Montréal  Des occasions à saisir

Le patrimoine bâti enfin considéré ?

Deux interventions récentes dans lesquelles s’est impliqué le maire Denis Coderre semblent signaler un virage encourageant sur la question du patrimoine.

En 1979 était conclue l’entente MAC-Ville (entente entre le ministère des Affaires culturelles du Québec et la Ville de Montréal), visant la sauvegarde, la réhabilitation et la mise en valeur du patrimoine montréalais.

Dans la foulée, plusieurs projets majeurs ont été réalisés, notamment dans les quartiers anciens :  la mise en valeur des rues de la Commune et du Champ-de-Mars ; la création du Musée d’archéologie et d’histoire Pointe-à-Callières, sur les lieux de fondation de Montréal ; la rénovation du Marché Bonsecours et, concurremment, la mise en valeur du Vieux-Port.

On doit cependant constater que, depuis des décennies, le patrimoine n’a pas été une préoccupation constante et prioritaire des administrations qui se sont succédé à Montréal. Mais récemment, deux interventions, dans lesquelles s’est impliqué le maire Denis Coderre, semblent signaler un virage encourageant. La Ville a apparemment délaissé les simples interventions de correction au profit d’une nouvelle politique d’anticipation et de prévention.

La première intervention consiste en la revitalisation de la bibliothèque Saint-Sulpice, de concert avec le ministère de la Culture. Celle-ci permettra d’en faire un nouveau centre technologique pour les adolescents. On y aménagera une bibliothèque consacrée exclusivement à cette clientèle, qui aura accès à des équipements numériques à la fine pointe et, au sous-sol, à un centre de développement axé notamment sur la création de prototypes. Le projet, dont la livraison est prévue pour 2017, vise entre autres à contrer le décrochage scolaire et à favoriser l’intégration des jeunes immigrants.

Tout aussi intéressante est l’initiative du maire de s’entendre avec les Sœurs hospitalières de Saint-Joseph pour acheter, à des fins d’usages communautaires et publics, le site patrimonial de l’Hôtel-Dieu, qui comprend la maison mère de la congrégation, une chapelle (dont la crypte conserve les restes de Jeanne Mance, cofondatrice de Montréal), un jardin et un verger, dont la quiétude sera préservée. La maison mère deviendra un centre d’archives religieuses, tandis que des logements sociaux seront construits sur la partie du terrain actuellement utilisée à des fins de stationnement.

Même si certains reprochent aux services municipaux un manque de diligence, dans le cas du club Mount Stephen, ou de clairvoyance dans celui du parc Rutherford, les dossiers patrimoniaux majeurs que représentent la bibliothèque Saint-Sulpice et l’Hôtel-Dieu semblent confirmer enfin, de la part des autorités municipales, un intérêt plus général et à plus longue portée à l’égard du patrimoine bâti.

UNE VISION GLOBALE

Au-delà des deux cas exceptionnels décrits ci-haut, on retrouve en effet une vision plus globale de la conservation et du recyclage des grands édifices dans la toute récente Stratégie centre-ville. Celle-ci se donne notamment l’objectif d’attirer d’ici 15 ans quelque 50 000 nouveaux résidants à Montréal, dans les quartiers centraux, tel le Quartier des gares, qui fait l’objet d’un programme particulier d’urbanisme.

L’idée n’est pas nouvelle : en 1979, la Ville lançait l’Opération 10 000 logements, devenue Opération 20 000 logements en 1982, dans l’intention de freiner l’exode vers la banlieue en offrant aux jeunes ménages l’occasion de demeurer ou de revenir à Montréal. Fondée sur l’exploitation du domaine foncier inutilisé, offert à des promoteurs à des prix fixés d’avance et assujetti à des règles architecturales sévères, l’opération, confiée tant aux sociétés paramunicipales qu’aux constructeurs privés, a connu un succès réel et contribué à la création de véritables nouveaux quartiers urbains, tels Angus, Georges-Vanier et André-Grasset.

Depuis ce temps, la Ville a cherché les moyens de retenir ou d’attirer de nouveaux résidants, notamment des jeunes familles, mais les avantages offerts n’ont pas toujours été suffisamment convaincants.

Aujourd’hui, la Stratégie centre-ville propose un important volet de « régénération urbaine », qui permettra de conserver et de réintégrer dans la vie montréalaise plusieurs grands sites, déjà ou bientôt à la recherche d’une nouvelle vocation. À titre d’exemples : les sites d’hôpitaux aujourd’hui jugés excédentaires, ou encore ceux de Radio-Canada et du Terminus Voyageur, mais aussi plusieurs immeubles municipaux qui ne répondent plus aux besoins actuels.

La Ville soutiendra l’action de partenaires publics ou privés pour recycler de tels sites, dont certains d’intérêt patrimonial, et y développer de nouveaux projets d’usage mixte (résidences, commerces de proximité, écoles, garderies, maisons de la culture). Elle révisera aussi l’aménagement public pour le rendre plus sûr et accueillant. Ce réinvestissement contribuera ainsi à compléter – parfois même à créer – de nouveaux milieux de vie complets et inclusifs dans les quartiers centraux aptes à accueillir une diversité de nouvelles typologies de logements et de nouveaux résidents : familles, jeunes ménages, coopératives d’habitation, logement social.

Enfin, voilà une proposition qui intègre le patrimoine bâti à l’essor démographique et au renouveau urbain.

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