REM

Aller au vignoble sans bouchon

Il y a maintenant 164 vignobles au Québec, dispersés dans la province. Un seul est établi à Montréal, dans l’ouest de l’île, où il côtoie le chantier du REM à venir. Visite d’un lieu surprenant et méconnu.

« La station va être juste là-bas », pointe Denis Richer, vers le sud.

Le directeur général du seul vignoble montréalais – si on exclut les projets d’agriculture urbaine – a l’habitude de voir la mine surprise des visiteurs qui se pointent au domaine, parfois par accident.

En attendant l’arrivée du REM à Senneville, où il se trouve, on voit tout de même les voitures qui circulent sur la 40, non loin des vignes.

L’endroit est étonnant : huit hectares de vignes, une douzaine de cépages différents et la vinification sur place, par Denis Richer lui-même, un homme-orchestre qui a appris le métier par passion.

À la ferme Souffle de vie, on fait aussi pousser de l’ail et des asperges. Mais le raisin est le cœur de l’endroit.

« Un microclimat rend favorable la culture de la vigne. »

— Denis Richer, directeur général de la ferme Souffle de vie

Un microclimat à Senneville ? À deux pas de l’autoroute ?

Le lac des Deux Montagnes est tout près, rappelle-t-il. Le cours d’eau tempère le vignoble. Comme la rivière Moselle le fait en Allemagne ou le Rhône en France, dans des cadres différents.

L’effet est néanmoins indéniable : alors qu’il y a eu du gel dans plusieurs régions viticoles du Québec, au printemps, Souffle de vie a été épargné.

Autre surprise, la diversité des sols – sablonneux, ligneux, argileux, ce qui permet la culture de plusieurs variétés de raisins. Et le vigneron expérimente. Dans son portefeuille de raisins se trouvent à la fois du chenin et du zinfandel, deux cépages qui se côtoient rarement dans un même domaine, dans un même climat. « On essaie des choses », dit Denis Richer, avec un mélange de fierté et d’humilité fréquent chez ceux et celles qui travaillent la terre.

Au chai aussi, les risques sont permis. Comme celui de faire quatre rosés, dont un qui est le fruit de raisins de table, ce qui donne un surprenant vin si herbacé que l’on pourrait penser au retsina grec lorsqu’on l’a en bouche.

« On veut se différencier, confie Denis Richer. On doit trouver notre identité. »

Tout miser sur le tourisme

Les surprises ne s’arrêtent pas là.

Le vignoble a une douzaine d’années, mais il n’est ouvert au public que depuis moins d’un an. Son vin n’est pas offert à la SAQ.

C’est une question de temps, explique Philippe Druelle, ostéopathe et propriétaire du vignoble, qui annonce avoir conclu une entente avec une agence pour la distribution des vins.

Le propriétaire préfère taire le nom de ce nouveau partenaire. Il est aussi très discret à propos des investissements qu’il a faits dans son entreprise, mais que l’on devine très importants en visitant les installations.

Originaire de la Loire, Philippe Druelle a acheté cette terre en 2011. Les premières vignes ont été plantées deux ans plus tard. Dix ans plus tard, il compte investir dans l’image de son domaine et la mise en marché des vins, explique-t-il lors d’une entrevue téléphonique.

En attendant, ce sont donc les visiteurs qui achètent les bouteilles sur place, après dégustation.

Rares sont ceux qui repartent les mains vides, affirme le sommelier Lucas Vlahakis, qui a rejoint la petite équipe il y a quelques mois. Un bel espace terrasse a été aménagé pour la dégustation, et le sommelier reçoit une clientèle de plus en plus nombreuse.

« Au départ, c’était majoritairement les voisins qui venaient voir. Des gens de Senneville qui marchaient et étaient surpris de découvrir un vignoble ici. Mais ça grandit. Ça vient de Montréal maintenant. »

— Lucas Vlahakis, sommelier

Car le mot se passe : les vignes sont belles. Particulièrement cette année où la chaleur et la pluie ont été bonnes pour la croissance du raisin, à Senneville comme dans de nombreux autres vignobles québécois.

Les vendanges risquent d’être hâtives.

Denis Richer compte sur une équipe de cinq travailleurs agricoles étrangers, qui sont là du printemps à l’automne.

Le vignoble veut obtenir sa certification biologique. Déjà, la biodiversité des lieux fait partie de ses charmes. Les papillons virevoltent dans les vignes. Un coyote y a établi sa demeure et grossit alors que les familles de ratons laveurs disparaissent. Les oiseaux sont nombreux ; on y croise parfois des tortues. Une écurie est cachée au milieu des vignes.

Le quartier est cossu. Étonnamment paisible pour un endroit situé à un jet de pierre de l’autoroute. Les matins de semaine, on croise essentiellement des cyclistes sur le chemin qui mène au domaine. Selon M. Richer, l’arrivée du REM amènera une nouvelle clientèle, curieuse de découvrir le seul vignoble montréalais.

