Quand le tireur rencontre l’ambassadeur
Washington — Il n’est jamais très compliqué, pour les médias sur place, de parler au héros d’une victoire. De toute façon, les joueurs le savent, particulièrement après un match de deux buts.
Nick Suzuki s’est donc présenté devant les caméras, fort de sa performance de trois points, dans la victoire de 5-2 du Canadien face aux Capitals de Washington, mardi.
Mais Juraj Slafkovsky, l’auteur de l’autre doublé, se faisait attendre, si bien qu’il a fallu quitter le vestiaire pour le point de presse de Martin St-Louis sans avoir parlé au jeune premier.
On a finalement su pourquoi Slafkovsky tardait à émerger du vestiaire : en cette visite dans la capitale américaine, il était attendu par l’ambassadeur de la Slovaquie aux États-Unis. Souhaitons d’ailleurs que le bon Radovan Javorčík encadrera cet article, sa première mention dans le tabloïd des sports de La Presse.
Des jeunes de 19 ans qui rencontrent leur ambassadeur, ça n’arrive pas souvent. Mais Slafkovsky détient un statut particulier dans son pays. À 17 ans, il portait les couleurs de la Slovaquie aux Jeux olympiques. À 18 ans, il devenait le premier représentant de son pays réclamé au premier rang du repêchage. Des journalistes slovaques débarquent de temps à autre à Montréal pour prendre de ses nouvelles. La renaissance du hockey slovaque passe en partie par lui.
Mais tout ça ne semble visiblement pas émouvoir le grand ado, qui a accueilli la visite de l’ambassadeur avec sa candeur habituelle. « C’était pas mal bien. Ils ne sont pas très sérieux, ce sont aussi des fans », a-t-il lancé au sujet du personnel de l’ambassade venu le voir.
« Ils ont aimé le match, on a pris des photos et j’ai signé quelques chandails. C’est bien de voir qu’eux aussi ont ça à cœur ! »
— Juraj Slafkovsky
Un collègue lui a alors demandé si une invitation au restaurant l’attendait à son prochain passage par ici. « Je l’espère. Sinon, Martin Fehervary [des Capitals] va m’inviter. J’ai deux options ! »
Plus que la visite de l’ambassadeur, cependant, le développement le plus significatif pour le Tricolore, ce sont les deux buts que leur jeune espoir a inscrits. « Deux tirs d’élite », a jugé Jake Evans, auteur de la passe décisive sur le premier des deux filets.
Avec ce doublé, Slafkovsky compte maintenant sept points, dont cinq buts, à ses huit derniers matchs. Mais surtout, il a tiré 19 fois au filet pendant cette séquence. Sa moyenne de 2,375 tirs par match est le double de celle qu’il affichait avant cette séquence depuis son arrivée dans la LNH (1,2 par match).
« Je me souviens que, plus jeune, j’avais tendance à toujours vouloir passer la rondelle aux autres, a rappelé son centre, Nick Suzuki. Quand tu as la chance de tirer, tu dois en profiter. On essaie de le placer en situation favorable pour qu’il tire. »
L’importance du leadership
Cette victoire était loin d’être parfaite. Les Montréalais ont été sauvés en partie par un Samuel Montembeault en grande forme, bombardé de 34 tirs seulement dans les 40 dernières minutes, même s’il limitait au minimum les retours qu’il accordait.
La ligne de centre du Tricolore a aussi généré quelques moqueries sur les internets, mais chez les Capitals, derrière Dylan Strome, ce n’était guère mieux avec le vétéran Nic Dowd, le jeune Connor McMichael et le joueur de la Ligue américaine Michael Sgarbossa. Disons que les spectateurs sur place au Capital One Arena ne pouvaient pas s’attendre à une reprise de la finale de la Coupe Canada 1987.
Victoire imparfaite, donc, au terme de laquelle Slafkovsky n’était pas entièrement satisfait, même si Suzuki et lui ont totalisé quatre buts. « On n’a pas joué notre meilleur match, du moins moi », a-t-il dit.
Un commentaire qui allait dans le sens de ce que nous disait Suzuki quelques minutes plus tôt. « Il était frustré en première moitié de match », a laissé tomber le capitaine.
Pourquoi donc ? « C’était décousu des deux côtés. Je lui ai dit : “C’est notre premier match en 10 jours. Relaxe ! Ça va aller. Tout le monde se sent comme ça.” Il a de très hautes attentes, ce que j’aime, donc j’essaie juste de ne pas être aussi négatif que lui. »
L’anecdote est intéressante, en ce premier match sans Sean Monahan, qui exerçait un certain leadership à sa façon. Monahan parti, les rares vétérans du club devront en faire plus pour épauler les plus jeunes. Suzuki est relativement jeune, mais son titre de capitaine le rentre de force dans la catégorie de ceux qui devront assumer un plus grand rôle.
Ce qui nous amène à David Savard, un autre des acteurs de cette victoire. Il n’a pas marqué de but, mais en a sauvé un en se jetant devant un tir de Max Pacioretty. « Serge Savard ! Non, David Savard ! », a commenté à la blague l’analyste à la télévision des Capitals Craig Laughlin. « Quelqu’un m’a dit qu’il a vu passer David Sauveur, j’ai trouvé ça drôle. Je vais lui devoir un souper », a ajouté Montembeault.
Le nom de Savard commence à revenir à gauche à droite dans les discussions entourant la date limite des transactions. Qui sait ce que Kent Hughes et Jeff Gorton planifient ? Mais en attendant, l’importance de Savard dans l’équation ne fait qu’augmenter. Voyez ce qu’avait à dire Evans au sujet de Savard, avec la perte de Monahan.
« C’est bien d’avoir des gars qui ont du vécu. Il aide beaucoup les jeunes défenseurs, mais il est bon pour tout le monde. Et hors glace, c’est juste un des gars les plus drôles, les plus positifs. Dans une équipe comme la nôtre, qui connaît des hauts et des bas, ça aide à nous stabiliser. »
De quoi réfléchir d’ici au 8 mars.
Prochain match : Stars de Dallas c. Canadien, samedi à 13 h au Centre Bell