Tourisme d’affaires

Des règles « incohérentes » avec celles d’autres secteurs

Le président de C2 Montréal se demande en quoi une rencontre d’affaires est plus risquée qu’un concert

« Paul Piché qui chante aux Francos et Paul Piché qui parle à C2 Montréal, ce ne sont pas les mêmes règles. » C’est en donnant cet exemple fictif, à propos du chanteur qui est également son ami, que Jacques-André Dupont, président et chef de la direction de C2 Montréal, souhaite démontrer « l’incohérence » qui existe entre les règles sanitaires établies pour les festivals et celles pour les évènements d’affaires. Cette « dichotomie » nuit, selon lui, à la relance de son industrie en freinant la tenue de réunions et de congrès.

« La Santé publique du Québec limite la capacité d’accueil d’un évènement majeur comme C2 Montréal à 500 personnes au maximum à l’extérieur ou 250 à l’intérieur. Pour une même personne assistant au spectacle d’un chansonnier ou à une performance sportive professionnelle, la capacité va pourtant jusqu’à 15 000 personnes à l’extérieur », peut-on lire dans une lettre destinée au gouvernement du Québec et signée par une trentaine d’acteurs de l’industrie du tourisme d’affaires, dont M. Dupont.

« Nous y voyons une contradiction : en quoi une rencontre d’affaires encadrée pose-t-elle plus de risques qu’un concert, un festival ou une rencontre sportive ? Les capacités d’accueil autorisées pour les évènements d’affaires, les formations, les conférences ou congrès nous semblent incohérentes avec celles d’autres secteurs », peut-on également lire dans le message envoyé la semaine dernière, dans laquelle les signataires demandent à la Santé publique de revoir « ses positions ».

En entrevue à La Presse, M. Dupont rappelle que le tourisme d’affaires génère 40 % des retombées touristiques à Montréal. « Il y a plein de gens qui essaient d’organiser des évènements. Et ces évènements sont centraux dans la relance. On s’est beaucoup occupé du tourisme d’agrément et c’était super important. Mais là, il faut s’occuper du tourisme d’affaires. »

Dans ces conditions, C2 Montréal, reconnu pour ses évènements d’affaires ludiques et ses expériences immersives, se tiendra, du 19 au 21 octobre, essentiellement en mode virtuel. « Et on a annoncé un projet en présentiel, précise toutefois Jacques-André Dupont. En ce moment, n’essayez pas d’acheter un billet pour le volet présentiel, je n’en vends pas. Parce que je ne sais pas si j’ai le droit d’en vendre. J’en ai déjà vendu, mais je ne connais pas la capacité maximale [que je peux atteindre]. »

« Avec l’arrivée du passeport vaccinal, on demande que les règlements soient justes et logiques avec la grandeur de la salle, ajoute pour sa part Marjolaine de Sa, directrice générale de l’Association hôtelière de la région de Québec. Il faut que la liberté revienne. »

Selon les informations inscrites sur le site internet du gouvernement du Québec, le passeport vaccinal « est requis » à l’occasion des congrès et des conférences.

Mme de Sa – également signataire de la lettre – affirme que le tourisme d’affaires correspond à de 30 % à 35 % du taux d’occupation des hôtels de la capitale nationale. Depuis mars 2020, elle estime que les hôteliers de la région ont essuyé des pertes de 151 millions de dollars, en raison de l’arrêt des activités liées au tourisme d’affaires.

Inquiétudes

L’incohérence, le manque de clarté et l’inquiétude concernant le passeport vaccinal sont autant d’éléments qui nuisent actuellement au tourisme d’affaires, estime Mylène Gagnon, vice-présidente Ventes et Services aux congrès à Tourisme Montréal. À noter qu’Yves Lalumière, président-directeur général de l’organisation a également signé la lettre.

Selon elle, plusieurs groupes ou entreprises ont préféré attendre avant d’organiser des évènements. « Depuis la mi-août, tous nos acquis sont en train de tomber comme un château de cartes. Les gens sont très inquiets par rapport aux règles sanitaires. Quelles sont-elles ? Comment vont-elles s’appliquer ? »

Mme Gagnon donne l’exemple d’une règle qui permet, à l’occasion d’un évènement, à 10 personnes de manger un repas à une même table. Mais lorsque celles-ci retournent dans une salle de réunion, elles doivent s’asseoir en groupe de quatre.

« Ça n’a pas de sens. Comment tu expliques ça à un client ? Ça crée du désengagement de la part des clients. »

— Mylène Gagnon, vice-présidente Ventes et Services aux congrès à Tourisme Montréal

Mercredi, les organisateurs d’un congrès américain qui devait avoir lieu à la fin octobre ont décidé d’annuler l’évènement qui aurait attiré 1500 participants. « C’était notre clé dans notre portfolio pour dire qu’on avait redémarré la machine et que ça avait bien été », se désole-t-elle.

Par le passé, avant la pandémie, l’automne était une saison exceptionnelle pour le tourisme d’affaires dans la métropole, confirme Mylène Gagnon.

« Normalement, l’été, on a nos touristes [d’agrément]. Et quand ils retournent chez eux, ils nous reviennent pour une réunion d’affaires, dit-elle, ajoutant que les hôtels du centre-ville affichaient souvent l’automne des taux d’occupation allant de 80 % à 90 %. Avant, on avait une basse saison qui commençait le 1er novembre. Mais depuis quelques années, elle commençait plus en décembre. »

Selon les derniers chiffres compilés par l’Association des hôtels du Grand Montréal (AHGM), le taux d’occupation a atteint 50 % en août 2021. Difficile toutefois de savoir à quel niveau il se situera cet automne.

« On est rendus loin d’une relance concrète, croit pour sa part Mme Gagnon. C’est un mouvement qui fait vivre nos restaurateurs, qui fait vivre nos transporteurs de limousine, qui fait vivre des entreprises d’autobus, des fleuristes, des gens de l’audiovisuel. On est rattachés à plein d’industries. »

« On dirait tout le temps que la Santé publique n’est pas rendue à entendre parler du tourisme d’affaires. »

Le tourisme d’affaires en bref

– 1,5 million de visiteurs hors Québec ont séjourné dans la province pour affaires (2016) pour un total de 5,1 millions de nuitées

– Ils ont dépensé 877 millions

– Un touriste d’affaires rapporte deux fois plus qu’un touriste d’agrément

Source : Statistique Canada

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