Microcéphalie

1760 bébés chaque année

On entend par microcéphalie une boîte crânienne anormalement petite. « Si le périmètre crânien est inférieur au 2e percentile sur l’échelle de courbe de croissance, on parle alors de microcéphalie. Certaines formes sont légères, d’autres beaucoup plus sévères », indique Myriam Srour, neuropédiatre à l’Hôpital de Montréal pour enfants et directrice du Laboratoire sur les malformations congénitales cérébrales du Centre universitaire de santé McGill. Au Québec, cette affection touche 2 % de la population. C’est 1760 bébés sur 88 000 naissances annuelles dans la province.

Microcéphalie

Une vie normale ?

La plupart des microcéphalies sont légères. Et parfois même sans aucune conséquence. « Un enfant peut avoir une petite tête, en raison d’un trait génétique, par exemple, explique la neuropédiatre Myriam Srour. Si son cerveau est normal et qu’il se développe bien, ça ne causera aucun problème. » Même en présence d’anomalies au cerveau, bon nombre d’enfants pourront néanmoins fréquenter l’école, accéder au marché du travail et mener une vie autonome.

Microcéphalie

40 % des cas inexpliqués

« Dans 40 % des cas, l’origine de la microcéphalie est inconnue, explique la Dre Srour. Il s’agit probablement d’une anomalie génétique, mais nous n’avons pas encore les moyens ou la capacité de l’identifier. » Les causes de microcéphalie sont très nombreuses. Une infection fœtale, comme la rubéole ou la toxoplasmose, peut entraîner une microcéphalie. « Même si la maman a très peu de symptômes, l’effet peut être majeur chez le fœtus. » Après la naissance, la microcéphalie peut notamment être causée par un manque d’oxygène, une méningite ou un désordre génétique. « Si la tête a une circonférence normale à la naissance et qu’elle est trop petite à six mois, c’est inquiétant », dit la spécialiste.

Microcéphalie

Des conditions hétérogènes

« L’impact chez l’enfant est difficile à prédire et très variable selon les cas, indique la Dre Srour. La microcéphalie peut être associée à un retard de développement ; ces enfants sont plus à risque de marcher tardivement et de parler tardivement. Parfois, jamais ils n’en seront capables. » Les microcéphales sont aussi plus à risque de déficit intellectuel, de surdité, de problèmes de vision et d’épilepsie. L’état de conscience peut être très altéré. « L’effet dépendra avant tout de la sévérité de l’atteinte et des parties du cerveau qui sont touchées », explique-t-elle.

Microcéphalie

0,2 % :  microcéphalie sévère

La microcéphalie sévère touche de 0,1 à 0,2 % de la population. « Plus la microcéphalie est importante et plus elle survient tôt durant la grossesse, plus cela aura des effets importants chez l’enfant. Souvent, elle est perceptible à l’échographie de 20 semaines », souligne la Dre Srour. Dans les cas qu’on attribue au virus Zika, la microcéphalie – visible à l’œil nu – est sévère, précise- t-elle. « En imagerie, on voit que le cerveau des enfants touchés ressemble à celui des enfants qui ont été atteints d’infections prénatales comme la toxoplasmose. Il y a destruction des cellules à un moment où le cerveau est en plein développement. »

Santé

La vie avec une microcéphalie

L’Organisation mondiale de la Santé a annoncé vendredi que les experts pourraient confirmer d’ici quatre à huit semaines le rôle joué par le virus Zika dans la multiplication des cas de microcéphalie chez les nouveau-nés. Ce lien, même s’il n’est pas avéré à ce jour, a mis en lumière une affection méconnue qui touche 2 % de la population : la microcéphalie.

Bella est âgée de 5 ans. Pour s’exprimer, elle gesticule de façon saccadée, elle crie, elle pleure, elle rit. Alors que les enfants de son âge apprennent à écrire, Bella ne prononce aucun mot, elle babille. Chaque petit progrès est une victoire. Elle commence à marcher avec de l’aide, se réjouit sa mère Josianne Tremblay, 30 ans.

Bella a une microcéphalie sévère liée à un retard de développement et à un déficit intellectuel. La cause en est inconnue. « J’ai appris en début de grossesse que notre bébé serait anormal. À l’occasion d’une échographie précoce, la microcéphalie était déjà visible. J’aurais pu me faire avorter, mais nous avons fait confiance à la vie. Même si c’est difficile, jamais je n’ai regretté. Je suis en paix avec cette décision », confie Josianne, rencontrée chez elle à Longueuil.

De la cuisine, elle jette un œil sur Bella, assise sur le sofa du salon. La petite regarde un épisode de Bébé Einstein.

« Elle devient à tout coup très calme devant cette émission, sauf quand il y a une publicité. Ça peut déclencher une grosse crise. »

— Josianne Tremblay, mère de Bella

Les crises de larmes et de colère sont quotidiennes chez Bella. Elles surviennent pour tout et pour rien. Parce qu’elle a reçu un flocon dans un œil, parce que l’eau de la piscine est trop froide, parce qu’elle n’aime pas la texture du sable lors des vacances à la plage. « Il y a 15 minutes, j’étais en train de lui faire des tresses. Elle ne voulait pas. Elle a tellement crié qu’elle a vomi son repas. J’ai dû la doucher une deuxième fois. » Bella est nourrie par gavage et, fragile, elle vomit souvent. Le jour comme la nuit.

Les spécialistes ont multiplié les tests pour tenter de comprendre la microcéphalie de la fillette. Sans succès. « Au bout d’un moment, j’ai moi-même décidé de cesser l’acharnement, Bella ne comprenait pas pourquoi on lui faisait toutes ces prises de sang, pourquoi on lui faisait mal. C’était très traumatisant pour elle. Si la cause avait été flagrante, on l’aurait déjà trouvée. » La jeune femme souhaite néanmoins que les chercheurs soient plus nombreux à se pencher sur les origines de la microcéphalie. « Je connais plein de parents qui se questionnent et qui sont sans réponse. » Le virus Zika n’explique pas tout, insiste-t-elle, craignant qu’on n’élimine d’autres avenues inexplorées.

Josianne concentre aujourd’hui ses efforts sur son cocon familial. Son conjoint travaille en construction le jour, le soir et le week-end. « Je n’ai pas d’emploi, alors il travaille pour deux. » Le couple a deux autres enfants : Angélique, 6 ans, et Castiel, 2 ans et demi.

« J’ai tenté de travailler, mais je perds rapidement mon travail. Bella est souvent malade et je suis tellement fatiguée que je manque parfois de concentration. Les patrons sont ouverts, mais ils ont des limites. »

— Josianne Tremblay

En septembre dernier, Bella a fait son entrée à l’école spécialisée Bel-Essor, où elle est stimulée et bien entourée. « C’est tellement important pour eux, ça favorise leur développement. Mais pourquoi on coupe tous les services à 18 ans ? Ça n’a aucun sens. Il faudrait tellement faire plus pour ces enfants, les inclure davantage. On ne réalise pas à quel point ils apportent à la société. Son frère et sa sœur sont sensibilisés à la différence, c’est un beau cadeau. Bella fait de nous de meilleures personnes. »

Bella n’a jamais dit maman, mais elle couvre Josianne de bisous et de câlins. Dans ses bras, elle lui flatte la joue tendrement, le regard fixe vers la fenêtre. « Elle peut rire aux éclats en observant les feuilles bouger dans un arbre. Ça nous force à nous arrêter, à porter attention aux petits bonheurs simples. Ça crée un état d’esprit contemplatif, loin de la performance et du stress. On vit le moment présent, on s’y accroche. »

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