Construction domiciliaire

Révolution en vue en Ontario

La province voisine a annoncé mardi un plan énergique pour stimuler l’offre de logements afin de venir à bout de la crise de l’abordabilité de l’habitation. Le Québec devrait s’en inspirer, avancent des experts.

Densification douce de plein droit, cibles municipales en matière de permis de bâtir et gel, voire réduction, des redevances d’aménagement ; le gouvernement de Doug Ford ne lésine pas sur les moyens pour atteindre son objectif de bâtir 150 000 logements par an pendant dix ans.

« On est très contents de prendre connaissance du rapport, indique Paul Cardinal, directeur du service économique à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ). Ça va dans toutes les bonnes directions. Remarquez qu’il y avait eu un rapport [du Groupe d’étude ontarien sur le règlement abordable, paru en février dernier] qui avait relevé tout ce qui a été annoncé mardi. »

Le Québec est également aux prises avec une pénurie de logements. Selon une étude de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) parue en juin dernier, le Québec a besoin de 620 000 logements de plus d’ici 2030 pour retrouver un niveau d’abordabilité souhaitable. Pour y arriver, il faut doubler le rythme annuel des mises en chantier, à 90 000 logements.

Les pistes d’action ontariennes sont applicables au Québec, soutient le professeur d’urbanisme Jean-Philippe Meloche de l’Université de Montréal. « Un des facteurs explicatifs du manque d’abordabilité des logements de manière globale est la rigidité réglementaire qui encadre la production de logements, souligne-t-il. C’est vrai en Ontario comme au Québec. »

L’une des mesures phares annoncées consiste en une densification douce, en permettant l’aménagement de logement accessoire dans les sous-sols ou dans la cour arrière des maisons unifamiliales de plein droit.

« Cela crée une plus grande variété de logements locatifs et peut aider des propriétaires fonciers à payer leur hypothèque ou à loger des membres de leur famille élargie », explique le gouvernement Ford dans son document de présentation.

« Ça permet de dépolitiser la question de la densification et aux municipalités d’aller au-delà de l’opposition habituelle des citoyens à la densification. »

– François Des Rosiers, professeur d’immobilier de la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval

Mario Polèse, professeur émérite de l’INRS Urbanisation Culture Société, fait toutefois remarquer que l’Ontario semble plus interventionniste vis-à-vis des municipalités que le Québec. « Pas sûr que les nôtres se laisseraient facilement imposer des directives aussi nettes », dit-il dans un entretien.

Autre mesure mise de l’avant, le plan ontarien prévoit exiger des 29 villes les plus importantes qu’elles se fixent des cibles municipales en matière de nouveaux logements.

« En début d’année, nous avions suggéré que Québec incite les villes et les arrondissements à se doter de cibles annuelles précises en matière de logement. Je constate que l’Ontario va de l’avant, tout comme elle s’engage à favoriser la densité autour des pôles de transports en commun. Ce sont d’excellentes nouvelles pour cette province et j’espère qu’ici, nous prendrons le temps de les analyser. Si, collectivement, nous souhaitons contrer la crise et protéger l’abordabilité, il faut faire plus, rapidement. »

– Laurence Vincent, présidente, Prével

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Dans sa feuille de route, le gouvernement ontarien aborde de front le problème des frais d’aménagement, qui peuvent représenter 75 000 $ par maison à Toronto, selon une étude récente du C.D. Howe. Pareilles redevances n’existent pratiquement pas au Québec, à l’exception de Montréal.

Les principaux frais imposés aux promoteurs à Montréal comprennent les frais de parcs, la redevance du Réseau express métropolitain et les frais découlant du Règlement pour une métropole mixte sur les logements sociaux et abordables.

Ces frais engendrent des iniquités. Les frais réglementaires à Montréal sont 10 fois plus élevés pour un logement locatif dans une tour que pour une maison, indique une étude de la SCHL parue en juillet dernier.

Bémols

« C’est une politique axée sur l’offre en espérant que la plus grande disponibilité va entraîner une baisse des loyers, mais il n’y a rien d’automatique, commente Martin Blanchard, porte-parole du Regroupement des comités logement et des associations de locataires du Québec (RCLALQ). Il faut accompagner cette politique de mesures qui contrôlent les loyers comme un gel temporaire des loyers en attendant la mise en place d’un contrôle obligatoire des loyers. »

Pour Paul Cardinal, de l’APCHQ, le plan ontarien est discret sur les compensations à verser aux municipalités pour pallier les diminutions des redevances proposées.

Le plan ontarien est timide sur les budgets consacrés aux logements sociaux, mentionnent les professeurs Meloche et Polèse.

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