Le projet Vignes en ville

Ça n’est pas tout à fait un vignoble montréalais. Et ça n’est pas tout à fait un vin, mais il existe une autre cuvée urbaine sur le marché, produite en toute petite quantité. Celle issue du projet Vignes en ville, né en 2017 alors que le toit du Palais des congrès accueillait ses premiers plants.

« L’objectif, à la base, était de savoir si la vigne était une bonne candidate pour végétaliser la ville, tant au sol qu’en bac, sur les toits », explique l’initiatrice du projet, Véronique Lemieux, devenue vigneronne depuis.

La conclusion : oui.

Après le Palais des congrès, la SAQ a aussi planté des vignes à son siège social, suivie de l’ITHQ, d’Ubisoft et finalement de la Centrale agricole, qui se trouve dans le quartier Ahuntsic.

Le projet a encore pris de l’expansion : des vignes ont été distribuées dans Rosemont et plantées dans la cour d’une école du Plateau Mont-Royal.

Au total, on peut calculer un peu plus de 1500 plants de cépages rustiques, donc qui résistent beaucoup mieux au froid que leurs cousins Vitis vinifera du « Vieux Monde ».

Puisque ces vignes ont été généreuses, Véronique Lemieux présente une centaine de bouteilles cette année.

Il s’agit d’une comacération avec d’autres fruits, car le taux d’alcool aurait été trop élevé pour qu’on en fasse un vin du style désiré par la vigneronne – les raisins de toit étant plein soleil, donc plein de sucre !

Et quel est ce style ?

« Les gens qui connaissent le vin naturel vont généralement l’apprécier, mais les gens qui n’ont aucune idée des goûts naturels de fermentation sont parfois surpris », prévient Véronique Lemieux, qui décrit ce cidre (puisqu’il contient des fruits !) comme frais, avec une acidité très vive.

« Ça représente bien le terroir nordique, car l’acidité est propre à notre climat. Autant dans les pommes que dans les raisins. »

— Véronique Lemieux, fondatrice de Vignes en ville

Si vous souhaitez mettre la main sur une bouteille de Cuvée Urbaine, vous devez vous rendre à l’espace MR-63. Cet OBNL de Griffintown vend la boisson en bouteille ou au verre – une quinzaine de dollars pour un verre, pour ceux et celles qui veulent découvrir la Cuvée Urbaine !

Faites vite : la semaine dernière, il ne restait qu’une quarantaine de bouteilles en stock…

D’autres vignobles urbains

On retrouve des vignobles urbains partout dans le monde. Voici trois exemples bien connus de viticulture en ville.

Paris

Le Clos Montmartre est souvent sur le programme des touristes en visite à Paris. Avec raison : le vignoble se trouve au cœur de Montmartre. Il fête cette année ses 90 ans et est la propriété de la Ville de Paris. On y cultive une trentaine de cépages pour 2000 pieds de vigne. Les bouteilles sont vendues aux enchères.

Vienne

Le cas de Vienne est particulier : les vignes ne sont pas exactement en ville, mais tout juste à l’extérieur. Assez près pour que l’on puisse y aller en transports en commun. C’est là qu’on retrouve le fameux Gemischter Satz viennois, un vin fait à partir de raisins de différents cépages qui ont été plantés ensemble et vinifiés ensemble.

Santiago

Le Chili est parmi les 10 plus importants pays producteurs de vins au monde. On y retrouve des vignes du Nord jusqu’à la Patagonie, mais aussi au cœur même de Santiago, la capitale. Le vignoble urbain Cousiño Macul a plus de 150 ans. C’est une entreprise privée ouverte au public pour la dégustation, avec les Andes en arrière-plan.

D’autres vignobles urbains

Paris

Le Clos Montmartre est souvent sur le programme des touristes en visite à Paris. Avec raison : le vignoble se trouve au cœur de Montmartre. Il fête cette année ses 90 ans et est la propriété de la Ville de Paris. On y cultive une trentaine de cépages pour 2000 pieds de vigne. Les bouteilles sont vendues aux enchères.

Vienne

Le cas de Vienne est particulier : les vignes ne sont pas exactement en ville, mais tout juste à l’extérieur. Assez près pour que l’on puisse y aller en transports en commun. C’est là qu’on retrouve le fameux Gemischter Satz viennois, un vin fait à partir de raisins de différents cépages qui ont été plantés ensemble et vinifiés ensemble.

Santiago

Le Chili est parmi les 10 plus importants pays producteurs de vins au monde. On y retrouve des vignes du Nord jusqu’à la Patagonie, mais aussi au cœur même de Santiago, la capitale. Le vignoble urbain Cousiño Macul a plus de 150 ans. C’est une entreprise privée ouverte au public pour la dégustation, avec les Andes en arrière-plan.

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