées sur le sol par la pluie, ces eaux suivent leur cours jusqu’à leur destination finale qu’est l’océan. La différence entre les deux, c’est simplement l’échelle de temps. L’eau douce passe dans les rivières et les lacs en jours, mois et années, alors que l’eau souterraine traverse les sols en mois, années et parfois dizaines de milliers d’années. Cela étant dit, l’eau souterraine est profitable pour les êtres humains parce que, contrairement à l’eau de surface, elle peut être bue sans trop d’étapes de traitement grâce à la capacité de filtration du sol.

Il s’agit d’une ressource très économique, ce qui explique que 30 % de la population canadienne en dépende comme source d’eau potable.

L’eau souterraine est donc utile et importante. Malgré tout, sa protection comporte son lot de défis scientifiques. Le domaine de l’assainissement autonome est riche en exemples de cette sorte, dont celui de la résistance aux antibiotiques. La résistance aux antibiotiques provient d’organismes variés qui se sont adaptés à des environnements contenant des antibiotiques de manière récurrente. En ce sens, les boues d’épuration issues du traitement des eaux usées contiennent des souches de microorganismes résistants aux antibiotiques, puisqu’elles sont mises en contact avec des eaux usées qui contiennent des antibiotiques.

Dans les villes, où les eaux usées domestiques sont récoltées dans les égouts puis traitées dans des usines, ces boues d’épuration sont gardées au plus 30 jours dans les procédés, ce qui signifie 30 jours de mutation. Dans les résidences isolées, où l’eau usée s’infiltre dans le sol pour ensuite rejoindre l’eau souterraine, les boues d’épuration se forment progressivement dans le sol. Or, la durée de vie de ces systèmes est de 30 ans sans changements, ce qui revient à dire qu’on laisse les microorganismes muter durant 30 ans !

Pour évaluer le risque que représentent ces systèmes, il faut se poser plusieurs questions. Est-ce que les gènes de résistance aux antibiotiques vont atteindre l’aquifère ? Est-ce que les sols excavés lors du démantèlement du système représentent un risque ? Est-ce que les gènes de résistance aux antibiotiques peuvent se répandre dans l’environnement durant l’opération ?

Réponse : je l’ignore, mais j’avoue que ça m’inquiète un peu. C’est pour ces raisons que notre équipe de recherche à Polytechnique Montréal étudie ces questions.

Dans tous les cas, il n’est pas si simple de caractériser le phénomène, et il faut le faire sur plusieurs années avant d’arriver à une conclusion.

Je crois que la conservation de l’eau souterraine demande un effort particulier dans la gestion des risques. Avec les eaux souterraines, tout peut bien aller durant longtemps, et les problèmes surgir des années plus tard. Il est alors difficile, voire impossible, de réhabiliter l’aquifère. Étant donné les échelles de temps impliquées, et les efforts requis pour étudier les eaux souterraines, il faut valser entre les programmes de caractérisation scientifique, le principe de précaution et la vision à long terme.

Vision d’autant plus difficile à mettre de l’avant politiquement alors que, comme le dit son nom, l’eau souterraine est sous terre et invisible. Par conséquent, elle semble moins intéressante que l’eau de surface. L’eau souterraine ne produit pas de jolis paysages et ne permet pas la baignade ni la navigation.

Je termine sur une note plus positive en mettant de l’avant une initiative pour la conservation des eaux souterraines. En 2008, le gouvernement du Québec a amorcé le financement de projets d’acquisition de connaissances sur les eaux souterraines. Ces projets toujours en cours de réalisation ont permis de documenter une foule de paramètres allant du sens d’écoulement des eaux souterraines au niveau de vulnérabilité des aquifères, et ce, par région. Ce sont là des informations très précieuses pour mener à une gestion intégrée des ressources en eau.

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