Science

Des astrophysiciennes québécoises

Pour célébrer le 8 mars, La Presse a demandé aux facultés d’astronomie des universités Laval, McGill et de Montréal de suggérer des noms d’astrophysiciennes québécoises ayant marqué leur domaine. Voici la liste.

La pionnière

Allie Vibert Douglas

Née à Montréal, Allie Vibert Douglas a obtenu en 1925 à l’Université McGill le premier doctorat en astrophysique accordé à une femme au Québec. C’est aussi l’année où Harvard a décerné son premier doctorat en astrophysique à une femme. Elle y a œuvré jusqu’en 1939, notamment avec John Foster, un physicien des particules qui travaillait alors à la conception et à la construction d’un cyclotron, selon Jean Barrette, du département de physique de McGill. M. Foster était spécialiste de la spectroscopie et Mme Douglas, de la spectroscopie des étoiles. Elle a ensuite été embauchée par l’Université Queen’s, en Ontario, où elle a enseigné la physique jusqu’en 1964. Elle a été présidente de la Société astronomique royale de 1943 à 1945. Un astéroïde et un cratère sur Vénus portent son nom.

L’élève du Nobel…

Vicky Kaspi

Montréalaise d’origine, Vicky Kaspi a été embauchée par l’Université McGill en 2000 après des études et une carrière aux États-Unis. Elle a reçu l’an dernier la médaille d’or Gerhard Herzberg, remise à un scientifique canadien. C’est la première fois en 25 ans qu’une femme reçoit la médaille. « J’ai toujours été intéressée par l’espace. Petite, j’écoutais Star Trek, dit Mme Kaspi. J’ai étudié la physique des particules au baccalauréat, mais je me suis rendu compte que les équipes étaient trop grosses, de 150 à 200 personnes, pour qu’on soit plus qu’un maillon dans la chaîne. En astrophysique, on peut travailler à quatre ou cinq, et on voyage vers les télescopes, en Australie, au Chili. J’ai eu la chance de faire mon doctorat à Princeton avec Joe Taylor, qui a reçu le Nobel de physique en 1993. Ça a été annoncé la veille de ma soutenance de thèse. S’il l’avait reçu plus tôt, il aurait eu beaucoup moins de temps pour moi. J’ai beaucoup appris de lui, professionnellement et pour la conciliation travail-famille. Il partait toujours à 17 h chez lui pour souper avec sa famille, il invitait souvent des étudiants. Ensuite, il travaillait jusqu’à tard chez lui, comme beaucoup d’entre nous. Après mon doctorat, je suis passée de la radioastronomie à l’astronomie par rayons X, à la fois pour ne pas être vue comme l’“élève de Joe Taylor” et parce que plusieurs télescopes à rayons X étaient planifiés. J’ai travaillé au MIT à Boston, mais mon mari et mes parents étaient à Montréal. McGill m’a promis d’embaucher plusieurs astrophysiciens, ce qu’ils ont fait, notamment deux femmes. »

… et celle de la NASA

Carmelle Robert

Après une maîtrise et un doctorat à l’Université de Montréal, Carmelle Robert fait en 1991 un postdoctorat à la NASA, pendant lequel elle travaille sur le télescope Hubble et est parmi les premiers chercheurs à faire de la « spectroscopie ultraviolette détaillée de galaxies éloignées ». Elle enseigne maintenant à l’Université Laval, tout comme son mari Laurent Drissen. « J’étais curieuse dès mon jeune âge, avec beaucoup de facilité en mathématiques, alors un baccalauréat en physique a été un choix naturel, où j’ai découvert un intérêt pour la physique des étoiles, dit Mme Robert. Utilisant les connaissances acquises sur les étoiles massives, j’ai contribué à la création d’un code de synthèse spectrale, code toujours en usage, permettant de décrire les populations stellaires jeunes dans les galaxies et d’ainsi élaborer des scénarios pour l’évolution des galaxies. Maintenant, je partage mes journées entre l’enseignement et de nouveaux projets de recherche impliquant toujours des étoiles massives et les galaxies spirales. Je garde aussi du temps pour ma famille, mon jardin et un coin de ciel étoilé dans Charlevoix. »

une étoile d’envergure

Nicole St-Louis

Après un baccalauréat et une maîtrise à l’Université de Montréal, Nicole St-Louis a fait son doctorat à l’University College de Londres, puis un postdoctorat au CRSNG. Elle enseigne depuis 1993 à l’Université de Montréal. Elle est spécialiste des étoiles massives, ayant notamment découvert en 2008 l’une d’entre elles, qui pèse 120 fois plus que le Soleil – c’était alors le record, aujourd’hui détenu par une étoile 300 fois plus massive que la nôtre. « J’ai toujours aimé les sciences, car j’aime comprendre comment les choses fonctionnent, dit Mme St-Louis. Les étoiles massives auront une vie très courte et termineront leur vie de façon spectaculaire en explosion sous forme de supernova. Leur vent n’est pas symétrique et homogène. Non seulement contient-il des inhomogénéités à petite échelle s’apparentant à la turbulence, mais dans certains cas, on y retrouve également des structures à grande échelle. Ces dernières sont particulièrement intrigantes, car elles sont engendrées par un mécanisme encore non identifié se produisant à la surface de l’étoile. »

La Montagnaise

Laurie Rousseau-Nepton

Le père de Laurie Rousseau-Nepton était fasciné par les astres et organisait régulièrement avec ses enfants des séances d’observation d’éclipses ou d’étoiles filantes, dans leur maison de la banlieue de Québec. L’an dernier, elle a été la première autochtone à décrocher un doctorat en astrophysique, à l’Université Laval. Sa famille vient de la réserve de Pointe-Bleue (Mashteuiatsh), au Lac-Saint-Jean. « Mon père me disait que je serais astronaute tellement j’aimais les étoiles et les planètes, mais je n’ai pas le goût du risque. Mon doctorat a porté sur la formation stellaire des galaxies spirales avec l’instrument SpIOMM de l’observatoire du mont Mégantic. C’est le prototype de l’instrument SITELLE du télescope France-Canada-Hawaii, où j’ai été embauchée pour continuer mon projet sur les galaxies spirales et enseigner aux autres chercheurs à utiliser SITELLE. »

La Belge

Monique Tassoul

Selon Laurent Drissen, de l’Université Laval, Monique Tassoul est la deuxième femme à avoir reçu un doctorat d’astrophysique au Québec, en 1974 à l’Université Laval. Elle avait auparavant étudié en mathématiques à l’Université libre de Bruxelles. Elle a ensuite travaillé avec son mari, Jean-Louis Tassoul, à l’Université de Montréal, avant de rentrer en Belgique en 2008. Ensemble, ils ont publié en 2004 le livre de synthèse A Concise History of Solar and Stellar Physics, qui explique comment, depuis l’Antiquité, a évolué la compréhension de la structure des étoiles et de leur rayonnement. « Au doctorat, j’ai étudié comment évolue une étoile dans laquelle se produisent des réactions nucléaires liées au carbone, dit Mme Tassoul. Ensuite, j’ai travaillé sur les pulsations non radiales des étoiles et, avec mon mari, sur la circulation interne dans les étoiles en rotation et le mécanisme de synchronisation des étoiles doubles. J’ai également développé, en collaboration avec le professeur Gilles Fontaine, des modèles d’étoiles naines blanches et leurs pulsations. »

Le ciel d’Hawaii

Nadine Manset

Après des études à l’Université de Montréal, Nadine Manset a été embauchée immédiatement après son doctorat par le télescope Canada-France-Hawaii, en 1999. Elle est devenue chef du groupe d’astronomie et responsable du spectropolarimètre ESPaDOnS. « J’ai toujours été passionnée d’observation. Entre août 1993 et juin 1999, j’ai participé à moult missions d’observation [totalisant plus de 360 nuits !]. Mes intérêts scientifiques couvrent la polarimétrie d’étoiles jeunes T Tauri, l’astrobiologie [utilisation de la spectropolarimétrie pour détecter des signes de vie], la spectroscopie [étoiles Be poussiéreuses], et l’imagerie optique et infrarouge [recherche d’étoiles jeunes de type Ae/Be de Herbig]. »

La jeune prodige

Julie Hlavacek-Iarrondo 

En 2014, Julie Hlavacek-Iarrondo est devenue à 26 ans l’une des plus jeunes professeures d’astrophysique du continent. « Habituellement, c’est plutôt 32-35 ans, dit Mme Hlavacek-Iarrondo. J’ai fait mon bac et ma maîtrise en six ans, comme d’habitude, à l’Université de Montréal, mais mon doctorat à Cambridge en trois ans plutôt que quatre. Je venais de recevoir un fellowship Einstein de la NASA pour mon postdoctorat quand un poste s’est ouvert à l’Université de Montréal. On m’a choisie et on a accepté que je retarde mon entrée en fonction d’un an pour rester à la NASA. » Les trous noirs supermassifs forment sa spécialité. « J’ai montré qu’ils avaient plus d’influence qu’on pensait sur les galaxies. Ils les sculptent et participent à leur formation. » Même si l’un de ses projets d’expo-sciences au secondaire portait sur la téléportation, elle n’a pas toujours songé à faire une carrière en astronomie. « Mon père et ma mère sont profs de physique et de chimie, alors on a toujours aimé la logique chez moi. Lors de mon bac en physique, j’ai été fascinée par la logique de ses équations. »

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